Au nom de Zizou, le 3e roman de Tarik Djerroud

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Après avoir exploré les relations franco-algériennes dans un bouleversant premier roman Le sang de mars, paru en 2009, suivi d’un déchirant second opus intitulé J’ai oublié de t’aimer, traitant des problèmes de couple, Tarik Djerroud vient de publier aux Editions Belles-Lettres un troisième roman, Au nom de Zizou dont le titre résonne déjà comme un hymne à l’ancienne gloire du football convertie, par la grâce du roman, en une divinité vivante.

Tout au long des 154 pages, le narrateur consigne chaque jour les prouesses de son idole à laquelle il s’identifie et rêve secrètement de suivre la trajectoire prodigieuse. Fable familiale et roman évoquant le paradis de l’enfance, entre innocence et apprentissage des rudiments de la vie, Au nom de Zizou se lit d’une traite tant le style est agréable et le sujet passionnant, où chaque lecteur revisite une parcelle de son enfance, rencontre des bribes d’interrogations qui ont peuplé son imaginaire. Traitant sans fard les dessous du football-religion et Zizou en érigé dieu du sport roi, tel une divinité grecque, le lecteur fera vite de reconnaître qu’à chaque religion ses fanatiques, à chaque équipe ses hooligans. Et derrière chaque énergumène, se trouve toute une charge émotionnelle influente qui le pousse à la haine de l’autre, à la violence et à la destruction de soi. La chute vire au drame avec des pics d’angoisse où l’adrénaline ne manque pas de gicler dans les veines : le narrateur découvre des secrets sensationnels ; le côté obscure de sa mère et de son père, aussi la révélation tonitruante du passé sanglant de son grand-père met le narrateur dans un sens dessous dessus renversant. Obnubilé il ne cesse depuis et à mesure que les années passent, de se demander si les germes de la bonté et de la violence sont héréditaires ou acquises. De même, il tente vaille que vaille de puiser de la défaite de Zizou en finale de la Coupe du monde 2006 des leçons de modestie et met le feu à toute forme de fanatisme. Ecrit sous forme d’un journal intime, théâtre d’une série de confessions, Au nom de Zizou nous suggère à voir les dangers de l’idolâtrie et, du coup, il nous interroge sur les liens entre un fascisme rampant, nuisible et les terribles hooligans qui pullulent dans et en dehors des terrains de football. Pour l’auteur, la réponse à cette interrogation coule de source : «Un hooligan est un fasciste dans le raisonnement comme dans le comportement».

Conscient de sa condition impérieuse, le narrateur achève son journal par une confidence riche en sens : «J’ai peur de grandir au risque de devenir méchant et j’ai peur de rester mineur au risque de ne rien comprendre aux hommes, à la vie : au monde tout court». Auteur éclectique à l’écriture fluide, Tarik Djerroud continue de nous émerveiller par des pépites littéraires inattendues et savoureuses et, en signant ce troisième roman, il s’adresse avec maestria à un vaste lectorat allant de dix à cent dix ans !

Mohamed Mouloudj

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