Rachid Bentranti, dans l’esprit des anciens artisans d’Ath Abla

Partager

«Je ne veux pas qu’on m’aime si l’on aime pas ce que je fais», s’explique-t-il. Lui et l’art, ça fait un regard clos, sans geste. Ou dirait qu’il a sans cesse la phobie de quitter «son» monde. Son univers à lui, c’est la sculpture. Quelle souffrance agite donc ce jeune artiste de 29 ans ? Nous nous sommes rendus chez lui à Ahdhoun (nom qui signifie en kabyle «Bassin de décantation» et fabrication de l’huile), le nom de son quartier à Ighil Ali. Sa maison isolée et jouxtant un champ compacte d’oliviers renseigne clairement sur l’univers solitaire et voluptueux de cet artiste qui, visiblement, a beaucoup de foi en soi-même. Instinctivement, sans prologue, il se met parler frénétiquement sculpture et peinture. Son sujet favori, sa passion. Ayant à l’instar de son idole, le célèbre peintre néerlandais Vincent Van Gogh dont la vie tourmentée a pris une fin tragique, connu des moments de déboires existentielles qui ont failli le pousser à commettre l’irréparable, Rachid finit par se réveiller à la vie. Une sorte de deuxième naissance. Une nouvelle vie, meilleure. C’est vers la fin des années 80 que Rachid Bentranti, originaire du village Tazla, qui était alors élève au collège que son histoire d’amour avec l’art a commencé. Il dessine partout. Surtout sur les tables des classes à l’aide d’un compas ! Des dessins qui subjuguent ses camarades de classe, notamment… les filles, qui l’encouragent à aller de l’avant. Rachid, adolescent, la tête dans les nuages, n’arrête pas de dessiner. “Je n’étais pas brillant dans mes études, j’étouffais à l’école, je n’avais qu’une seule envie à l’époque : devenir artiste-peintre”, avoue-t-il. Tout compte fait, le dessin n’était pour lui qu’un début pour découvrir un monde qui va plus que jamais le fasciner : la sculpture. “J’ai l’impression que la sculpture je suis né avec ; notre région, Ath Abbas, et tout particulièrement les anciens artisans du village Tabouanant, connus pour leur Tawwurt n At âbla (La porte d’Ath Abla), un chef-d’œuvre et une fierté de la sculpture kabyle ; reprendre ce métier, c’est pour moi une sorte de manifestation atavique”, explique-t-il. Il enchaîne : “Si on me donne les moyens, je souhaite réhabiliter cette porte symbole de notre culture”. A présent, Rachid consacre ses journées exclusivement à travailler et à sculpter. C’est franchement beau, la vie d’artiste.

K. Kherbouche

Partager