En cette veille de saison estivale, quoi de plus naturel que d’aller s’enquérir de la situation qui prévaut à Tikjda, surtout lorsqu’on sait que le personnel du Centre national des sports et des loisirs de Tikjda (CNSLT) est en grève depuis le 03 avril dernier
Pas âme qui vive sur les 33 kilomètres séparant la ville de Bouira à la station climatique de Tikjda.
La RN 33 est quasiment déserte, notamment après avoir dépassé la ville de Haizer. 09h30 du matin, arrivé devant le CNSLT, plusieurs banderoles accueillent le visiteur annonçant d’emblée les revendications des travailleurs de ce centre : “Non à la hogra! Départ du DG et de ses 05 assistants et collaborateurs”. La poignée d’employés rassemblée devant l’accès menant au Centre est rapidement rejointe par d’autres agents. Après avoir décliné notre identité les travailleurs grévistes nous feront part de leurs préoccupations et surtout de leurs revendications. Suite à une décision de justice de leur faire quitter les lieux, jeudi dernier, ce sont les forces de l’ordre, accompagnées d’un huissier de justice, qui ont été dépêchées sur le site pour faire appliquer cette décision. De ce fait, depuis, les travailleurs du centre sont contraints d’observer le piquet de grève en plein air. Des représentants de la section syndicale UGTA du CNSLT nous apprendrons que c’est le statu quo entre le ministère de tutelle et les employés qui sont depuis le mois de mars sans salaire : “Nous avons déposé le préavis de grève le 26 mars et la grève a débuté le 03 avril, pourquoi donc nous privé d’un mois de salaire, celui de mars, alors que nous avons travaillé ?…’’ s’indigne un employé. A cette question, d’autres fuseront avec autant de pertinence ‘’ 19 agents de sécurité sont en poste et malgré la grève, ils continuent à exercer tout en étant solidaires avec les grévistes, cependant, ils n’ont pas été payés depuis 04 mois…c’est inadmissible !’’ affirme le coordinateur de la sécurité du centre.
Les forces de l’ordre pour expulser les grévistes du site
Les membres du syndicat nous feront part également d’une bizarrerie sans nom et qui laisse perplexe à plus d’un titre : ‘’ Jeudi passé alors que les escadrons de la gendarmerie étaient ici pour nous faire évacuer les lieux, nous avons eu la surprise de découvrir qu’une société de gardiennage étatique avait été réquisitionnée pour sécuriser le site, alors que les agents de sécurité du centre sont toujours en faction…il faut dire qu’après avoir pris connaissance de la situation, les agents de cette société ont été compréhensifs et ont quitté les lieux…’’
On achève bien les chiens
Sur un total de près de 120 employés, près de 110 sont en grève. Des employé(e)s issu(e)s d’autres wilayas tels Boumerdes, Tizi Ouzou, Alger etc…et qui sur ses hauteurs demeurent livrées à elles-mêmes. Le personnel féminin est interdit d’accès aux chambres, au même titre que leurs collègues et les agents de sécurité. Des griefs, nous en entendrons une pléiade. A l’unanimité les travailleurs du CNSLT pointent du doigt le D.G qu’il accuse de » seul et unique responsable de cette situation « . D’ailleurs, hier matin, le responsable de la sécurité était auditionné par les gendarmes de El Esnam, suite à un dépôt de plainte du DG qui avait accusé les employés d’avoir fracturé les serrures des chambres de l’hôtel. Une accusation qui ne tiendrait pas la route, selon ces mêmes agents, puisqu’ils n’ont fait qu’ouvrir les portes des chambres fermées avec leurs clés. On nous racontera également que deux magnifiques Rotweilers achetés à 14 millions de centimes font également les frais de cette grève. L’administration a fait leur acquisition pour être exposé devant le CNSLT afin de faire figure de….physionomistes. Actuellement, seuls les employés du centre se relaient bénévolement pour les nourrir.
“Des agents indisciplinés”
C’est à ce moment précis, qu’un véhicule franchira le portail du CNSLT, et c’est le plus normalement du monde que le coordinateur de la sécurité ira directement ouvrir le portique, après avoir reconnu le DG à l’intérieur du véhicule. “Vous voyez, constatez par vous-même, nous travaillons, nous levons les barrières de sécurité pour faire entrer le DG alors que ce dernier nous accuse de lui interdire l’accès au site…’’. Notre interlocuteur nous fera remarquer tout de même qu’il n’obéit pas tout a fait aux règles imposées par la direction : “Notre DG, tient absolument à ce qu’on le salue respectueusement chaque fois qu’il franchit ce portique, chose que nous refusons car son comportement de tyran ne mérite aucun respect…’’
Détournements et dilapidation de deniers publics ?
Des choses bien plus graves nous seront également révélées comme des détournements et dilapidation de deniers publics. Un gréviste appartenant au service administratif et gestion du CNSLT nous montrera des documents assez compromettant pour le moins que l’on puisse le constater. Le ministre de tutelle, à savoir la Jeunesse et les Sports a accordé 426 millions de centimes pour des primes d’encouragements équivalent à “la période difficile” entre 1995 et 2003. A comprendre bien sûr, la décennie noire. En 2004, les agents de sécurité qui étaient au premier plan durant cette “période difficile’’ ont été remerciés par la direction. Il aura fallu plusieurs mois avant que la justice ne les réintègre dans leurs postes. Toutefois, pendant ce temps, en 2006 plus exactement, le DG, s’est vu octroyé un montant de 183 millions de centimes équivalent à sa prime d’encouragement. Ses proches collaborateurs également ont été bénéficiaires de 93 millions de centimes chacun. On nous apprendra que le D.G pendant cette période difficile se trouvait en plein cœur d’Alger, plus précisément dans son bureau aménagé pour la circonstance au niveau du Boulevard Mohamed.V. “Pendant cette période, nous, agents de sécurité avons évité l’incendie de 28 magasins par les hordes terroristes qui avaient investi les lieux….et c’est ainsi que nous sommes remerciés….’’ , déplore le coordinateur chargé de la sécurité. Toujours selon le cadre employé au service administratif et gestion du CNSLT, pour l’année 2004/2007 la TVA n’a pas été récupérée comme le prouve le tableau récapitulatif de cette période : ‘’ En 2008, j’ai fait des pieds et des mains pour récupérer la TVA sur les investissements et les achats du CNSLT, mais impossible car le D.FC n’avait pas déposé les formulaires dits G50 au niveau des Impôts pour déclarer la TVA. Après moult démarches administratives, le directeur de Impôts de Bouira m’a déclaré qu’il ne pouvait être question de récupérer cette somme qui dépasse les 03 milliards de centimes étant donné que certaines entreprises avaient disparues de la circulation et que d’autres avaient été dissoutes et qu’il s’agit de dilapidation de deniers publics.’’
Les revendications socio professionnelles pêle-mêle
“Nous sommes obligés de nous acheter nous même nos tenues et nos chaussures’’, “Une femme de ménage doit s’occuper de 37 chambres de 06h00 du matin jusque tard dans la nuit’’, “le DG effectue des visites à l’improviste dans nos chambres à des heures tardives de la nuit avec ses collaborateurs’’ sont des dires de la gent féminine travaillant dans ce centre. Elles en ont gros sur le cœur et pourtant, elles demeurent stoïques en relatant les misères dont elles sont victimes.’’ Récemment, le DG accompagné de deux de ses collaborateurs ont fait irruption dans ma chambre de nuit avec un appareil photo numérique. Ils ont filmé le contenu de mon casier et en remarquant que le portemanteau était chargé il m’a déclaré qu’il ne fallait pas trop mettre d’effets vestimentaires sur le portemanteau. A quoi sert donc ce dernier ? En quittant la chambre il m’a dit, heureusement je n’ai pas trouvé de drogue.’’
Le D.G accusé de tous les maux
Force est de constater que les accusations contre le DG sont multiples et diverses, pour en avoir le cœur net, nous nous sommes présentés auprès de ce dernier pour avoir son appréciation de la chose et lui donner la parole pour se défendre et s’expliquer sur les accusations dont il fait l’objet. Assis sur un banc, sous une cédraie séculaire absorbé dans la contemplation de la nature, le D.G était apparemment trop affairé pour nous recevoir. Après avoir essuyé un niet catégorique, nous rebrousserons chemin sans savoir si ce refus est une sorte de grève de la parole en signe de compassion envers les employés du CNSLT.
La nomenklatura soutient la direction du CNSLT
Si la grève des employés du CNSLT passe quasiment inaperçue dans les médias, notamment audiovisuels, les grévistes savent qu’il est très difficile de se faire entendre. On nous révèlera que le bloc C du centre est réservé aux VIP. Des suites luxueuses dont disposeraient à leurs guises, des pontes de l’ENTV, du ministère de la Jeunesse et des Sports, de hauts gradés du M.D.N. Cette nomenklatura serait selon les dires des employés, des clients fidèles et qui ne s’acquitteraient pas automatiquement des séjours au sein de cette station climatique. De ce fait, le DG qui se dit “Dieu de Tikjda” serait bien épaulé et n’est pas partant comme l’exigent les grévistes. Des grévistes qui se disent prêts à quitter leurs postes en touchant bien évidemment leurs indemnités de licenciements.
Et le tourisme dans tout ça ?
Avec une situation conflictuelle de la sorte, difficile de permettre aux touristes qui ont déserté le site de se projeter dans cette saison estivale. Le manque à gagner pour le CNSLT et pour la municipalité d’El Esnam se chiffre à plusieurs millions. Pourquoi donc le tourisme, ce secteur clé de la relance socio économique de la région se retrouve aux mains de la Jeunesse et des Sports ? La solution à ce problème est pourtant simple, mais ni les élus de Bouira, ni le wali n’ont les prérogatives pour agir. Faudrait-il une intervention divine pour redorer le blason de ce site qui fit la fierté de l’Algérie des années 70 et 80. Ce fleuron du tourisme gagnerait a retrouver ses lettres de noblesse.
Hafidh B.