Au cœur des cités HLM…

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Au lendemain de la distribution des logements réalisés dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire (RHP), à l’occasion de la célébration du 65e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale, les opérations de démolition ont été enclenchées au niveau de la cité HLM, à la périphérie de la ville, et celle dite du stade. Cependant, les autorités n’ont pu mener à terme les démolitions, car nombreux sont les citoyens qui ont fait de la résistance. Il est à noter que plus d’une centaine de recours ont été introduits auprès de la commission de wilaya.

À la cité HLM, la déception se lisait sur beaucoup de visages. De petits groupes de jeunes discutaient entre eux et se préparaient à la «riposte» en cas de non satisfaction de leurs doléances. Il faut dire que les murs tombés à terre à coups de pelleteuses offrent un décor hideux à cette cité datant de l’époque coloniale, les déblaiements n’ayant pas été opérés, puisque les occupants de certaines habitations encore debout ont refusé de partir : «Nous n’allons pas quitter les lieux même si on nous écrase avec leurs engins car nous sommes dans notre droit de rester sur place tant que la commission de recours n’a pas rendu ses résultats», lance A. Rachid qui nous apprend que même le premier recours déposé en février dernier n’a pas eu de réponse.

Il ajoutera : «Pour nous chasser de notre habitation, qui était un centre de tortures pendant la guerre de libération nationale, ils (les responsables) locaux n’ont pas hésité à nous couper l’électricité. Devant leur violence, ma pauvre mère s’est évanouie et a été transportée à la polyclinique. Si je n’ai pas de droit, qu’ils me donnent la notification d’exclusion afin que je puisse aller en justice. En tout cas, je resterai dans cette habitation au péril de ma vie et même sans électricité». D’autres citoyens exhibaient des documents, censés leur donner raison : «Pas moins d’une centaine de recours ont été déposés à la daïra.

Pour nous calmer, le maire nous a accompagnés à la rencontre du médiateur du wali qui nous a promis de dépêcher une commission d’enquête sur les lieux. Nous attendons toujours les résultats», dira un résident, brandissant les copies de dix-sept recours et les reçus de l’argent versé à l’OPGI. «En février dernier, au lendemain de l’affichage des listes des bénéficiaires, l’OPGI nous a invités à régler les frais d’entrée. Mais après le passage de la commission de wilaya, plus de dix-neuf bénéficiaires ont été exclus. Mon frère et moi avons réglé le montant de 71 883 dinars.

Mais au finish, on ne retrouve plus notre nom sur les listes», dira Aziz. Et ils sont nombreux dans cette situation. On indiquera, par ailleurs, que quatre habitations sont plongées dans le noir. «S’il n’y avait pas eu de résistance, tous les câbles électriques seraient coupés. Qu’on nous rétablisse au moins le courant électrique en attendant les résultats de la commission de recours. Ne sommes-nous pas des Algériens comme les autres ? N’avons-nous pas le droit au logement ?», s’interroge Arezki, un autre résident. Selon nos interlocuteurs, dix-neuf logements sont toujours fermés. Ils souhaitent que la transparence soit de rigueur pour les rétablir dans leur droit.

Entre réjouissance, contestation et résistance…

«J’ai quarante ans et je n’ai pas bénéficié. Mais, qu’on me laisse tranquille vivre dans cette habitation pour enfin penser à me marier. Je ne laisserai personne me jeter dans la rue parce que nous avons découvert que parfois ils sont quatre à bénéficier de logements pour une seule habitation», enchaîne un autre intervenant. On a entendu aussi qu’une veuve de chahid et une veuve du moudjahid ont été éliminées des listes sous prétexte qu’elles étaient âgées. Notre deuxième escale fut la cité du stade. Même décor : des tas de parpaings non encore enlevés, arbres coupés, câbles électriques pendants…

C’est de la désolation tout comme pour la cité HLM. Là aussi, les premières démolitions ont eu lieu alors qu’il y a plusieurs résistants qui préfèrent mourir sous les décombres que d’être jetés à la rue. «Beaucoup d’injustice !», s’indigne un fils d’un moudjahid qui voit sa mère et son frère exclus des listes. Cet habitant, dont le visage semblait pâle depuis cet épisode de démolition, nous présente plusieurs documents : «Voici la décision de pré-bénéficiaire de ma mère de février 2019.

Malheureusement, après l’envoi de la liste à la CNL, cette décision a été remise en question sous prétexte que mon défunt père Yahiaoui Said, moudjahid, aurait bénéficié d’une aide à l’habitat rural à Bouira. Une fois avoir introduit une requête au niveau de la CNL de Bouira, nous avons reçu une notification dans laquelle il est écrit que mon père n’avait bénéficié d’aucune aide de ce genre et que le dossier avait été monté de toutes pièces. (…) Ce document a été versé à la commission de recours de la wilaya, à la commission de l’habitat de l’APW et bien sûr à l’APC et à la daïra.

Finalement, cela n’a pas été pris en compte». La veuve Ouerdia Ammour, sa mère, s’effondre en pleurs : «Voici l’acte de rétrocession de cette habitation à mon défunt époux à valeur de 4 000 dinars au niveau de la cité du stade signé par le chef de daïra de Draâ El-Mizan le 18 avril 1974. C’est pour vous dire que nous ne sommes pas tombés avec la dernière pluie. Et puis, même si je suis âgée de 70 ans, où iront mes neuf filles ? En plus j’ai deux garçons qui n’en ont pas bénéficié sauf le troisième d’entre eux. Mais, ce sont deux poids et deux mesures quand on voit que pour une seule habitation, il y en a quatre familles qui ont été relogées».

Cette citoyenne souhaite que la commission de recours prenne en considération toutes les pièces administratives versées à son dossier. En tout cas, la situation est loin d’être apaisée dans ces deux sites relevant de l’époque coloniale tant que toutes les situations évoquées ne sont pas prises en charge parce que ces exclus sont loin d’abdiquer au péril de leur vie. Il est à rappeler que la distribution de près de 190 logements le 28 octobre dernier s’est déroulée sous haute tension au point où des centaines de policiers étaient déployés pour y assurer la sécurité.

Amar Ouramdane

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