Le prince cloîtré

Partager

(1re partie)

« Amachahou rebbi ats iselhou ats ighzif anechth ousarou. » (Que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).Des mères poules, il en existe beaucoup, des pères poules, il y en a aussi. C’est le cas d’un de ces pères que nous allons vous raconter à travers cette histoire du terroir. Ce père n’est pas n’importe qui, c’est le roi d’un immense pays. Marié à plusieurs femmes, elles lui donnèrent beaucoup d’enfants mâles comme héritiers, mais par une fatalité incompréhensible, ils meurent tous avant d’atteindre l’âge de sept ans. L’ag’ellid’ (roi) chercher à en connaître les raisons. C’est ainsi que l’on s’aperçoit que la cause de la mort des enfants était due à la consommation de viande avec os. Les os brisés, avalés par mégarde restaient en travers de la gorge et finissent par étouffer les enfants. L’ag’ellid’, une fois mis au courant, entre dans une rage folle et met à mort tout le personnel chargé de ses enfants. Pour mettre toutes les chances de son côté, il renouvelle le personnel en puisant dans sa famille. Après la mort de son dernier enfant, des consignes strictes sont données au nouveau personnel. Le nouveau prince est choyé dès sa naissance, n’a le droit de lui donner à manger qu’une vieille servante dévouée. Sa chambre située au milieu du palais le met à l’abri de toute rencontre. Il a à sa disposition tout ce qu’il veut, sauf recevoir des enfants de son âge pour jouer ou manger de la viande avec os. C’est ainsi qu’on lui ramène chaque jour à manger après contrôle de tous ses plats préférés. Il mange beaucoup de viande mais ne sait pas ce que c’est un os, ni une coquille d’œuf. Au palais, vivait une veuve dont le mari mort prématurément, lui avait laissé un enfant du même âge que le petit prince. Le garçon qui passait son temps dehors s’était trouvé une passion. Il aimait par dessus tout le jeu qu’on appelle « thiqar » (sorte de pugilat où les pieds sont sollicités fortement). A force de s’entraîner matin et soir, le petit garçon devient imbattable. Comme il connaissait l’existence du petit prince qu’il n’avait jamais vu mais qui était né le même mois que lui, un jour il s’ouvre à sa mère et lui dit :-Mon vœu le plus cher c’est d’apprendre au fils du roi à jouer « thiqar », ainsi je deviendrai son ami et que rendrai jaloux tous ceux qui ne n’aiment pas, car ne pouvant pas me battre au jeu.La veuve qui ne pouvait rien refuser à son enfant lui dit quelle ferait le tout pour le tout pour exaucer son vœu. Comme elle était connue de toutes les servantes, elle sollicita de la servante en chef l’autorisation de voir le petit prince un instant. La permission accordée, elle s’approche du petit prince qu’elle trouve replet, joufflu et dodu. Elle s’étonne de son embonpoint et lui demande à brûle pourpoint.- Que manges-tu donc pour être aussi gros ?- Tout ce que je veux et de la viande sans os !- Ah ! C’est pour cela que tu es gros ! Les jeunes comme toi doivent manger de la viande avec os pour être forts et beaux !- On ne m’en donne jamais. Je ne sais pas ce que c’est un os, ni ce qu’est une coquille d’œuf !- Tu es bien malheureux, mon petit ! J’ai un garçon du même âge que toi, mais il est svelte et à « thiqar » personne ne le bat !- Qu’est ce que c’est « thiqar » ?- C’est un jeu de force et d’adresse que les jeunes jouent en se frappant des pieds.- Je n’en ai jamais joué. Je voudrais bien le pratiquer.- Ça se joue à plusieurs. Tu ne peux en jouer si tu restes tout seul ici !- Merci, j’ai compris.Ebranlé par les paroles de la veuve le petit prince n’avait plus qu’un seul désir sortir de sa chambre jouer avec des enfants de son âge et manger de la viande avec os à ses repas et des œufs avec leurs coquilles qu’il devra lui-même décortiquer. Le soir au dîner il exige de la servante dévouée de la viande avec un os dedans. Elle passe outre l’interdiction de l’ag’ellid’ (roi) et lui sert un gigot d’agneau avec un bel os au milieu. Le petit prince prend plaisir à grignoter de ses dents la viande accrochée à l’os. Il éprouve du plaisir. Après avoir fini son repas, il prend l’os, le tourne et le retourne. Pour voir s’il se casse ou pas, il le lance de toutes ses forces contre une vitre peinte pour ne rien laisser voir du dehors. Le carreau vole en éclats, la lumière rentre. Il est ébloui. Il passe son cou à travers la vitre brisée, et ce qu’il voit, le laisse pantois. Le paysage était très beau. Des gens vont et viennent. Des enfants jouent. Il serre les poings de dépit. Cela fait quinze ans qu’il est là, et ne connaît rien de la vie. Ayant découvert du haut des choses qu’il n’a jamais vues il exige de ses parents à le laisser sortir pour s’amuser sinon il allait se suicider. L’ag’ellid’ qui ne voulait en fait que le prémunir de tous les dangers, cède à ses menaces. Il le laisse sortir de sa tour d’ivoire. Le jeune prince chercha après le fils de la veuve et exige de lui qu’il lui apprenne « thiqar » pour qu’il devienne aussi adroit que lui. Après un entraînement de plusieurs jours le jeune prince bat tout le monde au jeu à l’exception de son entraîneur, mais même ce dernier est vaincu par la suite. Le jeune prince pas reconnaissant du tout, infatué de sa personne gagne tous les jours au jeu de « thiqar ». Pour « récompenser » le fils de la veuve il lui donne une gifle retentissante. Le jeune garçon veut lui donner une leçon, mais il est plus fort que lui. La taille impressionnante du jeu prince n’arrange rien. Personne ne peut le battre au combat, même s’ils se mettent à plusieurs.

Benrejdal Lounes (A suivre)

Partager