L’air du temps

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S’il subsistait le moindre doute à la formule balzacienne affirmant que  » le style, c’est l’homme « , le dernier livre de Arezki Metref  » Kabylie Story  » évacuerait toute hésitation, tant on retrouve incrustées en chaque ligne, et la verve et l’humanité de l’homme. Il s’agit d’une série de reportages publiés il y a quelques mois par  » le Soir d’Algérie  » et cette teneur de l’écriture dans l’urgence et des impératifs du bouclage, bien sûr au quotidien, sous-tend chaque chapitre, chaque mot de l’œuvre, lui ajoutant une charge de spontanéité maîtrisée où la rigueur en écriture ne cède aucune parcelle du respect du lecteur à la tentation de la désinvolture journalistique en vogue de nos jours. En une douzaine d’escales, autant humaines que territoriales, Metref pose une invite où les phrases vous prennent par le cœur et le regard là où un guide classique vous aurait pris par la main. Comme à son habitude, en tant que journaliste et écrivain, l’auteur a laissé aux vestiaires l’emphase et la recherche à tout prix de la figure de style, la fâcheuse propension à délivrer des formules prêtes à porter et l’attitude trop couramment affichée de distributeurs automatiques de prechi-precha. En lieu et place de ces maladies infantiles de notre presse, Arezki Metref propose en prolongement de son humilité, une approche vivante de la Kabylie, et ce n’est pas un hasard si le qualifiant le plus régulièrement usité par l’auteur parlant de l’œuvre, est celui de « l’air du temps « . Cette nouvelle météo de l’espace kabyle élague les brises de la complaisance autant que les tempêtes du verdict péremptoire, au profit d’un défrichage progressif ou d’un saupoudrage de jalons qui permettront au lecteur de se délester de tous ses préjugés sur la région pour passer à son abordage de l’intérieur, par le vécu et par l’inévitable dimension sociopolitique, à cette précision près que ce volet est restitué à travers le prisme humain et non politicien. On va, au fil des pages, à la rencontre de villages, de chemins bitumés ou historiques, de personnages hauts en couleur ou devenus tels par la seule grâce d’une palette descriptive pourvue d’un fonds inépuisable de tons métaphoriques, d’évènements actuels ou passés revisités par la perspicacité de la distance analytique et du recul poétique propres à un intellectuel qui conçoit et vit le devoir de témoigner comme une vocation, une foi, un sacerdoce. Au cours de ces rencontres, se côtoient, se croisent et mènent des relations plus ou moins pacifiques le tenancier de gargote et le chanteur, la femme et le délégué du mouvement citoyen, le jeune et  » l’amusnaw « , dans des floralies de trajectoires humaines qui se déclinent au détour de chaque page. Enfin, quitte à faire entorse à la viscérale aversion de Metref à l’endroit des donneurs de leçons, il est permis de constater sans risque d’erreur, qu’à travers chaque unité rédactionnelle de Kabylie Story, il donne une leçon permanente sur la lettre et l’esprit du reportage. Par son propos et sa configuration autant que par le style de l’auteur qui lui confèrent une lecture facile et commode, ce livre est le parfait livre de chevet, au chevet de bien des certitudes.

Nadjib Stambouli

Kabylie Story de Arezki MetrefEdition Casbah-Le Soir d’Agérie

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