Des médecins du CHU Bab-El-Oued tirent la sonnette d'alarme

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Des médecins du Centre hospitalier et universitaire (CHU) de Bab El Oued (Alger) tirent la sonnette d’alarme sur le danger que représente le harcèlement en milieu professionnel et en milieu scolaire.

Une étude menée par les Drs. Boussayoud, Tahraoui, Abbas, SI Hadj et Laidli du service de médecine légale du CHU, dont les conclusions ont été présentées jeudi dernier aux 11ème journées de psychiatrie, tenues à l’établissement hospitalier (EHS) Fernane Hanafi de Oued Aissi (wilaya de Tizi-Ouzou), relève notamment un nombre jugé inquiétant de cas de personnes qui sont passées au suicide à cause du harcèlement en milieu professionnel.

 »Le nombre de suicides recueilli en cinq ans est de 121 cas sur un total de 1008 autopsies pratiquées. On estime à 13,5 % les cas de harcèlement en milieu professionnel qui poussent les victimes au passage à l’acte suicidaire », relève-t-on dans le texte de la communication dont la Dépêche de Kabylie a obtenu une copie. La même source précise que la répartition selon le sexe est de 2 femmes pour 3 hommes alors que le mode utilisé est, pour les hommes,  »l’ingestion d’acide et de produits caustiques » et pour les femmes  »la défenestration ».

L’étude statistique portant sur les cinq dernières années relève également que la population de jeunes âgés de moins de 18 ans composée d’écoliers, collégiens, lycéens, victimes de violences volontaires, s’élèvent à 2.250 cas sur un total de 18.957 de consultants pour violences.  »On estime à 12 % les cas d’harcèlement en milieu scolaire avec en plus des violences physiques, des brimades, moqueries, toute sorte d’humiliations, vols d’objets personnels de la part de camarades, ou de bandes organisées qui sévissent à proximité des établissements scolaires », ajoute la même source.

Pour ce qui est de la population adulte de plus de 18 ans, il est fait état de 15.900 cas sur un total de 18.957 cas victimes de violences.  »On estime que 08 % des cas entrent dans le cadre du harcèlement en milieu professionnel », précisent les chercheurs.

Même la catégorie des personnes âgées de plus de 65 ans n’y échappe pas.  »Chiffrée à 807 cas sur 18.957 cas de violences, on estime à 6 % les cas de harcèlement à type de brimades, insultes, privation d’aliments, de médicaments etc. » Les enquêteurs estiment qu’il ne s’agit là que de la partie visible de l’iceberg et qu’il existe  »un chiffre noir », qui serait donc beaucoup plus important. Le harcèlement est  »un problème complexe, du fait de la difficulté à établir la matérialité des faits… »  »Lutter contre le harcèlement, nécessite la mise en place d’une politique claire de prévention par une sensibilisation des pouvoirs publics à revoir et à étoffer la législation existante, une écoute des victimes par la mise en place d’un numéro vert, une mobilisation des mouvements associatifs et syndicaux, la prise en charge et le suivi psychologique des victimes et la culture de la « non violence » en milieu scolaire et en milieu du travail », recommandent les médecins-chercheurs. S’agissant du harcèlement sexuel en milieu de travail, l’étude note que l’Algérie  »s’est inscrite parmi les pays qui se sont attaqués » au problème. L’Algérie a promulgué l’article 341 bis du code pénal qui stipule que  »toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction ou sa profession en donnant à autrui des ordres, en proliférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle,est punie d’un emprisonnement de deux mois à un an et d’une amende de 50.000 à 100.000 DA; en cas de récidive la peine est portée au double ». Cet article vient en appoint à l’article 34 de la constitution qui condamne  »toute violence physique ou morale ou atteinte à la dignité ». Mais pour les mouvements associatifs et les syndicats, ce n’est pas cher payé pour ceux qui commettent ce genre d’actes. ‘’Ils interpellent de nouveau les pouvoirs publics pour qu’ils puissent s’aligner sur les pays Européens’’, précisent les auteurs de l’étude. La communication rappelle que le service de médecine légale du CHU Bab El Oued est structuré en trois unités cliniques. Il s’agit de l’unité de consultation des victimes de violences, celle conseil médico-juridique et celle de thanatologie (autopsies médico–légales). Ces unités reçoivent quotidiennement des enfants et adolescents (écoliers, collégiens, lycéens), des adultes et des personnes âgées victimes de violences psychologiques, morales et physiques. Rappelons que le concept du  »harcèlement moral » a été développé pour la première fois, selon les spécialistes, par la psychiatre Marie-France HIRIGOYEN, qui a consacré un livre au sujet en 1998 au titre  »Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien ». Mme Hirigoyen s’est intéressée au départ au harcèlement moral dans un couple mais c’est la partie consacrée au harcèlement au travail qui a suscité l’intérêt du public faisant exploser les ventes de son ouvrage parce que les gens étaient nombreux à se reconnaître dans ce cas, a expliqué un spécialiste français présent au Congrès de Tizi-ouzou, le Pr Gilbert Ferrey. Ceci a amené Mme Hirigoyen à lancer une étude et publier ensuite un autre livre de référence intitulé  »Malaise dans le travail, harcèlement moral : Démêler le vrai du faux ».

Le harcèlement moral et sexuel ainsi que le stress étaient les deux thèmes principaux traités par le Congrès de psychiatrie tenu à Tizi-Ouzou avec la présentation d’une trentaine de communications sur le sujet. Il a été organisé par le CHU De Tizi-ouzou en collaboration avec l’EHS Fernane Hanifi de Oued Aissi, un établissement régional qui reçoit plus de 300 patients des wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaia, Bouira et Boumerdes.

Belkacemi Mohand Said

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