Drâa El Mizan se souvient

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Il y a exactement dix ans jour pour jour, les deux jeunes Khalfouni Kamel, âgé de 24 ans et Didouche Samir qui n’avait que 14 ans, tombent sous les balles des gendarmes lors des événements douloureux du Printemps noir.

Comme chaque année, cette journée du 21 juin est consacrée au dépôt d’une gerbe de fleurs sur leurs tombes au niveau du carré des martyrs de la démocratie, situé à quelques mètres de la mairie. Si nous rappelons cet événement, c’est pour que le combat de tous les jeunes assassinés durant cette période ne soit pas vain. Tout le monde se souvient de ce jeudi noir. « J’étais en ville quand j’ai entendu des coups de feu provenant du côté de la gendarmerie. Sans réfléchir, j’avais pris cette direction. Quand j’étais arrivé dans les oliviers qui surplombaient l’hôpital, j’avais trouvé des dizaines de jeunes armés de pierres et en face, des centaines de gendarmes venus en renforts. Le combat faisait rage », se rappelle l’un des blessés. Et de poursuivre : « Vers les coups de onze heures, les deux victimes tombèrent. Je garde encore l’image hallucinante de Samir Didouche tombé sur un pneu en flammes. Peu avant, c’était Kamel Khalfouni qui avait le ventre entièrement déchiqueté ». Un autre blessé a voulu nous donner ce témoignage. « Durant cette journée apocalyptique, plus d’une soixantaine de jeunes étaient blessés. Il n’y avait presque plus de place à l’hôpital. D’ailleurs, en vue de leur venir au secours, un appel a été lancé pour le don de sang. Certains d’entre-nous ont été évacués vers d’autres structures sanitaires hors de la wilaya », a ajouté cet autre blessé. De nombreux blessés ont passé des mois au sein de l’hôpital Krim Belkacem. L’un d’eux, fonde en pleurs, et ne veut plus nous évoquer cette période. « C’était pour moi un long cauchemar », a-t-il avoué à la fin. Aujourd’hui, les blessures sont cicatrisées, mais ces jeunes n’arrivent pas à oublier ces événements douloureux qu’ils ont vécus. Si certains ont une minable pension, d’autres n’ayant pas constitué de dossiers, n’ont rien obtenu. D’ailleurs, en mars dernier, ils ont tenté un mouvement de protestation pour exiger du travail et des droits, mais depuis, leur appel est resté vain. Dix ans après cette date fatidique, il y a encore des blessés qui traînent des séquelles pendant que les familles des victimes n’oublieront jamais leurs enfants morts pour cette cause. « Aujourd’hui, plus personne ne parle de nous. Il m’arrive des fois de me culpabiliser d’avoir pris part à des manifestations dont je n’avais pas mesuré les conséquences. Il me semble que nous sommes abandonnés. Et c’est le cas. Où sont les membres des Aârchs? Que font-ils pendant que nous traînons encore les séquelles de ces événements? », commence à s’interroger un blessé appuyé sur des béquilles.

Amar Ouramdane

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