Si L’Bachir Amellah un poète kabyle béni

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Si L’Bachir Amellah est un poète kabyle qui a bien marqué son époque. De son vrai nom Chibane L’Bachir, Il naquit en 1861 à Ichakaben l’un des trois villages appartenant à la tribu d’Imellahen devenue actuellement la commune de Smaoune dans la wilaya de Béjaïa. Il eut le privilège d’être inscrit à la zaouïa locale où il suivit des cours de théologie faisant ses débuts dans l’apprentissage du coran. Montrant des compétences avérées à suivre des études moyennes, son père le déplace à l’école sidi Soufi de Bgayeth où il compléta brillamment ses études par une formation d’imam tout en s’intéressant à la poésie. Les deux formations lui ont permis d’aiguiser son intelligence et il revint à son douar pour exercer la fonction d’imam moyennant le bénéfice d’un toit, de la nourriture, du chauffage et de tout autre chose dont avait besoin sa famille. Cette prise en charge par la collectivité comme il est d’usage à l’époque, valait la rémunération en nature d’un Imam officiant à la mosquée. Il exercera cette fonction jusqu’au jour où les fidèles boudèrent la mosquée. Un vendredi, Il monte alors sur le minaret et appelle trois fois les fidèles à la prière du vendredi, mais en vain. Après avoir attendu encore quelques instants sans voir personne répondre à son appel, il descend du minaret, rentre chez lui, allume un feu de bois et chauffe son bendir. Il sort donc dehors et tout en marchant, il fait entonner son bendir de ses mains très habiles et chante avec sa voix tonnante, pendant qu’une procession formée d’hommes, de femmes et d’enfants le suit. C’est la saison des moissons, il arrive à une aire de battage de céréales où des fellahs sont à pied d’œuvre de battage de blé. Il s’arrête et regarde en arrière. Il voit une assistance importante le suivre. Les gens étonnés de sa seconde vocation ouvrent les oreilles pour entendre toute ouïe ses chants poétiques. Constatant le revirement des fidèles, préférant le profane à la religion, il arrête un moment le chant pour leur lancer : «C’est ce qui vous plait donc, gens d’imellahen ! ». Depuis, il se lance dans le chant et la poésie. Il se fait alors accompagner par son ami de toujours en la personne de Mouloud w-Ali dans une longue chevauchée en allant chanter d’un village a l’autre de kabylie. Le rôle de son compagnon, choisi sur les critères de la voix, se limitait à répéter à haute voix ce que le poète dit ou entonne pour que les spectateurs puissent entendre. Depuis qu’il a été béni par les femmes d’Ath Warthilan, Si L’Bachir connut une ascension fulgurante qui a fait de lui un poète à la voix raffinée. En passant un jour près de la fontaine, une nuée de femmes le remarqué tenant un bendir à la ma main. Elles lui demandèrent de chanter. Non seulement, il eut honte mais il eut aussi peur des représailles des hommes, car les traditions interdisaient toute approche des hommes, particulièrement étrangers avec les femmes, notamment dans une fontaine qui est un lieu exclusivement réservé aux femmes. Elles le supplièrent à transcender cette interdiction tout en lui donnant leur parole d’honneur qui lui garantirait la vie sauve. Accédant à leur désir, elles étaient subjuguées par les paroles pleines de sagesse et de bon sens qui se marient bien avec une voie douce et suave. Elles lui lancèrent alors une bénédiction : «Akyafka rabi leqraya dhechna» «Puisse dieu te donner instruction et art de chanter». Depuis, Si L’Bachir en vogue ne cessa de persévérer dans le chant ; il devient un poète distingué et très écouté là ou il passe. Le parcours prestigieux d’un poète aux sonorités rugueuses comme celles des pierrailles des montagnes de Kabylie qui l’on forgé et d’où il s’inspirait, s’arrête le 26 décembre 1930, date à laquelle Si L’Bachir Amellah rendit l’âme dans son village natal, Ichekaben.

L. Beddar

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