Invité à Tizi Ouzou par la fondation Lounès Matoub pour une vente dédicace de son premier livre ”L’Algérie avant tout», Nacer Boudiaf a livré dans l’entretien qui suit, ses impressions. Il a bien voulu répondre aux questions de la Dépêche de Kabylie concernant la relance du RPN en particulier.
Entretien réalisé par Omar Zeghni :
La Dépêche De Kabylie : Vous venez de présenter à Tizi Ouzou, en collaboration avec la fondation Matoub Lounès, » l’Algérie avant tout » votre premier livre, comment jugez-vous l’accueil qui vous a été réservé ?
Nacer Boudiaf : Formidable ! Le livre a été bien accueilli par le public. Que ce soit à TiziOuzou ou ailleurs.
Les gens sont toujours intéressés par le Chahid Boudiaf. Le livre a bien marché preuve en est que la première édition est en rupture de stock. Nous sommes déjà à la deuxième édition. On attaquera, du coup, très prochainement, la troisième édition. Pour cette dernière, nous prévoyons quelques modifications.
En accord avec la maison d’édition Apopsix, nous allons inclure des photos de mon père.
Attendiez-vous justement à un tel engouement de la part du public ?
Nous sommes ravis de constater cet engouement. Mon rêve est que chaque algérien pourra avoir accès à un livre qui parle de Boudiaf.
Vous avez annoncé dans le sillage de la parution du livre, votre intention de relancer le RPN, projet lancé par votre défunt père…
Effectivement, l’annonce a été faite à Béjaïa et Tazmalt, mais aussi à Alger. Partout où nous sommes passés, la population ne cessait de nous presser et de nous demander de relancer ce projet si cher à Boudiaf. Nous avons déjà un collectif qui active, notamment sur les réseaux sociaux. Les jeunes ont lancé dans ce sens, un groupe sur facebook qui a rassemblé en deux mois, plus de 42 000 adhésions.
Le projet, mais aussi la demande de relancer le Rassemblement patriotique national, est l’émanation de tous ces gens qui me disent quotidiennement d’essayer de reprendre le RPN. Face à toutes ces sollicitations, j’ai accepté cette mission.
Le projet de relance du RPN est donc formalisé et prêt à être mis en œuvre ?
Mohamed Boudiaf a laissé un projet, la plate forme que mon père avait rédigé dès son retour au pays en 1992. Une plate forme à laquelle on n’a jamais fait attention. Elle est là. Élaborée en 1992 dans un contexte particulier, la plate forme qui a servi de fondement au projet du RPN va être remodelée un petit peu parce que nous sommes en 2011, dans un contexte différent.
Quand est-ce que vous comptez lancer le projet ?
Dès la promulgation de la nouvelle loi sur les partis politiques.
Vous n’avez pas peur de vous heurter à un rejet de votre dossier ?
Je ne pense pas que les responsables puissent refuser de donner l’agrément pour la création d’un parti politique au fils du Chahid Boudiaf, l’un pionnier de la révolution algérienne.
Justement, le fait d’inclure intégralement la plat forme du RPN dans votre livre, est-ce une façon d’anticiper la relance du projet ?
Non ! J’ai intégré intégralement la plateforme du RPN dans mon premier livre juste pour faire comprendre aux algériens que Mohamed Boudiaf avait un projet de société quand il était rentré en Algérie. En un laps de temps court, il avait élaboré un grand projet de société. C’était le but qui m’a inspiré l’idée. Ce n’était nullement dans mon intention de m’appliquer au moment de l’écriture du livre.
Vous allez donc garder la même mouture du projet rédigé par Boudiaf ?
Oui le projet est là. Nous allons rester sur les fondements idéologiques tels que bâtis par Boudiaf, c’est important. Par contre, nous allons bientôt mettre la plateforme entre les mains de la jeunesse pour apporter des petites modifications car le contexte n’est plus le même.
Vous affirmez dans » l’Algérie avant tout » que c’est, justement, ce projet qui serait derrière la disparition de votre défunt père …
Oui, certainement ! Le sort qui a été réservé à Boudiaf avait, entre autres, une relation avec le projet du RPN. Ce dernier demandait le changement radical du système, des anciennes pratiques, des méthodes mais aussi des gens du passé. Vous comprendrez que c’était, à l’époque, très fort.
D’où tirez vous ces certitudes ?
Ecoutez, le projet de société a été entre autres, une raison de sa disparition. Il y a aussi les affaires de corruption. Il a touché pas mal d’affaires quand il était à la tête de l’Etat.
Certains observateurs vous reprochent le fait que vous ayez surfé sur du » léger » dans votre premier livre, pensez-vous que » l’Algérie avant tout » pourrait apporter un plus dans la quête de vérité sur l’assassinat de Boudiaf ?
On veut toujours du lourd. Je ne pouvais pas mettre des noms. Si j’avais des preuves, je n’aurais jamais hésité mais là on a pas de noms.
C’est ça qui est dramatique. Maintenant, vous me demandez de mettre des noms, on risque de se retrouver devant la justice, comment on va faire à ce moment ? Cependant, si on lit le livre, bien et entre les lignes, on va comprendre qui sont les commanditaires de l’assassinat de mon père. De mon côté je constate avec une très grande satisfaction que le combat de mon père est toujours d’actualité. 19 ans après sa tragique disparition, il est toujours vivant chez le peuple.L’âme de Boudiaf est toujours intacte.
Oui, mais certains disent que ceux qui sont sensés défendre sa mémoire, sa famille entre autres, ne l’ont pas fait de la meilleure manière ?
Le problème c’est que je me suis retrouvé seul, depuis 12 ans à ce jour. Vous pouvez revoir la presse et vous constaterez que durant toute cette période, j’étais présent. Par rapport à Fatiha Boudiaf, qui s’est contentée de ne rien dire.
Vous la citez dans votre livre …
Ah oui ! Absolument. Je lui ai mis les points sur les i.
Vous dîtes que Mme Fatiha Boudiaf a » lourdement » pesé dans le retour de votre père au pays, qu’en est- il au juste ?
Pas lourdement, je ne pense pas. Elle a joué un rôle, bien sûr, car elle se voyait déjà la première Dame d’Algérie, c’était son but. Pour le retour de mon père, il y a d’autres paramètres qui ont pesé plus lourd qu’elle.
Quels souvenirs gardez-vous de votre défunt père ?
Incontestablement, celui de son retour au pays. Je l’ai vu au premier jour, il était très content de retrouver l’Algérie, surtout pour travailler et servir son pays.
Comment vous avez vécu, dans l’ombre, les six mois de la présidence de votre père ?
Moi, j’ai continué ma vie normalement et tout simplement.
Vous écrivez dans votre livre que l’hommage du peuple à Boudiaf lors de son enterrement vous marquera à jamais…
Ah Oui ! Ça c’est quelque chose d’inoubliable. Je me souviens, quand j’étais à la présidence, les gens sont rentrés de force, ils voulaient prendre le cercueil pour aller eux même l’enterrer. J’ai vu des femmes qui se laçaient le visage, c’était insoutenable. Le peuple algérien n’a pas accepté qu’on lui ôte l’un de ses symboles.
Que comptez-vous faire pour faire avancer l’enquête ?
Ce combat, je l’assume et je le demande toujours. Nous lancerons, une grande pétition nationale dès septembre prochain, pour exiger la vérité sur l’assassinat de Boudiaf. Le dossier ne sera jamais enterré et tant que le peuple algérien ne saura pas la vérité rien ne marchera normalement.
Vous êtes l’invité de la fondation Matoub, le procès de son assassinat s’est tenu lundi dernier, faites-vous le parallélle entre les deux assassinats ?
De mon côté je soutiens la famille Matoub dans sa quête de vérité. Que le dossier Matoub, comme celui de Boudiaf, soient traités de la même manière c’est-à-dire la verité toute entière.
O. Z.