Halte à l’adverse fortune !

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Presque un demi siècle après la fin de la guerre de Libération nationale, au terme de laquelle fut arrachée l’indépendance du pays au prix d’un des plus sanglants et plus exemplaires combats du XXe siècle ayant opposé une puissance coloniale membre de l’OTAN à un peuple déterminé à se libérer quoi qu’il lui en coûtât

Les Algériens se sentent aujourd’hui en droit de procéder à un bilan sur la gestion économique, sociopolitique et culturelle du pays depuis 1962, non pour de chimériques et vilains règlements de compte- dans un système infernal où tout le monde a failli quelque part, mais dans le but de chercher à tirer les leçons qui pourraient aider à comprendre le présent et à dégager un tant soit peu les nuées grisâtres qui persistent dans le ciel algérien.

Malgré son caractère laconique, la déclaration du 1e novembre a tracé les grands traits des profondes aspirations du peuple algérien- libération de la patrie et fondation d’une république démocratique et sociale dans le cadre des principes islamiques-que sont venus renforcer les principes issus du congrès de la Soummam moins de deux ans après les coups de feu de la Toussaint.

Que sont ces principes et ces espoirs devenus plus d’un demi-siècle plus tard ? Administrée comme une boite privée par une équipe qui a vu son étoile poindre quelques mois avant l’Indépendance avec la force des armes, l’Algérie fut conduite vers un socialisme de caserne, qui a cassé les ardeurs et les ressorts de la société mâtiné d’un arabo-islamisme qui a castré l’Algérie d’une partie de son identité tout en préparant le lit à une idéologie nihiliste à contre-courant des valeurs de novembre. L’ascension fulgurante de la rente pétrolière avait longtemps conforté les décideurs et les gestionnaires dans leur choix d’une politique populiste destinée à acheter le silence et l’acquiescement des populations sous le prétexte des ‘’trois révolutions’’, d’un illusoire équilibre régional et du soutien des prix à la consommation. Les errements politiques subséquents ont conduit à un despotisme non éclairé qui avait muselé toute forme de contestation ou d’opposition. La kermesse a duré un peu plus de trois décennies. Le réveil fut brutal et un véritable nœud de vipères se ligua contre le pays qui se retrouvera en cessation de payement après avoir ‘’mangé son blé en herbe’’. Le peuple se retrouva pieds et poings liés à subir le supplice de Prométhée enchaîné sur les monts du Caucase : chômage, suicide, impasse sociale, fuite des cerveaux, subversion terroriste et d’autres signes d’une patente déréliction humaine frapperont, pendant presque deux décennies, le pays de Novembre. Devrait-on abonder dans le sens du constat qui énonce :  » heureux les martyrs qui n’ont rien vu ! « Devant l’impatience des Algériens à voir leur destinée changer sérieusement de cap pour accéder au rang de peuple émancipé honorer le combat des aînés et mettre fin à toutes formes de rente- aussi bien de légitimité historique que de l’or noir-, les autorités politiques du pays n’ont réellement de choix que de poursuivre et d’approfondir les chantiers des réformes dans tous les secteurs de la vie nationale. Les éventuelles tergiversations ou autres compromis tactiques qui pourraient retarder de tels espoirs seraient perçus plus qu’une déception : une débâcle historique qui a pour vocation de se perpétuer.

Amar Naït Messaoud

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