Le rapport accablant de la Cour des comptes

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La Cour des comptes a rendu, hier, un rapport choc sur le contrôle des médicaments en Algérie. Selon le rapport, la quasi-totalité des médicaments, importés ou fabriqués localement, ne sont pas systématiquement contrôlés. C’est un véritable pavé jeté dans la mare par la Cour des comptes via son dernier rapport, publié au dernier Journal Officiel, concernant les pratiques de contrôle devant être effectuées par le Laboratoire national du contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP).

«Les investigations de la Cour des comptes font ressortir que les services du LNCPP libèrent plusieurs lots de médicaments, ainsi que des réactifs et produits chimiques, sans les soumettre aux différentes phases de contrôle de la qualité requises», est-il mentionné dans le dit rapport. Et de souligner également qu’«il a été constaté l’absence de contrôle physico-chimique dans le cadre de l’enregistrement des produits pharmaceutiques, pour manque de réactifs et d’équipements, d’où le recours aux fabricants des médicaments concernés pour demander les réactifs et équipements indisponibles.»

Le recours par le LNCPP aux fabricants de ces médicament pour les contrôler constitue une entorse, en ce sens qu’il subsiste un réel conflit d’intérêts. Comme il n’assure pas forcément l’obtention de résultats objectifs et/ou impartiaux. Pour le genre de médicaments non-contrôlés, la Cour des compte révèle que «les constatations relevées concernent notamment les produits pharmaceutiques acquis dans le cadre des autorisations temporaires d’utilisation (ATU)». Et d’expliquer que l’ATU est «une dérogation d’importation pour un médicament enregistré dans son pays d’origine et qui présente des preuves suffisantes d’efficacité et de sécurité.

Elle est délivrée au profit d’un patient nommément désigné». Et d’indiquer que «cette demande ne concerne que les médicaments destinés à traiter les maladies orphelines ou les maladies à pronostic vital, qui ne peuvent pas être remplacés par d’autres médicaments déjà enregistrés et qui font ou feront obligatoirement l’objet d’une demande d’enregistrement.» «La pharmacie centrale des hôpitaux est autorisée à importer les médicaments objets des ATU.

Ces dernières sont délivrées par la direction de la pharmacie relevant du ministère de la Santé au profit des établissements de santé demandeurs après validation par une commission centrale», explique encore le rapport qui relève, par ailleurs, que «ces produits n’étant pas enregistrés en Algérie, échappent aux contrôles préalables à l’enregistrement». Et, poursuit encore le rapport de la Cour des comptes, «ils sont commercialisés par la PCH sans les soumettre au contrôle du LNCPP qui, au demeurant, n’a mis en place aucune procédure de contrôle de qualité pour s’assurer de leur conformité aux prescriptions règlementaires».

La Cour des compte cite dans son rapport les produits pharmaceutiques produits localement ou importés durant la période 2014-2017 : «337 produits ont été importés et commercialisés par la PCH en l’absence des analyses et des contrôles du LNCPP, dont 43% ont concerné la classe métabolisme nutrition diabète et 19% des antalgiques», révèle la CC.

90% des lots de la PCH ne sont pas contrôlés

«À l’instar des autres produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux (DM) constituent un vaste éventail de produits, des simples pansements aux produits de santé les plus sophistiqués, qui doivent être soumis au contrôle de qualité avant leur commercialisation. Ils doivent aussi faire l’objet d’une homologation par les services du MSPRH et d’un contrôle systématique par le LNCPP en application de l’article 16 du cahier des conditions techniques à l’importation des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux destinés à la médecine humaine et de l’arrêté n° 2479 du 6 novembre 2007», explique le rapport.

Celui-ci affirme que «plusieurs produits commercialisés ne sont pas soumis aux contrôles préalables à l’homologation par le ministère de la Santé et les lots libérés à la commercialisation ne sont pas tous soumis au contrôle du LNCPP». Pour se défendre, le directeur général du Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques a «insisté sur le caractère provisoire de la pratique de leur réception sans contrôle, pour éviter les ruptures».

Le rapport de la Cour des comptes révèle, en outre, que 90% des lots de médicaments réceptionnés par la PCH ne sont pas contrôlés : «L’exploitation de l’état des dispositifs médicaux soumis au contrôle du LNCPP, durant la période 2014/2017 par la PCH qui approvisionne plus de 800 clients nationaux en produits pharmaceutiques dont plus de 500 établissements hospitaliers, pour les fins de leur mise sur le marché, fait ressortir que très peu de DM font l’objet de certificat de libération (après évaluation et analyse) par le LNCPP», note le rapport. La Cour des comptes précise que «généralement, les produits concernés sont libérés sur la base du certificat d’analyse du fabricant.

Or, l’importateur doit détenir pour chaque lot de médicaments et dispositifs médicaux importés un certificat de conformité délivré par le LNCPP.» Et d’alerter que «les dispositifs médicaux issus de la production nationale représentant plus de 90% des lots réceptionnés par la PCH ne sont pas soumis au contrôle du LNCPP.» Plus grave, le rapport cite que «durant la période allant de 2014 à 2016, 6 272 pacemaker n’ont pas été contrôlés par celui-ci». Aussi, relève la Cour des comptes, «les réactifs et produits chimiques, comme tout produit pharmaceutique, sont assujettis au contrôle de la qualité».

Or, poursuit le rapport, «les produits mis sur le marché national par les laboratoires (privés et publics) ne sont pas soumis au contrôle de qualité. Seuls les réactifs acquis par le LNCPP pour ses propres besoins sont soumis, notamment au contrôle microbiologique, par ses soins.» Par ailleurs, souligne encore le rapport de la Cour des comptes, «en réponse à une demande d’expertise du vaccin Pentavalent (antidiphtérique, Tétanique, Coquelucheux et Hépatite virale B), émanant de l’Institut Pasteur d’Algérie, le LNCPP a répondu (par lettre du 31 octobre 2017) qu’il n’est pas en mesure d’effectuer le contrôle qualité de ce type de produits (vaccins)».

Le Laboratoire évoque, entre autres, l’absence de matériel de contrôle immunologique spécifique aux vaccins ; les logiciels de lecture des données, en ce qui concerne le contrôle physico-chimique, ne sont pas adaptés aux vaccins.

M. A. T.

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