Bouguermouh ou l’amour exilé

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Ce film de 52 minutes, qui a été présenté avant-hier, en avant-première, dans la salle de spectacles de la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, est d’une dureté singulière. 

Dès les premières images,  il étreint le spectateur et ne le lâche plus. Le réalisateur du documentaire, en l’occurrence Ali Mouzaoui, avait, d’ailleurs, averti son auditoire : « le film est poignant, dur, parce qu’il ne s’est encombré d’aucun scrupule esthétique ou autre », avait-il dit. Le film relate la vie  et l’œuvre  d’Abderahmane Bouguermouh, avec, en effet, une sincérité bouleversante. Il est porté par des passages très forts de ‘’Anzaa’’, son unique roman autobiographique, et par des extraits de certaines de ses fictions, telle ‘’Les oiseaux de l’été’’, ‘’Kahla ou beida’’, ‘’La colline oubliée’’, mais également par certaines de ses interrogations et réflexions. « Comment peut-on se dire réalisateur avec un seul film ? C’est une usurpation », disait en effet Bouguermouh, la voix fatiguée, les épaules fléchis et la barbe hirsute par tant d’épreuves, tant de douleurs, tant de reniements. Mais il reste l’amour-tabou dans une société qui ne sait aimer qu’en cachette. Il évoquait aussi Malek Haddad et leur rencontre avec Taos Amrouche et sa mère Fadhma Ath Mansour Amrouche à Paris et le bonheur qu’elle ressentait lorsque Malek et Abderahmane lui parlaient en Kabyle. Tragique le parcours d’un artiste de haut vol qui, au crépuscule de sa vie, s’est retrouvé pratiquement seul à affronter la maladie et de surcroît, reclus dans sa maison d’Ighzer Amokrane, ne sachant plus aimer ni les plantes, ni les fleurs des champs, ne les roses, ni les arbres. Il écoutait le silence en chantonnant. Ces images que nous a offertes Ali Mouzaoui sont celles d’un homme au dramatique destin, tiraillé entre ses souvenirs rarement heureux, de son petit frère Malek, homme de théâtre mort dans un accident de voiture, et l’autre Malek, auteur de ‘’Le quai aux fleurs ne répond plus’’, ‘’Je t’offrirai une gazelle’’ et ‘’Les zéros ne tournent plus en rond’’, qui s’est éteint dans ses bras. Abderahmane quant à lui, on l’a vu marcher péniblement pour aller boire l’eau d’Aïn El-Fouara et suivre son périple pour entrapercevoir la maison familiale qui a laissé place au béton. Et puis vint le moment où il devait se reposer. Là il demanda à Mouzaoui de le laisser dormir pour rejoindre l’armada ancestrale et il a fut exaucé. Dans la salle, on entendit des spectateurs étouffer des sanglots et on en vit d’autres essuyer une larme. Mais ces derniers avaient n’est-ce pas été avertis avant la projection, ils savaient que ça allait être dur et ce le fut. Merci Ali Mouzaoui pour ‘’Mon ami, mon double’’. Des œuvres comme celles dont tu nous a gratifiés on en redemande, et plus encore.                

 

 Sadek A.H

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