10 000 dinars, c’est bien le minimum que dépense un chef de famille pour garantir les besoins d’un trousseau scolaire. A la veille de la rentrée scolaire, qui interviendra dans une semaine, ils sont des milliers de pères de famille à slalomer entre les hypothèses, à composer, à calculer et à méditer sur l’épineuse question : comment satisfaire à ces lourdes dépenses avec un salaire ne dépassant pas les 20 000 dinars ?
A J-8 de la rentrée scolaire, les parents sont, de nouveau, mis à rude épreuve. Le stress du mois de carême et les onéreuses dépenses de la fête de l’Aïd passées, les ménages seront de nouveau appeler à mettre les mains à la poche pour satisfaire les lourdes dépenses qu’impose ce grand rendez-vous. Combien justement dépense-t-on pour un trousseau scolaire et comment les pères de famille arrivent-ils à s’extirper d’un si coûteux exercice mais surtout le marché s’adapte-t-il à l’érosion du pouvoir d’achat des ménages ? Le budget familial subira, dans les quelques prochains jours, un véritable coup de chaud à l’occasion des achats de la rentrée scolaire. Le coût de cette dernière a, de l’avis de toutes les personnes interrogées hier, sensiblement augmenté au grand dam des ménages qui seront, une nouvelle fois, contraints à composer avec un budget serrée pour satisfaire aux besoins d’une rentrée plus que jamais onéreuse. En moyenne, le prix des fournitures scolaires a augmenté d’au moins de 10%. À titre d’illustration, pour un enfant entrant en classe de 5e, il faudra débourser en minimum 4 500 DA juste pour les fournitures sans les livres scolaires. C’est dire qu’en terme de smig, les ménages devront serrer la ceinture et faire toute une gymnastique pour espérer sauver l’honneur. Pour un collégien, le coût dépasse, rien que pour les fournitures et le cartable, les 8 000 dinars. Au marché couvert, sis à proximité du stade du 1er-Novembre, non loin du centre-ville de Tizi Ouzou, certes l’ambiance est animée mais plusieurs personnes interrogées avouent que le cœur n’y est pas. Cela n’a, naturellement, pas empêché les parents d’élèves d’envahir les librairies et autres magasins d’habillement pour prendre d’abord la température du marché et ensuite monter un budget pour satisfaire les besoins exprimés. On saura, dans ce sillage, qu’au minimum, il s’agirait de débourser pas moins de 10 000 DA pour chaque enfant. 2 500 DA pour le cartable et les fournitures scolaires, 5 000 DA pour les vêtements et chaussures, 500 DA pour le tablier et pas moins de 3 000 DA pour les livres scolaires, de quoi donner le tournis aux pères de famille qui ont toutes les peines du monde à boucler un mois de carême des plus éprouvants. « Je cherche des habits pour ma fille qui sera endeuxième au collège. Ce n’est pas du tout évident. Je tente de faire un montage financier pour faire face à une rentrée difficile mais ça sera vraiment difficile, déjà que le mois de carême nous a usés sur ce plan et voilà que la rentrée de nous achever, c’est vraiment infernale», confie Mohamed, la quarantaine qui dit avoir deux enfants. “Je me mets, franchement, à la place d’un père de famille qui a quatre ou cinq enfants. C’est intenable.”
Des prix qui donnent le tournis !
Il faut dire que les prix affichés “ostentatoirement” laissent perplexes. Un jeans pour enfant de six ans est “cédé” difficilement à 1200 DA. “C’est du chinois et du 3e choix en plus», fera remarquer une vieille dame, accompagnée de ses deux enfants, qui négociait avec un camelot. “Ces dépenses sont pour nous, obligatoires car nous ne pouvons pas se permettre de complexer nos enfants vis-à-vis de leurs camarades. Jadis, je faisais recours à la friperie mais maintenant nos enfants exigent d’être habillés à la mode», nous dit la vieille dame qui explique, en outre, que la privation pourrait se répercuter négativement sur les résultats scolaires. On comprendra que du sacrifice, les parents n’ont connaissent pas uniquement le mot mais sont mis quotidiennement à l’épreuve. C’est ce que nous confirme Saida, la trentaine, rencontrée dans l’une des librairies du centre-ville. “Mon fils sera cette année en 3e année moyenne.
Là j’ai acheté pas mal de fournitures scolaires entre stylos, cahiers et autres, j’en ai pour 2 000 DA et il me manque encore certaines choses, comme des manuels qui ne sont pas encore disponibles. Au total, je pense que j’en aurai pour 6 000 DA pour les fournitures et les livres. Après, il faut compter les vêtements… Comme toujours, c’est un gros budget», dira-t-elle. Le ton est par contre différent chez Ahmed, un quadragénaire exerçant comme vendeur dans une superette à la nouvelle-ville de Tizi Ouzou. “Nous sommes cinq enfants dans la famille, et la rentrée coûte très cher. D’abord, on achète les fournitures, et après les vêtements puis les chaussures… On ne sait pas si on aura assez d’argent pour boucler ces dépenses. Mon salaire de 21 000 ne suffira pas pour couvrir ces besoins.”
Notre interlocuteur estime que au minimum, les besoins d’un seul enfant ne descendent pas au-dessous de 8 000 Da. Cette réalité est confirmée par la tendance du marché à une semaine de la rentrée. Un pantalon pour enfants de 10 ans est affiché hier dans la plus part des magasins de la ville à 1500 DA, des chaussures pour le même âge, les moins chères, sont cédées dans le grand magasin jouxtant l’ancienne station des fourgons d’Azazga, à 1 400 DA alors que pour une chemise simple le prix oscille entre 1 200 à 1 800 DA.
Le choix du “bas de gamme” !
Ces prix sont applicables, bien évidemment, pour les produits bas de gamme où communément appelés produits chinois. Ahmed dit à ce propos : “Je suis obligés de faire face aux besoins de six gosses, tous scolarisé. Alors, les fournitures scolaires à 4000 DA, les livres à 3000 DA, le cartable à 1000 DA, les habits à 5000 DA, le tablier à 500 DA en plus des frais scolaires qui ont augmenté cette année. Faites en le calcul et vous aurez une petite idée du calvaire que je vis en ce moment. Avec un salaire de misère comment faire face à ce lourd budget», nous confie-t-il d’un air plein d’amertume. Notre interlocuteur explique que deux de ses enfants seront contraints de réutiliser les fournitures scolaires de l’année dernière telle que le cartable et d’acheter pour le reste le strict minimum. Même si l’on est loin du rush habituel, les familles envahissent les magasins du centre-ville en l’absence des marchants de l’informel qui constituaient, en pareille occasion, l’attraction. Un seul leitmotiv “le bon prix !”. Si certaines familles démunies font appel à la fripe pour réduire la note, d’autres par contre optent pour le bas de gamme pour » sauver les meubles » et offrir à l’enfant des vêtements neufs rien que pour lui faire plaisir le jour de la rentrée. Il faut que même dans ce cas, souvent on tombe des nues à la découverte des prix. “C’est de l’arnaque !», crie une dame à la vue des prix des vêtements. C’est dire qu’au moment où le pays est considéré en matière de richesses parmi les plus aisés de la planète, cela n’empêche pas le peuple de se lamenter sur les bribes d’une vie faite de misère et de tracas au quotidien. “Je ne sais quoi faire. Je n’ai rien à vendre et aucune autre ressource.
On me pousse au vol pour satisfaire les besoins de ma famille. On ne me laisse pas le choix !”. Cette déclaration vient d’un père de famille rencontré hier à Tizi Ouzou laisse perplexe et incite à méditer un paradoxe inexplicable : “comment un pays aussi riche peut-il avoir un peuple aussi pauvre ?», s’interrogera-t-il non sans laisser pousser un grand ouf, qui résume l’étendue de sa détresse.
Omar Zeghni

