Gogol : digne représentant du réalisme russe

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Aborder la littérature russe est une entreprise sans limite, ce pays géant qui a donné Youri Gagarine, le premier homme dans l’espace, se targue d’avoir aussi enfanté des dizaines d’hommes de lettres, qui ont su imposer la littérature russe au niveau universel.Nul ne peut parler de grands écrivains sans citer un nom russe. Et ne peut pas parler de grands du théâtre sans citer Gogol. Il reste à l’instar de Samuel Beckett, de Molière et de Brecht illustre dramaturge, dont les œuvres sont adaptées et jouées à travers les quatre coins du globe. En plus de pièces de théâtre célèbres, Gogol est l’auteur des grands chefs-d’œuvres dans les autres genres littéraires, comme le roman et les nouvelles.Gogol ne met pas de gants pour fustiger certains vices qui ont émaillé et gangréné la Russie du XIXe siècle, dont il a été témoin. Ainsi, dans Le Revigor, une de ses pièces les plus célèbres et les plus poignantes, il dicte et conte les aventures d’un godelureau qui, par inadvertance se prend pour l’inspecteur général de l’administration provinciale et prend pour cible les vices et les agissements de la bureaucratie du pays d’Alexandre le Grand, où les pots-de-vin et la rodomontade sont de rigueur. Sans cette pièce de cinq actes qui déclenche la polémique après sa création, il peint les notables qui cherchent par tous les moyens, à séduire le faux Revigor qui se prend au jeu, et à “réparer leurs péchés”, en particulier le gouverneur et sa famille, qui finiront par se prendre au piège. Gogol montre ce que le mensonge construit de “châteaux”, pour détruire toute nation.Gogol est considéré comme le digne représentant du réalisme russe, ou comme l’initiateur de “l’école naturelle”. Il réussit à peindre et décrire les vices qui hantent tout individu, avec une profusion de détails burlesques, triviaux et concrets, en dépit de la complexité de l’œuvre parfois.Nikolaï Vassilievitch Gogol est né en 1809 à Sorotchintsy, dans la province de Poltava, d’une famille de campagnards moyenne. Orphelin de père à l’âge de seize ans, il ne peut se détacher de sa mère, dévote et pieuse. Le petit Nikolaï ne fait à l’école qu’un passage bref et médiocre, puis épris de rêves de gloire, il monta à Petersbourg, où la difficulté de la vie et la quasi impossibilité de trouver un job le dissuadera, aussitôt arrivé. En plus de la cherté de la ville, il aura une autre déception de taille, l’échec de sa première publication intitulée Hans Künchelgarten, une idylle en vers publiée en 1828, puis brûlée en secret après un nombre insignifiant d’exemplaires vendus.L’Allemagne fut la première destination de Gogol, après sa décision de quitter la Russie. Mais tout comme sa scolarité, son exil n’a pas duré puisqu’il revint à Saint Petersbourg, où il obtint un emploi dans un institut pour jeunes filles d’officiers nobles. En 1831, il publia Les soirées du hameau près de Dikarka, qui lui fit goûter le plaisir de la renommée, auprès d’un public qu’enchantaient ces histoires de campagnards ukrainiens. La spontanéité de ces personnages qui ne sont plus imaginés, mais tirés de la réalité de cette race ukrainienne, a séduit également son ami et conseiller Pouchkine. En 1836, Gogol acheva le cycle ukrainien avec une œuvre célèbre qui décrit la lutte héroïque des Cosaques ukrainiens contre les Polonais, en l’occurrence Mirgorod, l’œuvre en deux volume, où figure aussi Taras Boulba. Cette œuvre monumentale, de par son optimisme hors du commun, suscita un engouement sans précédent auprès du public.La même année, il publie Récits de Petersbourg, un recueil de nouvelles, où il passe du réalisme au fantastique, à travers des personnages hors du commun, à l’image de Poprichtine dans Le journal d’un fou, qui se résolut à tendre l’oreille pour écouter la conversation de deux chiens, après son amour impossible voué à la fille de son supérieur. Dans “Le nez” il pousse, l’imagination de l’insolite le plus loin possible, il décrit un barbier qui découvre un nez dans un petit pain, qu’il se prépare à manger, il tente alors vainement de s’en débarrasser en le jetant dans la Neva. Non loin de là, le major Kovaliov s’aperçoit que son nez a disparu et malgré qu’il l’eu trouvé, il ne peut supporter le changement physionomique de son visage.Ainsi, la littérature russe doit l’invention du fantastique à Gogol, où il manie le réalisme et le fantastique. Il inscrit le fantastique au cœur du réel, dont il ébranle la cohérence sans le réduire à néant.La vie de Gogol se voit par la suite partagée entre l’exil de temps en temps quand la tension monte en raison de l’indignation causée par son œuvre, et son amour pour Saint Pétersbourg. La nouvelle de la mort de son ami et conseiller Pouchkine, contribua à lui faire haïr la vie en y voyant sa propre mort. Il déclare à ce sujet : “Mon âme se meurt d’épouvante au seul pressentiment de la majesté de l’au-delà”. Gogol continue à être incompris jusque dans ses succès, et est partagé entre les sarcasmes des uns, qui le qualifient de “curé du village”, ou des autres, de “Tartuffe Vassilievitch”, à l’image de Bidienski. Il mourut à Moscou le 20 février 1852, après avoir prononcé : “l’échelle, vite… l’échelle. !”Les principales œuvres de Gogol sont : Mirgorod (1835), Tarass Boulba (1835), Le Manteau (1841), Le Revigor (1836), Les âmes mortes (1842), Les veillées du hameau près de Dikanka (1831).

Salem Amrane

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