Les affaires de malversations dans les structures publiques (administrations ou entreprises) évoluent en fonction de l’environnement réglementaire-code des marchés publics et autres règlements inhérents aux appels d’offres- et des possibilités de son exploitation à des fins d’enrichissement personnel, comme elles évoluent également en fonction du volume des transactions et des marchés conclus avec des fournisseurs et des prestataires de service (études et travaux).
Au cours de ces deux dernières années, les sujets liés au phénomène de la corruption ont constitué les ‘’choux gras’’ de la presse, l’ordre du jour quasi quotidien des instances judiciaires et le menu presque obligé de toutes les interventions des acteurs politiques de l’opposition et même de l’Alliance présidentielle.
Les affaires de malversations dans les structures publiques (administrations ou entreprises) évoluent en fonction de l’environnement réglementaire-code des marchés publics et autres règlements inhérents aux appels d’offre- et des possibilités de son exploitation à des fins d’enrichissement personnel, comme elles évoluent également en fonction du volume des transactions et des marchés conclus avec des fournisseurs et des prestataires de service (études et travaux).
Le Premier ministre Ahmed Ouyahia, y a fait allusion il y a deux ans de cela en déclarant que les institutions publiques n’ont jamais eu à gérer autant d’argent que lors des derniers plans quinquennaux de développement.
Visiblement, le sujet ne manque pas de gagner en sensibilité et, en même temps, de perdre une part de tabou qui le grevait pendant des décennies. Mieux encore, des sujets connexes, étroitement liés au problème de la corruption –tels que le blanchiment d’argent, l’obligation d’utiliser des chèques pour les transactions dépassant les 500 000 dinars (mesure initialement fixée au 31 mars 2011, puis annulée)- afin d’assurer la traçabilité des opérations financières,…- commencent à être vulgarisés et dépossédés de la fausse pudeur dans laquelle ils étaient englués.
Les affaires de corruption soumises aux instances judiciaires au cours de l’année 2010 se comptent par dizaines, allant d’un simple pot-de-vin versé par un citoyen pour obtenir un droit pourtant consacré par les textes de la république, jusqu’aux grandes affaires de détournement dans les entreprises publiques.
Le rythme infernal des révélations, des arrestations et des instructions a quelque peu bousculé les gestionnaires et l’encadrement des entreprises publiques et de l’administration de l’État au point où des excès de prudence et des précautions tatillonnes ont déteint sur la marche générale de l’économie.
C’est ce qu’a laissé entendre au début de l’année en cours le président de l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, Bouzeboudjen Brahim, en marge de la prestation du serment des sept membres de cet organe.
Il dira que « la lutte contre la corruption ne doit pas constituer une source de « paralysie du développement du pays ; elle doit de ce fait également intégrer la nécessité de protéger les agents de l’État contre toute forme de délations et de manipulations».
M.Bouzeboudjen a tenu à rappeler que la lutte contre la corruption n’a pas attendu la mise en place de cet organe pour faire face à ce fléau, ajoutant qu’elle a toujours été et en permanence une mission « normale et régulière » des différentes institutions et structures de l’État.
Nul responsable n’est à l’abri
En effet, les organes traditionnels de contrôle sont, chacun dans son domaine propre, dotés de prérogatives plus ou moins étendues dans la recherche des délits et crimes économiques liés aux malversations ou à la dilapidation des deniers publics. À l’occasion, il y a lieu de citer au moins deux institutions chargées du contrôle de l’usage de l’argent public : l’Inspection générale des finances (IGF) et la Cours des Comptes
En 2010, le Conseil des ministres a eu à examiner et approuver un projet d’ordonnance relatif à la prévention et la lutte contre la corruption ainsi qu’une ordonnance permettant l’extension des missions et attributions de la Cour des Comptes.
La première mesure, en modifiant et complétant la loi 06-01 du 20 février 2006 relative à la lutte contre la corruption, aboutit notamment à la création d’un office central de répression de la corruption chargé des recherches et constatations des infractions de corruption.
Dans la foulée de la création de cette nouvelle structure, les compétences des officiers de la police judiciaire qui en relèvent se trouvent élargies.
La seconde décision relative à l’extension des missions et compétences de la Cour des Comptes répond aux vœux des magistrats de cette institution exprimés à l’automne 2010.
Ceux-ci étaient montés au front pour protester contre leurs conditions de travail et les missions ‘’restreintes’’ dans lesquelles ils étaient confinés. C’est pourquoi, la nouvelle loi accorde à cette institution la possibilité de « formuler des recommandations visant au renforcement des mécanismes de protection des deniers publics et de la lutte contre les fraudes et préjudices du Trésor public ou aux intérêts des organismes publics soumis à son contrôle ».
Tout en relevant a priori de préoccupations ordinaires et légitimes, l’intérêt que portent les pouvoirs publics et singulièrement le président de la République au thème de la corruption et de la dilapidation des deniers publics n’est, cependant, pas étranger aux affaires qui ont ébranlé l’administration et les institutions de la République au cours de ces deux dernières années.
De la plus petite mairie de province jusqu’à certains ministères de souveraineté il n’est pas un rang de la hiérarchie qui soit épargné par le climat morbide des affaires. Entre celles qui sont avérées et portées devant les tribunaux et celles relevant de la simple rumeur, la frontière est demeurée mince ; ce qui aboutit au constat que nul responsable n’est à l’abri de dénonciations fondées ou calomnieuses.
C’est cette fétide ‘’kermesse’’ qui a rempli les pages de journaux pendant des mois, et cela ne semble pas pouvoir s’arrêter de sitôt.
Climat de suspicion
Au début de l’été 2010, des parlementaires on initié une action tendant à créer une commission d’enquête parlementaire pour enquêter sur certaines affaires de corruption. Au vu du climat et du rapport de forces régnant au sein de l’Assemblée populaire nationale, la requête n’a pas pu aboutir. L’argument avancé par le président de l’APN, Abdelaziz Ziari, est que l’Assemblée nationale n’est pas habilitée à enquêter dans ce genre d’affaires. Il y a risque d’empiéter sur les missions et compétences des organes spécialisés (justice, services de sécurité Cour des Comptes,…), comme il y a risque d’un double emploi du fait que les affaires éventées ont été prises en charge par la justice. À cela s’ajoute le fait que la requête des députés est restée dans les généralités ; elle n’a pas pu désigner un objectif précis, vérifiable et quantifiable. Depuis le début des réformes politiques et économiques initiées1988, la lutte contre la corruption et l’effort de contrôle régulier de l’utilisation des deniers publics ont été une demande citoyenne récurrente. Elle sera prise en charge dans les programmes de la quasi totalité des partis politiques.
Les Algériens se sont fait un point d’honneur d’évaluer les gouvernants à l’aune de leur volonté d’arrêter l’ogre de la corruption qui a ‘’siphonné’’ l’économie nationale, découragé les cadres intègres de la nation et anéanti les espoirs chez la jeunesse. Le chiffre de 26 milliards de dollars, annoncé par l’ancien Premier ministre, Abdelhamid Brahimi, comme étant le montant des commissions prélevées par des gestionnaires publics dans les contrats de marchés extérieurs, est toujours présent dans les esprits. Vrai, faux ou approximatif, ce chiffre a fini par être popularisé dans une chanson satirique du début de l’ère pluraliste.
Il faut aussi reconnaître que la revendication de la moralisation de la vie publique et de l’établissement d’une relation de confiance entre gouvernés et gouvernants a, par une curieuse illusion d’optique, trouvé une oreille attentive dans les formations islamistes extrémistes. Vu la sensibilité du sujet auprès de citoyens écrasés par le destin, le messianisme caractérisant ces formations politiques englobe aussi cette demande populaire de justice.
Au regard des enjeux et des difficultés entourant un tel sujet, sa manipulation devient fort délicate, particulièrement dans un contexte où, au sein de l’administration et des entreprises publiques, les valeurs professionnelles et la gestion des ressources humaines ne sont guère un parangon de rationalité et de transparence. Les luttes pour les postes de responsabilité s’aiguisent presque de façon inversement proportionnelle au poids des curriculums vitae et des compétences professionnelles.
Il s’ensuit que le sujet revêt un caractère de gravité et de sensibilité bien marqué. Un traitement à la légère des informations qui circulent sur les affaires de malversations et de concussions peut avoir de graves retombées du moment où il peut bien, par erreur ou par malveillance, toucher l’honneur des personnes au-dessus de tout soupçon et ternir leur image. Car, le climat de suspicion générale dans lequel travaillent et évoluent les cadres et agents de l’État a trouvé dans la rue un prolongement dangereux où les rumeurs, les on-dit et autres supputations sont débités à tout va.
Amar Naït Messaoud