“Une écriture de l’Algérie”

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C’est en 1981 que commence véritablement l’itinéraire d’écriture de fiction qui fait insensiblement basculer l’essayiste qu’était, jusque-là, Leïla Sebbar vers la littérature algérienne. De 1981 à 1987, Leïla Sebbar publie aux éditions Stock, Fatima ou les Algériennes au square (récit 1981), Shéhrazade, 17 ans, brune, frisée, les yeux verts (roman 1982), Le Chinois vert d’Afrique (roman 1984), Parle mon fils, parle à ta mère (récit 1984), Les carnets de Shéhrazade, roman 1985, JH cherche âme sœur (roman, 1987). Il faut y ajouter Les lettres parisiennes, autopsie de l’exil, publiées en 1986 chez B. Barrault en collaboration avec Nancy Huston. Un itinéraire aussi dense et ascensionnel en six années est remarquable. La thématique est celle de l’émigration et de l’exil avec une évolution très nette vers une mise en fiction des marginaux en France.Se remémorant de sa difficulté à se situer entre les deux pays, Leïla Sebbar écrivait dans l’actualité de l’émigration en 1986 : “Dix ans plus tard, parce que je suis moins amnésique et que les retours de mémoire se précipitent. Je sais aujourd’hui et pour longtemps, je crois que rien ne pourra plus me séparer de l’Algérie et que si je m’enferme, c’est pour parler d’elle”. Le premier récit entrecroise différentes histoires d’enfants de l’émigration : son point central est l’histoire de Saliha, fille de Fatima et qui écoute au square sa mère et ses amies se raconter leurs vies. L’idée essentielle, sur laquelle les autres créations reviendront et celle de la fugue, indice du malaise des enfants de la deuxième génération, et de leur refus du ghetto qui les étouffe : “Fuguer, dit l’auteur, c’est aller vers le croisement, la fugue est le mouvement de l’exil”. Le récit inspiré d’enquêtes sociologiques, acquiert une valeur littéraire par le travail de l’écriture.Un an plus tard, le récit est abandonné pour le roman et Dalila pour Shéhrazade. L’atmosphère créée est tout autre puisqu’il y a insertion dans un milieu familial. Une jeune femme et un homme d’une trentaine d’années se rencontrent dans un fast-food : le prénom de celle-ci, Shéhrazade déclenche un comportement particulier de la part de Julien. Shéhrazade vit au squat avec d’autres jeunes comme elle en situation irrégulière. Après sa rencontre avec Julien, elle va parfois chez lui mais jamais elle ne rend compte à personne de ses déplacements. Elle quitte Paris pour se rendre en Algérie avec Pierrot, un des camarades de squat. Un accident de la route tue Pierrot, brûle la voiture. Shéhrazade disparaît. Nous la retrouvons en 1986 dans les carnets. En 1986, on quitte la fiction pour entrer dans une autre forme d’écriture : Leïla Sebbar avec Nancy Huston échangent une correspondance dont le thème est l’exil. “Traquant cet exil pour le conjuguer et le chérir”.C’est en septembre 1987, que Leïla Sebbar a publié un dernier roman. JH cherche âme sœur, le plus achevé de tous les romans de l’auteur. Leïla Sebbar est née en 1941 à Aflou (Hauts-Plateaux) d’un père algérien et d’une mère française, tous deux instituteurs. Leïla Sebbar a été l’invitée des causeries blidéennes et de l’association Mémoire de la Méditerranée le jeudi 8 septembre à 15 h à la librairie Maugin, place du 1er-Novembre à Blida. Une rencontre qui a été animée par Christiane Chaulet Achour, Paul Faisant et Bouba Tabti.

Hamid Meradji

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