Mariage… le boom de l’Internet !

Partager

Les majorités de ceux qui fréquentent les cybercafés, viennent pour tchater. C’est ce que confirment plusieurs propriétaires de ces espaces à Tizi Ouzou. Ces derniers sont devenus la destination prisée de ceux qui tentent de trouver un “partenaire” pour la vie grâce à un simple clic sur le clavier de leur ordinateur. En effet, que ce soit sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter où sur les salons de chat, le mot d’ordre semble être le même “tout faire pour séduire et accrocher”. Le mois de Ramadhan qui amorce son douzième jour constitue une aubaine pour les internautes à la recherche d’un temps d’évasion pour “passer” le temps. Ainsi, durant les longues heures des journées chaudes de ce mois de carême, ils sont des milliers à faire le choix de la Toile pour tenter d’oublier le calvaire d’un jeûne sous de torrides chaleurs. De jour comme de nuit, les cybercafés sont bondés de monde. Des centaines de jeunes disent ainsi que l’Internet à changé le cours de leur vie. Djamal, un jeune de 21 ans, rencontré dans un cyberespace situé à la Nouvelle-Ville confie que l’option du mariage “virtuel” lui permettra d’améliorer sa raison sociale : “Je suis en ce moment en contact avec une jeune fille française. Je discute avec elle pratiquement durant toute la journée. J’ai fait sa connaissance via Facebook et on a vite fait échanger nos e-mails et depuis trois mois le contact n’a jamais été rompu.” “Je suis marié depuis trois ans avec une Française. Après une année de relation via Internet, je l’ai invitée à passer ses vacances en Algérie. Elle est venue et c’était le coup de foudre. On a décidé alors de se marier. Après la transcription du mariage en Algérie, elle est repartie avec tous les documents nécessaires pour avoir mon visa long séjour. C’est elle qui a déposé notre livret de famille, acte de naissance et de mariage à la mairie de Nantes qui a transcrit le livret de famille et l’acte de mariage en français. Suite à cela, j’ai pu avoir mon visa long séjour. Et je l’ai rejointe en France au bout de six longs mois d’attente», raconte Karim, 29 ans, originaire des Ouadhias, rentré récemment chez lui au chevet de son père malade. Notre interlocuteur dit qu’il ne regrette pas son choix, bien au contraire “au départ, j’appréhendais beaucoup la réaction de l’entourage de mon épouse. Mais au bout d’un mois, les choses se sont plutôt bien passées. C’est un choix certes difficile mais imposé par notre condition sociale», ajoute-t-il, non sans rappeler qu’elle a dû souffrir après ses études pour trouver un job. Remplacent les lieux traditionnels de rencontre, le Net s’est imposé comme une véritable entreprise où l’on peut nouer des relations, discuter librement et sans tabou de tout et de rien. A 34 ans, Samia, enseignante à l’université de Tizi Ouzou dit vouloir tenter sa chance sur la Toile : “L’anonymat que m’assure le Net me permet de discuter avec les gens sans aucun problème. Avec le temps, on peut bien tisser des liens qui peuvent aboutir à du concret. Il n’y a pas de frontières et pas de censure !», nous confie-t-elle. Samia nous fait remarquer que cet anonymat lui permet de dépasser sa timidité.

“Je passe des nuits entières devant mon ordinateur à dialoguer…”

Il faut dire que cette tendance s’est accentuée avec les réseaux sociaux. Ils sont, en effet, des milliers à rester “scotcher” à leurs écrans pour discuter avec des personnes de différents horizons, jusque-là inconnues, mais qui feront partie de notre petit monde virtuel. Hocine, 25 ans, d’un des village de Boudjima avoue sa dépendance à l’Internet, il est plus que jamais accro au site de chat, “il m’est arrivé de rester de 13h à 1h du matin au cybercafé. J’ai connu ma femme sur Internet, on s’est marié et j’attends juste le visa pour la rejoindre en France. L’attente est longue et angoissante», dira-t-il. Comment est-il arrivé à ce stade avancé d’une relation via un site de chat ? “J’ai pris l’habitude de dialoguer dans un salon sur un site de chat. J’ai sympathisé avec les gens. Attiré par un pseudo, j’ai cliqué dessus, un petit message et ça a accroché. Au départ, on se limitait au généralité et puis notre relation s’est développée. Après le chat, on a échangé nos adresses e-mail, puis nos photos et numéros de téléphone. Depuis, il ne se passe pas un jour sans qu’on s’appelle. Elle est venue trois fois en Kabylie», raconte le jeune Hocine. Ce dernier concède, toutefois, l’existence de préjugés quant aux intentions des internautes, “il y a à présent une méfiance à l’égard des Maghrébins. Desfois, leurs situations régularisées en Europe, ils quittent leurs conjoints. Il y a aussi l’image que renvoie les médias de notre pays. Ma femme était, au départ, réticente pour venir en Algérie car elle régnait pour sa vie du fait des informations faisant état de la dégradation de la situation sécuritaire dans notre pays», ajoute-t-il.

“A 26 ans, il se marie avec une Française de…59ans !”

Cependant, si cette option permet à des jeunes de “rejoindre” ce qu’ils croient être l’eldorado en Europe, ce choix est souvent accompagné par de lourds sacrifices consentis au nom de la lutte contre le désoeuvrement. Et elles sont nombreuses, de différentes nationalités européennes, à vivre les romances sur le Net avec des jeunes Algériens, désarçonnés, désœuvrés et en but à une crise de chômage des plus endémiques. Sur les salons de chat, on y trouve de tous les âges. Elle peut s’appeler, Christine, Amandine où Marie, elle peut avoir plus de 50 ans, et discuter amour avec un jeune de 20 ans “le désarroi pousse les jeunes à chercher coûte que coûte à quitter le pays. Le prix à payer est cher ; il s’agit de nouer une relation avec une femme de l’âge de sa maman et ça c’est vraiment dur à vivre», témoigne Hamid, cuisinier. Il raconte comment il s’est marié avec une femme de 59 ans habitant en Normandie. “Au départ, je ne croyais pas pouvoir franchir le pas mais au fil du temps j’ai fini par accepter ce choix. J’ai rencontré Marie sur un site de chat, on a discuté. Même si je savais qu’elle me devançait beaucoup dans l’âge, je ne pensais pas, vu son look sur les photos qu’elle m’envoyait, qu’elle pouvait avoir un tel âge. La première rencontre avec elle à l’aéroport d’Alger fut pour moi un véritable choc mais je suis allé jusqu’au bout rien que pour avoir la chance de vivre ailleurs. C’est le prix à payer», nous confie Hamid qui s’apprête à rejoindre son épouse en Normandie juste après le mois de carême. Ces femmes, veuves ou divorcées, ont souvent une moyenne d’âge dépassant la quarantaine d’années. Nassim, au physique athlétique, la vingtaine d’années, résume la mentalité de nos jeunes : “Nous ne cherchons que la carte aux yeux bleus», ironisera-t-il comme pour paraphraser Fellag, l’humoriste kabyle. Cet état d’esprit n’empêche pas des voix discordantes à exprimer leurs oppositions à ce qu’ils qualifient d’“option suicidaire”. C’est le cas de le dire pour Ahcene, enseignent au lycée de Tizi N’tleta, dans la daïra des Ouadhias “au-delà de la situation financière qu’ils peuvent améliorer, du confort et du cadre de vie dont ils peuvent vivre, les jeunes concèdent un lourd sacrifice. Vivre avec une femme de l’âge de ses parents est vraiment dommage est pour le jeune et pour les parents eux-mêmes. C’est paradoxal et regrettable à la fois. Au lieu d’encourager ces jeunes à tenter cette aventure, l’Etat doit mettre les moyens pour assurer leurs épanouissements.” Cet avis n’est pas partagé par son compagnon, “tu dis ça par ce que tu es bien installé. Tu as un boulot et tu t’es marié. Les jeunes, sans emploi et sans espoir, sont prêts à se marier avec des vieilles de 80 ans s’il le faut, l’essentiel c’est de quitter ce bled. L’amour ne compte plus et les jeunes ne cherchent que le départ par tout les moyens», indiquera Said, représentant commercial d’une boîte pharmaceutique à Tizi Ouzou. Cependant si le mariage mixte est le plus répandu sur le Net en ce sens qu’ils sont de plus en plus nombreux à accrocher une Française, Belge, Hollandaise ou une autre nationalité européenne, cela n’empêche pas des jeunes de trouver leur âme-sœur au niveau local à l’aide du même moyen de communication. C’est le cas de le dire pour Saida, une jeune architecte de Tigzirt qui a eu à connaître son fiancé grâce à Facebook. “Notre rencontre est le fruit du hasard. Il est de Larbaâ Nath Irathen m’a envoyé une invitation sur le réseau social, j’ai accepté et au fil du temps, on a commencé à développer notre relation. Et voilà au bout d’une année et demie nous sommes fiancés et on s’apprête à convoler en justes noces», raconte-t-elle. C’est dire qu’en terme de relation sociale, le Net a rendu bien de services à la société même si, il faut le reconnaître, cela n’est sans provoquer d’énormes désagréments en matière de transgression des mœurs sociales, trahisons et tromperies. Des faits qui peuvent donner lieu à d’incommensurables déceptions et au pire désillusion…

Omar Zeghni

Partager