Tizi Ouzou fait face, à l’instar de beaucoup d’autres wilayas d’Algérie, à une grave pénurie de la vitamine K dont l’injection est vitale pour tout nouveau-né
Une raison qui est, de l’avis de spécialistes interrogés par La Dépêche de Kabylie, derrière le décès de dizaines de nouveaux-nés qui meurent à défaut d’une vaccination à la vitamine K.
Cette dernière est très importante pour le bébé en ce sens qu’elle permet de renforcer le sang. Un manque en cette vitamine vitale induit, chez le bébé un saignement nasal ou par la bouche. Plus graves, les saignements internes qui se dévoilent sous forme de maladie hémorragique dans les six mois qui suivent la naissance, provoque de graves séquelles neurologiques jusqu’au décès du bébé ce qu’ignorent la majorité des parents. Le pénurie s’installe et les parents de malades sont sur le qui-vive. Un petit saignement chez le nouveau-né peut provoquer de graves conséquences sur sa santé. La raison ? Ils sont des centaines de nouveaux-nés dans des cliniques, publiques ou privées, à ne pas bénéficier de l’injection de la vitamine K à leurs naissances. Une pénurie de ce produit a été constatée depuis pratiquement plusieurs semaines et la PCH (Pharmacie centrale des hôpitaux) n’arrive plus à satisfaire la très forte demande exprimée. A Tizi Ouzou, le Centre hospitalo-universitaire est, selon des sources hospitalières, contraints à solliciter des particuliers pour s’approvisionner en cette vitamine vitale pour la santé du nouveau-né. Cette pratique qui consiste à injecter de la vitamine K dès la naissance au poupon-né réduit les risques d’une condition mortelle qui se présente sous une maladie hémorragique avec saignement, imprévus et inter-cranienne. Selon un médecin spécialiste exerçant au niveau du service néonatologie de l’hôpital de Tizi Ouzou, le défaut de vaccination en vitamine K peut provoquer une “hémorragie gastro-intestinale et d’ecchymoses et, dans de nombreux cas, d’une hémorragie intracrânienne notamment chez les bébés prématurés, les bébés dont les parents ont des désordres de coagulation, ceux dont les mères prennent des anticoagulants, des anticonvulsifs, de l’aspirine, des antibiotiques, ou encore les bébés nés de façon précipitée.”
Des particuliers pour approvisionner l’hôpital !
Au niveau du service néonatologie du chu Nedir-Mohamed de Tizi Ouzou la situation devient de plus en plus compliquée du fait de la demande mais aussi du manque criard en cette vitamine. Une source hospitalière nous révélera que les responsables de ce service qui s’occupe du nouveau-né se débrouillent à chaque fois pour prendre en charge un cas. “Nous recevons à chaque fois, des sujets transférés par des établissements de la périphérie et qui présentent un défaut de vaccination en vitamine K», nous dit un infirmier. Nos sources indiqueront, à cet effet, que pas loin du jeudi dernier, un nouveau-né transféré depuis le centre de santé de Draâ El Mizan a failli y passer après une hémorragie. “Le médecin de garde a dû faire appel à une boîte laissée par un autre malade qui se l’est procurée de France», nous dit le même infirmier. Ledit service qui prend en charge de manière adaptée les nouveaux-nés prématurés ou présentant une pathologie particulière à la naissance (infectieuse…) n’est pas en mesure d’assurer le bon traitement en l’absence de ces ampoules surtout qu’on sait que la PCH ne fournit plus ce genre de produits en raison de la pénurie. “Oui. Il y a un danger sur les nouveaux-nés. Je regrette que la vitamine K ne soit injectée systématiquement au niveau des cliniques privées ou publiques. Toutefois, notre service est contraint à faire les frais de cette défaillance qui menace la vie de centaines de bébés. Je mets ça sur le dos de l’inconscience et parfois de la mauvaise foi. Si la vitamine K n’est pas disponible, cela ne peut pas justifier le silence qu’adoptent les gynécologues dans certaines cliniques», nous dit, sous le couvert de l’anonymat, un médecin du service néonatologie de l’hôpital de Tizi Ouzou. Nos sources ajoutent à ce propos que le même service fonctionne, en matière d’injection de la vitamine K, grâce aux dons de citoyens notamment un mécène qui nous assure l’approvisionnement depuis l’Hexagone. Pour s’octroyer le sésame que constitue une ampoule de la vitamine K, il faudrait donc faire appel à un proche résident en France ou un quelconque autre pays pour avoir les ampoules. Afin d’éviter justement les complications d’une maladie hémorragique, les médecins font recours à une injection de la vitamine K, un mg par kilogramme. “Je ne comprends pas comment les cliniques privées peuvent avoir recours à des césariennes pour 70 000 DA alors qu’on ne met pas à la disposition du nouveau-né toutes les conditions pour sa bonne santé la vaccination en vitamine K , entre autres», déplore notre interlocuteur.
Des dizaines de nouveaux-nés décèdent chaque année
Au niveau de la clinique Sbihi Tassadit, l’on assure que le problème ne se pose pas. Le directeur qui nous a reçus hier, nous a confirmé l’existence d’un stock qui peut couvrir les besoins d’une année en matière de vitamine K. Prenant en charge en moyenne 50 naissances par jour, la clinique Sbihi est pratiquement dépassée par l’ampleur de la demande. “Cette vitamine vitale pour le nouveau-né est administrée systématiquement à la naissance au niveau de notre établissement. Nous n’avons pas de problème puisque la Pch nous a approvisionné d’une quantité qui nous permet d’être à l’aise sur ce chapitre», nous dit le directeur de cette clinque publique. Les propos de notre interlocuteur sont démentis par ceux d’un médecin obstétricien qui nous a fait savoir que la clinique Sbihi spécialisée en gynéco-obstétrique a connu des problèmes du genre durant certaines périodes de rupture de stock de ce produit. Même s’il confirme la disponibilité de cette vitamine en ce moment, il nous révèle que l’établissement a fait face, dans un passé récent à ce genre de pénurie. Notre source précise que son service a perdu deux nouveaux-nés du fait de l’absence de la vitamine K. “Les deux nourrissons ont eu des hémorragies durant les 48 h qui ont suivi l’accouchement ce qui a causé leurs décès d’autant plus qu’ils n’ont pas pu bénéficié de l’injection de cette vitamine à temps», ajoute le médecin en question. Dans ce sillage, on apprendra d’un autre médecin du même service que les troubles hémorragiques surviennent généralement entre le 2e et le 10e jour après la naissance», les parents du nouveau-né peuvent s’apercevoir de la présence du sang par exemple dans les urines ou les selles. Le plus grave sont les cas qui présentent des saignements au niveau du cerveau”. Notre interlocuteur indiquera que parfois le personnel du service cède à la panique surtout “lorsque les gens sont au courant de l’absence de la vitamine K”.
Une boîte de six ampoules de vitamine K coûte en France, 7,58 euros
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le prix ne peut pas justifier cette pénurie et ce manque en matière d’approvisionnement en vitamine K. C’est ce que confirme d’ailleurs un médecin spécial d’un hôpital à Alger qui nous a joint cette semaine par le biais d’une correspondance où il dénonce un scandale qui ne dit pas nom. Selon lui, une boîte de six ampoules de la vitamine K coûte en France environs 7,58 euros. “Nous recevons depuis des mois des nourrissons en bas âge présentant des anémies avec des troubles neurologiques chez qui les explorations aboutissent au diagnostic de maladie hémorragiques avec saignement intercrânien», souligne le médecin en question. Ce dernier indique, dans sa correspondance, que ces maladies hémorragiques qui sont dues à un défaut de vaccination en vitamine K dès la naissance, provoque le décès des nouveaux-nés et au mieux laissent des séquelles neurologiques. Dans ce sillage, un pédiatre installé au centre-ville de Tizi Ouzou s’étonne de cette situation qu’il qualifie de paradoxale. “Comment peut-on vivre un telle situation dans un pays qui dépense gros pour l’importation de médicaments. Je ne comprends pas comment la PCH puisse se trouver dans une situation de rupture de stock, il s’agit d’un manque d’anticipation de la crise», regrette un autre médecin. De l’avis de tous, ceux que nous avons interrogés sur la question, il y a véritablement, urgence à mettre à la disposition des différents services de pédiatrie, néonatologie en particulier, cette vitamine pour justement épargner aux parents mais surtout aux nouveaux-nés des misères de plus.
Omar Zeghni