Commentaire : Légitimes interrogations

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Vingt ans après les premiers actes terroristes par lesquels l’islamisme politique a voulu soumettre la société tout entière et renier le pays historique, le constat de la situation sécuritaire actuelle, régnant particulièrement sur une portion du territoire nationale, à savoir la Kabylie, non seulement ne force pas à l’optimisme immédiat, mais, plus grave encore, suscite d’inquiétantes interrogations auprès de la population et des franges les plus éclairées de la société quant à la signification d’une guerre physique et psychologique par laquelle on compte les prendre en otage.

Quadrillée par des barrages des services de sécurité sur l’ensemble des voies de passage, la Kabylie, et particulièrement les wilayas de Boumerdès et Tizi Ouzou, sont régulièrement réveillées et endeuillées par l’explosion de bombes, les fusillades et autres attentats kamikazes. Outre un terrorisme ‘’résiduel’’- adjectif peu convaincant et mal aimé inventé à la fin des années 1990-, le terrain politique pourri et miné de toutes parts, ainsi que la guerre pour des intérêts économiques rentiers, ne seraient-ils pas de la partie ? Le contexte des réformes politiques annoncées par le président de la République, les tentatives de reconstitution de l’ancien parti dissous- plusieurs fois annoncées dans la presse-, l’ampleur prise par l’économie parallèle charriant des milliards de dollars de transactions et de monumentales évasions fiscales, alimentent imparablement le terrain sécuritaire vers plus de déliquescence et de pourrissement qui tétanisent les populations et annihilent tous les efforts de reconstruction et de développement. Y-t-il place pour une nouvelle voie dans la lutte contre le terrorisme islamiste et le crime organisé (soutenus par les trafiquants d’armes ou de drogue) ? Après la mise en œuvre- des clauses de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2005, le contexte politique algérien est mis sous pression depuis janvier 2011 par ce qui est appelé le « Printemps arabe ». Pratiquement, les mêmes revendications sont brandies dans les rues et sur les places de Sanaa, Damas, le Caire, Rabat, Tunis, Tripoli ou Alger. La différence réside sans doute dans la maturation des forces sociales pour une organisation efficace de la contestation, mais aussi dans les moyens financiers dont disposent es gouvernements respectifs pour absorber la colère de la rue. On a beau s’en défendre, les propositions de réformes politiques en Algérie annoncées par Bouteflika le 15 avril dernier- et pour lesquelles il a crée une commission présidée par A.Bensalah, président du Conseil de la nation-, baignent totalement dans ce climat de tension régionale et de révoltes internes. Cependant, les textes législatifs et le travail des commissions ont leurs limites, celles que l’histoire récente de l’Algérie a rendues visibles aux yeux de tous les citoyens. En effet, l’on ne peut céder à l’ingénuité de croire que les procédures ou formalités administratives, aussi généreuses et aussi patriotiques qu’elles soient, puissent, à elles seules, redresser une situation problématique ou installer un climat de sérénité lorsque la culture politique ambiante manque de lisibilité et ne jure que par la combine, les coups bas et des intérêts rentiers colossaux. Sur le terrain sécuritaire, les observateurs nationaux et étrangers s’accordent pour constater la défaite militaire des groupes terroristes, et ce dès la fin des années 1990. Avec la mobilisation de la société tout entière contre l’un des terrorismes les plus barbares de l’histoire moderne, l’ANP et les autres services de sécurité ont mené et continuent de mener un combat exemplaire contre l’entreprise de destruction du pays et de ses valeurs ancestrales. Pourtant, à échéances presque régulières, le pays se trouve secoué par les derniers soubresauts de la bête blessée. Ce qui, parfois, ne manque pas de jeter le doute sur la validité de la stratégie d’ensemble adoptée par le pouvoir politique pour faire sortir le pays de cette logique infernale. Même si certains actes terroristes ne sont pas bien médiatisés, ils ne manquent pas d’emporter presque chaque jour des vies humaines innocentes. Quelle que soit le degré de maîtrise de la situation par les services de sécurité un terrorisme supposé dans sa phase de déclin, mais qui réussit encore à recruter de jeunes Algériens, devrait sérieusement inquiéter. Le fils d’Ali Benhadj, dont le père cherche sa dépouille dans la morgue de l’hôpital de Thénia et auprès du procureur de Boumerdès, n’avait que… trois ans lorsque le processus électoral a été interrompu en janvier 1992. D’autres faux repentis, élargis suite à l’application des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, ont rejoint une nouvelle fois le maquis. Certains d’ente eux ont été identifiés en tant que tels (repentis) après qu’ils eurent été abattus par les services de sécurité. Outre la lutte antiterroriste sur le terrain, il s’agit, comme on le voit ici, de diagnostiquer le vrai mal du pays. Celui par qui la tragédie risque de ne pas s’arrêter. Les sources idéologiques et les motivations sociales du phénomène du terrorisme dans notre pays doivent être démystifiées définitivement. Il s’agit pour le pouvoir politique d’avoir l’audace nécessaire pour procéder aux réformes tant promises de l’école, de l’administration, de la gestion du Culte et des autres structures portant le germe de l’intégrisme, comme il s’agira également de hâter les réformes économiques, dans un esprit de justice sociale, pour que la mentalité rentière cède la pas devant l’effort, le mérite et la compétence.

Amar Naït Messaoud

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