De l’emprunt : entre utilité et risque

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Par Abdennour Abdesselam :

Aucune langue ne peut se suffire à elle-même. Aucune langue ne peut vivre en autarcie. Aucune langue ne peut avancer seule. Aucune langue n’est, pour ainsi dire, pure. Une langue fermée et renfermée sur elle-même est vouée à disparaître. Seules les langues qui s’adaptent aux réalités des évolutions peuvent encore espérer un nouvel avenir. L’un des éléments principal de cette ouverture est le phénomène de l’emprunt. Un emprunt est un mot dont une langue a besoin pour compenser ses manques et alimenter ainsi ses nouveaux besoins en identifiants. Elle l’emprunte auprès d’une ou de plusieurs autres langues environnantes. Pour ce faire, il y a des normes et des règles en matière d’emprunt qui doivent être strictement observées afin de protéger la langue emprunteuse des situations de dépendance. En effet, les spécialistes du monde des langues fixent un seuil d’emprunt qui, selon eux, ne doit pas dépasser 10% du volume des mots naturellement existant dans la langue réceptrice. Dès que ce volume dépasse la imite autorisée nous ne sommes plus en présence d’une seule langue mais de deux langues distinctes, annoncent les spécialistes. Dans ce cas précisément, la langue emprunteuse entame une faiblesse qui atteint son mécanisme et ses fonctionnalités linguistiques ce qui la condamne à terme. Nous retenons donc que le phénomène de l’emprunt obéit, s’il est nécessaire, à l’ouverture d’une langue sur le monde, aux besoins des nouveautés. Il entraîne cependant un risque que l’on se garderait de mesurer à sa juste valeur. Oui qu’il faille emprunter, mais dans le strict, l’exceptionnel et le seul besoin de compensation vérifié et justifié. Il n’en demeure pas moins que la meilleure compensation, avant d’avoir recours à l’empreint, c’est la production de nouveaux mots dans la langue elle-même et à partir des méthodes universellement connues comme la dérivation, l’extension de sens, le système des racines etc. Pourquoi dirions-nous «char» pour désigner le mois alors que le mot naturel «agur» existe dans la langue, pourquoi retenir le mot «lwad ou wed» alors que «asif» est une réalité dans l’usage quotidien, pourquoi employer le mot «dewwer» puisque le mot «zzi» a son existence naturelle dans la langue courante. C’est dire que le phénomène de l’emprunt est une véritable «chirurgie» linguistique à considérer à juste titre avec beaucoup d’attention.

Abdennour Abdesselam (kocilnour@yahoo.fr)

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