Youcef Abdjaoui ressuscité

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Youcef Abdjaoui sera bientôt ressuscité. Le geste de l’association d’un village d’Akfadou, s’ingéniant à le porter sur les écrans dans un film de 52 minutes qui retracera son prestigieux parcours artistique et dont le 1er coup de manivelle sera donné ce mois-ci, est fort louable. Connu et reconnu comme étant le barde de la chanson algérienne, quand il monte sur scène avec son luth, de sa voix lyrique aux sonorités rugueuses et sentimentales, il a l’art et la manière d’envoûter toute l’assistance durant des heures. Une assistance qui écoute, d’ailleurs, avec un silence quasi religieux, cette voix régulière et chaude au cachet pur et à la dilection parfaite. C’est la voix du grand maître du Chaâbi kabyle qui exprime les joies et les peines, chantant l’amour de façon souvent amère et désespérée et l’exil dur et douloureux sur fonds de chansons pathétiques qui ne laissent personne indifférent. Il raconte aussi l’exil, notamment sa déchirure en quittant sa famille et ses amis, laissés au village, en quête de rêve dans des cieux réputés comme étant des paradis sur terre, notamment la France. Cet enfant de Béjaïa, né le 16/12/1932 à Aït Allouane dans la commune d’Akfadou, était l’auteur de la fameuse chanson Thit adhwoul makhassamen machara3ne f’zine, une chanson qui a fait un grand succès en son temps. Incrusté dans la fibre musicale dés son âge, comme beaucoup d’artistes de sa génération, il a entamé sa brillante carrière artistique en jouant à l’occasion des fêtes populaires. Ayant une parfaite maîtrise de la guitare et du mandole, il a été repéré par Cheikh Saddek Abadjaoui, animateur dans les années 1940 à la radio Soummam, qui lui a montré le chemin de la persévérance grâce à des passages sur les ondes. Cherchant toujours à aller de l’avant, il a vu sa passion pour la musique se muer en une raison de vivre en 1958, quand il enregistra son premier disque. Auteur, compositeur et interprète au talent avéré Youcef Abdjaoui intégra le groupe de Amraoui Moussa où il s’est frayé un chemin parmi les figures de proue de la chanson kabyle. Ce nationaliste, qui n’est pas resté indifférent au devoir de la patrie, a participé à la révolution avec sa guitare. Il a rejoint à Tunis la troupe d’un autre nationaliste en l’occurrence Farid Ali avec qui il a sillonné plusieurs pays d’Europe pour plaider la cause d’une Algérie en quête d’indépendance. Son dévouement et sa motivation ont fait de lui un porte-voix de la chanson dans la vallée de la Soummam. Un chanteur qui ne chantait pas seulement pour le plaisir. A l’indépendance, il rentre au pays et intègre la chaîne II où il dirigea un orchestre de variété kabyle. Ses chansons sont toutes considérées comme des chefs d’œuvres, notamment la plus illustre, Igouma woul akmitsou. Un hymne à l’amour parvenant de son lointain exil de France. A paris où il vivait depuis 1969, il intègre le milieu artistique parisien (Pigalle, Barbés et Clichy). Il s’est produit dans les milieux de l’émigration aux cotés de vedettes kabyles comme Yahiaténe, Slimane Azzem… etc. il est décédé en exil, le 28/10/1996 des suites d’une longue maladie. Ainsi s’achève le parcours d’un artiste qui a porté haut l’étendard de la chanson kabyle. Les siens, du village d’Akfadou ne l’ont jamais oublié. Ils lui rendent souvent de vibrants hommages, à l’image de ce film qui l’immortalisera à jamais.

L. Beddar

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