«Au lieu de faire appel aux gens qui savent faire danser leurs plumes pour décrire la beauté incomparable de nos sites et écrire des récits sur l’histoire glorieuse des sacrifices de nos martyrs, l’on fait appel aux entrepreneurs avec leurs engins cruels pour enterrer à jamais l’histoire de notre région, altérer toutes traces historiques, troubler notre calme, massacrer nos biens et obstruer nos alvéoles pulmonaires».
Ah ! Si nos martyrs ressuscitaient de leur tombe !». C’est par ces mots accablants que Rabah, un citoyen de Tizi N’Berber, dénonce la décision des autorités portant l’implantation de trois unités d’agrégats dans une zone pourtant considérée comme monument historique, puisque ayant servi à la Révolution. «Ces belles montagnes où l’on veut implanter ces trois carrières étaient bel et bien des lieux de refuge de nos Moudjahidine pendant la guerre. A ce jour, il en reste des traces de casemates, des caches, des grottes et des maisons en chaume ayant servi à la révolution. Si nous allions du côté du mont Lqel, surplombant le village Akherroub, où l’on a prévu l’implantation d’une carrière, nous trouverons des restes d’un hélicoptère de guerre abattu en 1958», affirme notre interlocuteur qui dit avoir déjà pris l’initiative de suggérer par courrier au P/APC de Tizi N’Berber de lancer un appel à la population, pour restituer ce qui a été pris de cet appareil, le restaurer et le déposer à proximité de la stèle commémorative du premier martyr tombé au champ d’honneur dans cette région montagnarde, que l’APC envisage d’ériger à l’avenir. Toutefois, regrette notre source, «aucune démarche n’a été prise dans ce sens». Pire, ces carrières, ajoute Rabah, seront implantées dans un endroit que l’APC avait aménagé pour être un site touristique. «Comment le P/APC avait-il enfin accepté l’implantation de ces unités d’agrégats dans une zone où il a lui-même, avec les moyens de notre commune, aménagé un site touristique, la fameuse cascade de Bouamara que les estivants visitent chaque année», s’interroge notre interlocuteur. Pire encore, ce projet de carrières est prévu dans un endroit protégé par la loi en vigueur. En effet, les citoyens de Tizi N’Berber, signataires d’une pétition, affirment que «l’article 60 de la loi 06-23 du 20.12.06 et l’article 160 du code pénal sanctionne sévèrement ceux qui détruisent ou mutilent soit des stèles, des monuments, des grottes, des refuges ou autres ayant servi à la révolution». «Comment accepterons-nous de voir le village Tizi Lakhmis qui était pendant la révolution un grenier de nos Moudjahidine, un village unique en son genre possédant un panorama à couper le souffle, sombrer dans un nuage de poussière que dégageront ces maudites carrières ?», s’interroge encore Rabah.
En tous les cas, la population de Tizi N’Berber, à en croire les propos de leur pétition, sont plus que jamais déterminés à s’opposer à un tel projet. «Connaissant les multiples inconvénients engendrés par l’implantation de ces carrières, tels que les risques de maladies, la pollution de nos sources d’eau potable, la disparition des nappes phréatiques par les vibrations des explosions, le massacre de nos oliviers, des arbres fruitiers, des ruches d’abeilles, des lieux de pâturage, ainsi que la cascade de Bouamara, nous refusons catégoriquement l’implantation de ces carrières. Il n’en est pas question !», souligne fermement ces citoyens.
Boualem Slimani