Qui protège le consommateur ?

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Béjaia Le poisson vendu sous 40° à l’ombre.

Qui protège le consommateur ?

Adossé à un poteau électrique, il scrute ses deux caisses de sardine disposées sur un étal de fortune.

La scène est presque banale pour les passants. L’apprenti poissonnier semble inquiet. Son produit est hautement sensible notamment ce lundi, 11 juillet, où la température frôle les 45°.

Le trentenaire,il écoule néanmoins sa marchandise en usant de formules bien huilées : « la sardine de Béjaia à 200 DA ». Ses clients, des habitants des quartiers populeux de Laâzib, Dar Djebel et Takliât dans la commune de Béjaia, semblent méconnaître les conditions de conservation du poisson.

Des 404 bâchées et des Renault 4 fourgonnettes transportant du poisson sillonnent quotidiennement les quartiers de Béjaia. Ils approvisionnent même des villages situés à plus de 60 kilomètres du chef-lieu de wilaya. Et la marchandise est écoulée parfois au-delà de midi, sous un soleil de feu. Pourtant la réglementation est claire : La vente de la sardine au-delà de 11h est interdite ! A Béjaia ville le poisson est vendu à longueur de journée. Mais les poissonniers du chef-lieu de wilaya disposent de moyens adéquats pour garder leur marchandise dans une fraîcheur acceptable. Des conditions de conservation qui s’expliquent par l’acquisition par ces derniers de tout un matériel de pointe, dont des chambres froides et des camions frigorifiques. Dans un entretien accordé à La Dépêche de Kabylie (voire édition du 8 juillet) le directeur de la pêche et des ressources halieutiques de Béjaia a indiqué que  » des inspecteurs de la pêche accompagnés de vétérinaires se rendent quotidiennement à tous les points de vente et s’ils y trouvent du poisson avarié les vétérinaires sont là pour le constater et verbaliser à n’importe quelle étape du circuit de commercialisation. Mais qu’en est-il des vendeurs ambulants et autres apprentis poissonniers ? C’est le silence radio jusque-là. Ces derniers échappent à tous les circuits. Et sont loin d’être inquiétés.

De la grande bleue à la 404 bachée

Le mercure a, à l’évidence réussi là où les pouvoirs publics ont lamentablement échoué. En effet, le « coup de folie » du thermomètre, qui taquine les 40°c depuis près d’une semaine, a ramené la mercuriale du poisson à des proportions « raisonnables » : 150 à 200 DA le kilo de sardine au début de ce mois de juillet à Akbou. Mais là où le bât blesse, c’est que ce produit pélagique, qui s’abime rapidement, est vendu comme une vulgaire marchandise, sous un soleil de plomb sur le marché de ville. On a, pour ainsi dire, franchi le Rubicon, car on ne s’est pas contenté de faire l’impasse sur l’indispensable chaine de froid, mais le produit est, en sus, exposé à toutes les formes d’impuretés. Pour lui donner une fallacieuse impression de fraicheur, ces margoulins aspergent régulièrement d’eau une marchandise qui fleure bon l’ammoniac, avant de la fourguer à l’acheteur dans un packaging qui n’a rien d’alimentaire.

Nous sommes à mille lieues de l’odeur fraiche du fruit de mer, rappelant celle des marées.  » Un poisson frais devrait en principe avoir la peau brillante, la chaire ferme et élastique, les écailles adhérentes et les branchies de couleur rouge uniforme, ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut « , fait remarquer, à juste titre, un jeune père de famille, qui refuse le rôle peu ragoutant de dindon de la farce.  » Un produit en décomposition ne se vend pas à prix cassé il se jette à la poubelle « , tranche-t-il, sentencieux.

La flottille de pêche immatriculée à Béjaia, faut-il le signaler, comprend présentement 191 unités, dont 18 chalutiers, 34 sardiniers, 138 petits métiers et 01 corailleur inactif en raison se la suspension de l’activité. Sur une flottille de 191 unités, 123 en sont inactives, donnant un taux d’immobilisation de 35%. Le nombre d’inscrits sur le registre des effectifs marins intervenant dans le secteur de la pêche à Béjaia est de 1370, dont 131 patrons, 48 mécaniciens et 1209 marins, soit un taux d’embarquement de 45%. La production annuelle débarquée en 2010 a été d’environ 2700 tonnes, dont 90% de poissons bleus, 07% de poissons blancs et 03% de diverses espèces.

Une bonne partie de cette production est vendue dans des circuits informels par des vendeurs ambulants, avec tout ce que cela peut engendrer comme risque pour la santé des consommateurs qui, généralement cèdent à la tentation des prix et de la portée du produit.

D. S. et N. M.

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