L’impératif de sauvegarder le caractère pacifique

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Les événements se précipitent sur la scène politique nationale. L’article 102 appliqué, Bensalah chef de l’État pour 90 jours, une élection présidentielle fixée pour le 4 juillet prochain, grandioses marches avant-hier, lors du 8e vendredi de mobilisation, des politiques réagissent…

Me Bouchachi : «Il faut de la patience et du pacifisme»

Le célèbre avocat des droits de l’Homme et militant, Mustapha Bouchachi, dans une vidéo diffusée sur son compte facebook jeudi soir, s’est expr-imé sur l’ensemble de ces questions brûlantes de l’actualité nationale. Pour l’avocat, ces décisions ne cadrent pas avec les aspirations des Algériens. «Nous avons toujours dit que les Algériens, quand ils sont sortis le 22 février, ont dit, d’une seule voix, non au 5e mandat, non à ce système.

Nous voulons une véritable démocratie (…) Après l’activation de l’article 102, ils nous disent que celui qui va encadrer et diriger la période de transition, c’est Abdelkader Bensalah, que monsieur Nourredine Bedoui va organiser les élections et que M. Belaiz, en tant que président du Conseil constitutionnel va proclamer les résultats. Nous rejetons tout cela dans la forme et dans le fond». Pour maître Bouchachi, la lutte du peuple et sa révolte ne sont pas pour le changement dans le système mais pour le changement du système entier «non pas pour le départ de Bouteflika, mais pour le départ du régime. Les 3B ou les 4B ne sont pas habilités à diriger la période de transition.

M. Bensalah est l’un des symboles du régime de Bouteflika. M. Bedoui a été wali et a truqué les élections, il est devenu ensuite ministre de l’Intérieur et organisé des élections truquées. M. Belaiz, l’un des symboles du régime, a été ministre de la Justice, ministre de l’Intérieur, deux fois président du Conseil constitutionnel». La morale politique pour le militant des droits de l’Homme serait que ces personnes démissionnent. «Peut-on leur faire confiance pour encadrer la période de transition, et organiser des élections transparentes ? Ils ne sont pas légitimes pour faire cela».

«La morale politique et la morale tout court exige qu’ils ne peuvent pas continuer à jouer ce rôle (…) La morale exige d’eux de démissionner immédiatement (…). Ces personnes étaient en fait des travailleurs chez l’ex-Président Bouteflika, puis chez la bande qui entourait le Président». Concernant l’élection présidentielle annoncée pour le 4 juillet prochain, il a considéré qu’on ne pouvait pas parler d’élection dans la situation actuelle.

«Peut-on parler d’élection présidentielle dans la situation actuelle au moment où tout le peuple algérien dit non. L’imposer aux Algériens, cela signifie qu’il y a une volonté cachée de ne pas changer de régime, mais de poursuivre avec le même système». Et d’ajouter : «Le régime politique savait que le peuple le refusait et tirait sa force de l’étranger. Pour plaire aux étrangers, il détruisait l’économie du pays, son histoire».

En réponse au général du corps de l’armée qui a qualifié, pour rappel, les revendications du peuple «d’irréalisables», maître Bouchachi n’a pas caché sa déception : «J’étais déçu. Depuis le premier communiqué du 26 février qui contenait des menaces contre les manifestants, d’autres communiqués ont été diffusés, qui disaient que l’ANP va soutenir le hirak et se ranger du côté du peuple algérien. Le dernier communiqué du commandement de l’état-major est désolant. Il dit qu’il ne veut pas de demandes irréalisables. Le peuple n’a présenté aucune demande irréalisable.

Dans le monde entier, aucune période de transition ne s’est faite avec les symboles d’un régime corrompu. Les demandes du peuple ne sont pas irréalisables», a insisté Bouchachi. «Le pouvoir peut transgresser la loi et la Constitution et quand le peuple réclame l’application de l’article 7, on parle de demandes irréalisables !» «Est-ce que l’état-major est avec le peuple ou il veut se rallier aux résidus du régime ?» s’est-il interrogé. «L’ANP ne peut, en aucun cas, s’allier à un régime en fin de règne. Est-ce que l’ANP veut que l’Algérie aille vers une vraie démocratie ou la poursuite du système avec d’autres personnes ?

Je dis que l’ère du choix par l’institution militaire des présidents doit cesser. Je garde espoir que lorsque l’ANP va regarder les marches de demain (Ndlr avant-hier), va rester avec le peuple, nous voulons construire un État dans le respect des principes de Novembre», a-t-il assigné. «Il faut de la patience, du pacifisme. Ce n’est pas de notre droit de s’arrêter en milieu du chemin. Aujourd’hui, nous avons une responsabilité vis-à-vis de nos enfants et des générations futures. Nous sommes en train de se battre pour les futures générations pour sauver cette révolution. Nous n’avons pas le droit de reculer, il faut poursuivre, d’une façon pacifique. Nos demandes ne sont pas irréalisables, elles sont légitimes», a-t-il conclu.

Me Mokrane Aït Larbi :«Le peuple doit récupérer le FLN»

Le célèbre avocat des droits de l’homme et ex-directeur de campagne du candidat Ali Ghediri, Mokrane Aït Larbi, a hier depuis Kherrata, dans la wilaya de Béjaïa, appelé l’ar-mée nationale à se positionner du côté du peuple. «Le rôle de l’armée est de défendre nos frontières, protéger le pays et assurer notre sécurité. L’armée c’est qui ? Ce sont des enfants du pays, des enfants du peuple, c’est eux qui doivent nous protéger et protéger l’Algérie», dira Me Aït Larbi, lors d’un meeting animé conjointement avec le député Khaled Tazaghart à Kherrata.

«Je leur dit aujourd’hui qu’il faut écouter le peuple, le protéger et être avec lui. Ce n’est pas Bensalah que vous devez protéger, ce n’est pas le pouvoir que vous devez protéger, ni les corrompus», lancera-t-il encore. «Le peuple vous dit que la place de ces corrompus c’est la prison qui était jadis remplie d’innocents (…) Maintenant, il faut juger ces corrompus», plaide-t-il. A propos de la désignation de Bensalah comme chef de l’Etat, l’avocat estime que les tenants du pouvoir sont en train de gagner du temps : «Ils nous ont ramené Bensalah pour gérer une période de 90 jours afin de gagner du temps, pour qu’ils puissent se préparer et nous ramener des candidats de leurs rangs, que nous ne connaissons peut-être pas et qu’ils vont nous présenter à travers les réseaux sociaux comme des héros».

Me Aït Larbi appellera à la vigilance, à la poursuite de la mobilisation : «Certains disent que 8 semaines c’est trop (…) C’est quoi huit semaines ? Les gens souffrent depuis 62, depuis l’arrivée de Bouteflika il y a 20 ans ! On va continuer huit autres semaines s’il le faut, ou même encore des années, on ne va pas rentrer chez nous, chaque vendredi on doit sortir jusqu’au départ du système». Il ajoutera : «Cela dit, le maintien du caractère pacifique de cette mobilisation est primordial, vu que les tenants du pouvoir disposent de tous les moyens de répression, ce dont ils ont abusé par le passé.

Le seul moyen pour les vaincre c’est le pacifisme», a-t-il souligné. En outre, il a appelé au rassemblement de tous les Algériens de tous bords, à l’union et à la fraternité qui, selon lui, sont le seul moyen pour parvenir à chasser ce système. Il s’adressera ensuite aux tenants du pouvoir les exhortant à répondre aux revendications populaires et à quitter le pouvoir : «Aujourd’hui, il est temps pour que ce soit le peuple qui gouverne. Le peuple sait ce qui lui convient.

C’est à lui de construire la nouvelle Algérie. Une Algérie plurielle». A propos du FLN, Me Aït Larbi a plaidé pour la récupération du sigle : «Le FLN ne leur appartient pas, c’est celui des martyrs. Aujourd’hui, on doit récupérer le FLN pour le peuple. Le cigle FLN, il faut le restaurer, c’est comme l’emblème national, les deux appartiennent à la mémoire collective», a-t-il insisté.

Le parti des travailleurs (PT) : «Qui veut provoquer l’irréparable ?»

Le parti des travailleurs de Louiza Hannoun soutient que la répression infligée aux manifestants est une «honteuse attitude des hau-tes aut-orités du sy-stème décrié par un peuple debout, fier et déterminé pacifiquement à reprendre tous ses droits. Qui veut provoquer l’irréparable ? Qui donne les ordres d’empêcher le libre déplacement des citoyens par des barrages filtrants de gendarmes ? Qui ordonne la répression de manifestantes et manifestants qui viennent souvent en familles, enfants et personnes âgées compris ?

Qui cherchent le pourrissement ? Qui donne le prétexte de l’ingérence étrangère par le refus d’obtempérer aux revendications de tout un peuple ? Qui met les forces de sécurité, issues du peuple, devant des situations intenables en leur imposant une attitude répressive contre un peuple sans défense ?» s’est-il interrogé. «Le monde entier est témoin de l’aspiration profonde d’un peuple à se libérer pacifiquement d’un système obsolète qu’une petite clique veut préserver à tout prix, y compris en prenant le risque de développements incontrôlables», ajoute le PT sur sa page officielle.

Union nationale des ordres des avocats algériens : «Rejet de l’élection et grève de 4 jours»

L’Union nationale des ordres des avocats algériens a réagi à la répression subite par les manifestants à Alger le vendredi dernier. Cette organisation a dénoncé la «répression des manifestations pacifiques par les forces de sécurité», rappelant que «la manifestation est un droit constitutionnel». L’Union exige le «respect de ce droit et sa protection». Les avocats, en outre, exigent «le retrait immédiat des moyens utilisés pour réprimer les manifestants», notamment «le canon à son» qui peut causer des dégâts sur la santé des manifestants.

Ils réitèrent leur soutien au mouvement populaire, considérant que «la crise actuelle est politique avant qu’elle ne soit constitutionnelle». Ils demandent au pouvoir «de trouver des solutions politiques acceptables par le peuple». L’Union des avocats propose la mise en place d’une «période de transition conduite par des personnalités consensuelles et acceptées par le peuple». Dans ce sillage, les avocats annoncent «le rejet du scrutin présidentiel du 4 juillet». Pour l’Union, «les élections du 4 juillet ne vont pas permettre une transition démocratique et ne seront pas crédibles sous la conduite d’un gouvernement rejeté par le peuple et dans le cadre des lois en vigueur qui ne garantissent pas un minimum de transparence». Les avocats font part d’une grève de quatre jours du 17 au 22 avril prochain.

Synthèse de Kamela Haddoum.

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