Qui connaît Bahia Farah ?

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La plupart des jeunes d’aujourd’hui, si ce n’est pas la totalité, ne connaissent pas Bahia Farah et son double combat d’héroïne qui s’est sacrifiée pour l’émancipation de la femme par le biais de la chanson et pour l’Indépendance du pays en participant à la guerre de libération nationale.

Elle n’est pas seulement une pionnière de la chanson kabyle mais aussi une Moudjahida de la première heure, qui a fait sept ans de guerre de libération nationale, selon Kamel Hamadi. Elle était la responsable des femmes qui collectaient l’argent pour le FLN en France. Elle a même mis son orchestre à la disposition des chanteurs qui animaient des galas pour sensibiliser les algériens à adhérer à la révolution. De son vrai nom : Bounouar Fatima Zohra, Bahia Farah est née en 1917 à Bouira, en kabylie. Très jeune, elle fut orpheline. Elle a été prise en charge par son oncle qui l’emmena en Tunisie où elle a suivi des cours de danse dans un centre de formation artistique. Très douée et passionnée de la danse, ses proches l’avaient encouragé à persévérer. Partie à l’âge de 14 ans en France, elle s’est établie à Paris. C’est dans cette ville lumière qu’elle a posé ses premiers jalons en rencontrant le grand compositeur et interprète tunisien, Mohamed El Djamoussi, qui a décelé en elle une graine de star. En dépit de son jeune âge, il l’a intégrée dans sa troupe artistique maghrébine. En 1937, elle rencontre Mohamed Temmam, étudiant à l’époque à l’école supérieure des arts décoratifs. Les deux artistes se marieront. Son mari n’était pas seulement un génie de la miniature mais aussi un musicien au talent avéré qui savait jouer du violon et du banjo. Les deux époux se complètent quand Bahia intégrera son époux comme musicien dans l’orchestre qu’elle dirigeait. En 1949, sur demande de la maison Pathé marconi, elle enregistre 6 disques, 78 tours dont « Ya omri lik » (mon âme est à toi), « Rayeh maâdoum » (le partant est absent), et « Yalli quelaqtou » (Celui que j’ai irrité). Quand la guerre d’Algérie éclate, le FLN fait appel à Bahia Farah pour sensibiliser la communauté algérienne émigrée à la cause nationale. Elle faisait avec son mari des tournées dans les milieux de l’émigration. De persévérance en persévérance, elle créait, en 1957, son propre orchestre composé de 24 musiciens qu’elle dirigeait de mains de maître. Un orchestre qui travaillait étroitement avec la troupe du FLN où se retrouvent les chanteurs algériens. En 1959, elle fait la connaissance de Slimane Azem, avec qui, elle a chanté en duo deux chansons en kabyle à grands succès : « Kem aouk dhnek » (Toi et moi) et « Atass issevragh » (J’ai trop attendu). À l’Indépendance, elle rentre au pays. Et en 1965, elle interprète une chanson signalant son retour définitif en Algérie dans « Thefouk el ghorba thefouk » (L’exil est terminé bien terminé). Deux ans plus tard, elle fait ses adieux à la radio nationale où elle animait une émission.  Ce qui est regrettable, cette grande Dame qui a propulsé la chanson algérienne au niveau internationale et Moudjahida de la première heure, est morte dans l’indifférence à l’âge de 68 ans. En 2009, la direction de la Culture de Bouira lui a rendu un hommage par un colloque de trois jours sur sa vie. La RTA n’aurait sauvegardé que 22 chansons sur les 50 qu’elle a enregistrées.          

L. Beddar.

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