Nous sommes tous les élèves de Mouloud Mammeri

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Par Abdennour Abdesselam :

Le « nous » concerne ici d’abord les générations des années 1960 et 1970 ; c’est-à-dire ceux de notre génération. Mais, par extension et avec la pratique et l’utilisation généralisée des ouvrages scientifiques et de grammaire de la langue berbère élaborés par Mouloud Mammeri, le « nous » s’étend également aux générations successives, particulièrement celle actuelle et même à venir. Il est de nature que dans tous les combats un homme ou une femme est consacré comme étant le fer de lance d’une cause. Mouloud Mammeri l’est pour ce qui concerne le combat identitaire berbère historique. Ses travaux sont incontestablement la base, le socle principal sur lequel sont venus s’ajouter ceux des autres spécialistes qui ont conforté et consolidé ses thèses et ses démonstrations. Mais bien plus qu’il est algérien, la dimension de ses vérités scientifiques a largement débordé sur l’étendue du territoire Nord Africain. Au Maroc, même si l’usage du caractère Tifinagh, pour la transcription de notre langue, a été l’option, l’enseignement (malheureusement encore non officiel) a lieu sur les bases linguistiques de Mouloud Mammeri. Tout récemment, en Tunisie, la communauté berbère de ce pays, longtemps réprimée jusqu’à l’étouffement qui a duré plus de 60 ans, vient de s’exprimer et de se manifester au grand jour. Enfin, l’Association Culturelle Amazighe de Tunisie (l’ACAT) vient d’être agréée et s’est engagée, dans la foulée, à organiser les 6èmes assises du Congrès Mondial Amazigh dont la dernière assemblée a eu lieu au Maroc. Quel beau feu d’artifice pour une telle grande naissance ! Dans le secret le plus total, les berbères tunisiens, eux aussi, utilisent les conclusions scientifiques de Dda Lmulud. Cette extension géographique de la cause berbère a été le fruit d’une démarche strictement scientifique. Les martyrs berbères n’ont tiré aucune balle, car la « révolution » berbère ne s’est pas faite par les armes (de guerre entendons-nous). Leur seule arme a été celle de l’intelligence soigneusement pensée par Mammeri. Oui qu’une langue, qu’une identité et qu’une culture constituent des éléments distinctifs qui justifient et qui portent une revendication. Ainsi, seul, Mammeri, animé d’une perspicacité inébranlable, a réussi à influer sur le cours des événements politiques, non pas uniquement sur la dimension algérienne mais sur l’espace aussi vaste que le Nord de l’Afrique qui représente le tiers de notre continent.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

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