Malik Madjnoune et Hakim Chenoui , accusés de complicité dans l’assassinat du rebelle , ont été condamnés hier, par le tribunal criminel près de la cour de Tizi Ouzou à 12 ans de prison ferme dans un procès plein de rebondissements.
Le procès des présumés assassins de Matoub Lounes le 25 juin 1998 à Tala Bounane sur la route de Beni Douala s’est ouvert hier, devant le tribunal criminel près de la cour de justice de Tizi Ouzou .Un procès qui s’est déroulé faut- il le souligner, sous tension du fait du refus de la famille Matoub de voir le nom du rebelle associé justement au procès. L’audience a été même été suspendue à maintes reprises, et le procès a connu plusieurs rebondissements.
Après le retrait dès le début de l’audience de la partie civile représentée par Nna Aldjia et Malika respectivement mère et sœur de Lounes, l’avocat de Nadia, veuve de Matoub et ses deux sœurs, ont également annoncé leurs retrait en début d’après-midi. Le procès donc a eu lieu sans la famille du rebelle. L’audience d’hier a été également marquée par une vive tension sous les » Ulac Smah Ulac » scandés dans la salle d’audience. Le procureur de la République a requis la peine capitale contre les deux auteurs présumés de l’assassinat du rebelle, Hakim Chenoui et Malik Madjnoune en l’occurrence.
9H00 : Le procès tant attendu par l’opinion public s’ouvre enfin devant une assistance nombreuse. En plus de la famille Matoub ,à savoir sa mère Nna Aldjia, sa soeur Malika, sa veuve Nadia et ses deux sœurs Ouardia et Farida, il y avait un parterre d’avocat, des militants politiques et associatif et de nombreux citoyens venus assister au procès dont l’affaire a tenu en haleine l’opinion nationale et internationale. Le président du tribunal appelle à la barre les deux présumés accusés. Malik Madjnoune et Hakim Chenoui, en détention provisoire depuis plus de douze ans. Juste après, le collectif d’avocat de la famille Malika Matoub et sa mère Nna Aldjia exprime son opposition de se constituer partie civile car, comme l’a déclaré maître Rahem, le » procès ne concerne pas l’assassinat de Matoub mais bien deux détenus » expliquant que la famille de Lounes ne se constituera pas comme partie civile contre les deux mis en cause » ce procès ne nous concerne pas » dira- t-il. Maitre Kaci Rahem expliquera, lors de son intervention que » l’enquête demandée par la partie civile n’a pas été faite ou du mois partiellement car les 52 témoins demandés n’ont pas été auditionnés « . De son coté maître Rahmoune dira, dans le même sillage que » au -delà de l’arrêt de renvoi, on ne peut assister à ce procès car nous risquons d’assister au deuxième assassinat de Matoub Lounes » car pour lui » les bénéficiaires et les commanditaires du crime ne sont pas cités et sont absents dans la salle « . Quelques minutes après, l’avocat de Nadia, veuve de Lounes Matoub interviendra pour dire qu’il demande cinq minutes pour » consulter ses clients » motivant sa demande par le fait qu’il n’ont pas » été consulté au préalable concernant le retrait de la défense. Malika et sa mère ont, faut -il le souligné choisi d’exprimerleur opposition à la tenue du procès » dans ces conditions » dés le départ. Maître Ait Habib, membre du collectif de défense de Malik Madjnoune demandera la parole pour signifier au juge que » le procès doit se tenir avec ou sans partie civile, le procès et celui de Madjnoune et Chenoui.
Ils doivent être jugé c’est le droit !. Le même avis est partagé par Maitre Boubchir qui a indiqué que « l’affaire est prête pour l’examination ». Maître Rahem interviendra pour préciser que la partie civile ne « s’oppose pas au jugement de Chenoui et Madjnoune » mais contre la « tenue du procès de l’affaire de l’assassinat de Lounes dans les conditions actuelles ». Dans une brève intervention, le représentant du ministre public indiquera, juste après, que le juge d’instruction a entendu, dans le cadre du complément d’enquête demandé par la partie civile, 20 personnes. Maître Rahem s’interrogera, dans ce cadre, sur la raison de la « non convocation de tous les 52 personnes cités dans la liste additive transmise au parquet ».
Pour le procureur, le juge « a auditionné les personnes qui sont susceptibles d’apporter un plus à l’enquête ». L’avocat de Nadia, veuve de Lounes, et de ses deux sœurs, a, après consultations, déclaré qu’il « participera à cet audience de jugement. Ce procès est une étape parmi tant d’autres. »
9h 30 : Le juge annonce la suspension de l’audience au motif de constitution du jury. Une suspension qui sera emmaillé des « ulac Smah Ulac » « verité sur l’assassinat de Lounes », « jugez les assassins » criait par une parie de l’assistance. L’un des prévenus, Chenoui, en l’occurrence, a eu un malaise qui a nécessité son évacuation de la salle alors que Malik Madjnoune semblait plutôt serein. Une vive tension s’en suivra, marquée particulièrement par les déclarations de la sœur et la mère de Lounes Matoub .Nna Aldjia criait notamment « où est la verité ? On veut l’enquête. Jugez les assassins de mon fils ». Quant à Malika, elle n’a pas cessé de déclarer « ceux qui ont ramené ces deux personnes (Madjnoune et Chenoui » doivent être jugés. Où les commanditaires de l’assassinat de mon frère ? »
10h00 : Malika Matoub quitte la salle d’audience pour se consulter avec ses avocats. Elle dira, dans la foulée qu’il « y a une seule famille Matoub et non pas deux ».
10h47 : Reprise de l’audience. Le président du tribunal déclarera à la reprise de l’audience « ces deux personnes ont le droit d’être jugés. S’il vous plait, laissez les bénéficier de leurs droits institutionnels. » . L’avocat de Chenoui invitera le tribunal de prendre acte de son retrait de la défense de ce dernier.
10h52 : La lecture de l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation provoquera la colère de la famille Matoub. Malika Matoub signifiera au juge son refus « catégorique » de voir l’affaire traitée par le tribunal » le procès Matoub ne se tiendra pas avant la reconstitution des faits et l’étude balistique. Ce n’est pas la première balle qui a tué mon frère. Nous exigeons un écrit qu’il ne s’agit pas de l’affaire Matoub mais du procès de Chenoui et de Madjnoune » insistera t-elle. Le juge rétorquera « cela n’est qu’une étape dans le procès. Ces deux personnes ne sont pas accusées d’avoir tué mais de complicité dans un assassinat ». Après la constitution du jury, la sœur du rebelle reprendra la parole pour indiquer » l’affaire Matoub n’est pas encore au point d’être traitée. Quant à ces deux personnes, nous avons dit qu’il n’ont rien avoir. Je n’ai plus rien à perdre. Mais jamais je n’acceptera que le procès de l’assassinat de mon frère soit une mascarade judiciaire » et d’ajouter devant le juge » on demande un complément d’enquête. J’ai des éléments que je dois remettre au parquet. Pour quoi n’a-t-on pas auditionné les 52 personnes que nous avons citées?.
11h30 : Nouvelle suspension de l’audience. La lecture de l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation sera une nouvelle fois interrompu par l’intervention de la famille de Matoub qui a demandé à ce que le procès ne soit pas celui de l’assassinat du rebelle « . Maitre Kaci Rahem expliquera qu’il fallait » convoquer tous les témoins cités. Nous n’avons pas besoin de bouc émissaire et d’accusés alibi « . Malika Matoub sera reçue, en compagnie de ses avocats, par le président du tribunal. Elle réitérera sa demande au juge de ne » pas citer le nom de Matoub dans le procès » qui s’est tenue hier et demandé en outre, le retrait de l’autre partie civile.
13h54 : Reprise de l’audience. Le président du tribunal rappelera qu’il » souhaite que l’audience reste publique » mais, précisera t-il » je peux être amené à appliquer la loi et vider la salle. » .alors que Malika a réitéré sa position devant le juge, l’avocat de Nadia, la veuve de Lounes, informera du retrait de cette dernière et des deux sœurs de l’audience. Une décision prise, selon ses déclarations » sans pression aucune « . Nadia Matoub annoncera qu’elle engagera une autre procédure judiciaire à travers une plainte contre l’une des personne identifiée comme faisant partie du groupe qui a organisé l’embuscade. Une plainte, ajoutera -t-elle, qui sera déposée dans les jours à venir.
14h20 : Le juge appelle Chenoui, l’un des deux accusés dans l’affaire en compagnie de Madjnoune et de huit autres qui demeurent en fuite. Chenoui niera toutes les charges » je suis innocent » affirmera -t-il tout de go. Il indiquera que ces déclarations faites lors de l’instruction sont la résultante des » pressions » qu’il aurait subies lors de l’enquête. Chenoui dira qu’il ne » connaît, ni de près ni de loin » Malik Madjnoune. M. Chenoui déclarera qu’il a passé cinq ans au sein d’un groupe terroriste et activait notamment dans le forêt de Harouza, sur les hauteurs de la ville de Tizi Ouzou. De son côté Malik Madjnoune s’est interrogé au moment de son audition par le juge » je ne sais pas encore pourquoi je suis là ? » .niant toute activité terroriste, Madjnoune a indiqué que sa condamnation par un tribunal spécial en 1994 s’est faite » après une rafle opérée par les services de sécurité alors que je sortais de la mosquée. « . Il niera, à l’occasion, toutes les charges retenues contre lui. Par la suite, le président du tribunal appellera, tour à tour, les témoins à décharge qui ont confirmé leurs témoignages. T.Mustapha, T.Hamid, T.Mohamed, et Toufik .T ont tous attesté que Malik Madjnoune se trouvait « au restaurant situé à la rue de la paix, au centre- ville de Tizi Ouzou » au moment des faits.
15h00 : La peine capitale requise contre les deux mis en cause. Lors de son intervention, le représentant du ministre public s’appuiera sur ce qu’il a qualifié de » preuves irréfutables » qui incriminerait Madjnoune et Chenoui dans l’assassinat de Lounes Matoub. Pour lui, » beaucoup d’indices » tendent à confirmer leurs » complicité dans l’assassinat de Matoub « . Suite à quoi, le procureur a requis la peine maximale contre les deux auteurs presumés de l’assassinat du rebelle. La lecture du réquisitoire ne s’est pas faite sans l’intervention de Malika Matoub. Cette dernière a de nouveau demandé de ne » pas citer le nom de Matoub dans l’affaire ».
15h20 : Début des plaidoiries. Les deux collectifs d’avocats qui se sont constitués pour la défense des mis en cause se sont employés, dans leurs plaidoiries respectives, à « remettre en cause » l’acte d’accusation qui ne contiendrait, selon leurs déclarations « aucune preuve » qui incriminerait leurs clients. Pour maître Ait Habib Boubekeur, avocat de Madjnoune, on ne « peut pas laissé indéfiniment quelqu’un en détention préventive pendant treize ans. »
Pour lui, les deux mis en cause que sont Chenoui et Madjnoune ne « peuvent pas se connaître » du fait, ajoutera -t-il des « paramètres de l’âge, du lieu d’habitation différents et du personnage ». Maitre Ait Habib soutiendra qu’il y a « indéniablement » une « erreur dans le dossier ».
17:30 : Fin des plaidoiries. Le jury s’est retiré pour délibérer. Le verdict sera prononcé selon toute vraisemblance, en début de soirée.
19h00 ; Le verdict a été prononcé. Les deux mis en cause, Chenoui et Malik Madjnoune, ont été condamnés à 12 ans de prison ferme. Ils pourront retrouver dans quelques mois leurs libertés.
Omar Zeghni