Le chacal et la nichée d’oisillons

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(Suite et fin)

Après lui avoir donné ses conseils, le renard s’éloigne du lieu. Quelques instants plus tard, le chacal se pointe de nouveau pour la septième fois. D’un ton péremptoire, il ordonne à l’alouette de lui jeter le dernier de ses petits, sinon il va grimper et la dévorer elle aussi. Contre toute attente, l’alouette lui dit : «-Ali-d ma thevghidh ad alidh.»- Grimpe, si tu veux grimper, mais c’est fini, tu n’auras pas mon petit !- Qu’est ce que tu dis, espèce de déplumée ?- Tu n’auras pas mon petit, ni moi d’ailleurs maudit !- Tu as tort de me refuser. Prépare toi à mourir, je vais monter !Le chacal essaye de gravir la falaise pour atteindre le nid, mais ne réussit qu’à faire tomber un éboulis sur lui. Non décontenancé il emploie un autre stratagème, il dit à l’alouette qui le défie :«Ad vegsagh s ouagousG-ed’lèsAd aligh la h’ess la mess !»- Je vais te me confectionner une corde de diss (plante à longues tiges qu’on utilise pour faire des cordes asaghnouen meg isservah !) et je vais grimper sans bruit.- Je vais te dévorer, toi et ton petit !- Vas y, grimpe, je ne te crains plus.Le chacal essaye de grimper. La corde tressée casse et il tombe comme une masse. Croyant venir à bout de la résistance de l’alouette, rien qu’en la menaçant, il lui renouvelle ses menaces en lui disant :«Ad vegsagh s-ouvarouaqAd aligh am levraq !»-Je vais me confectionner une corde d’asphodèles (avarouaq) et je vais monter en l’air, à la vitesse de l’éclair !-Vas y, grimpe, maudit, tu ne m’impressionnes guère, c’est fini !Le chacal tresse une corde avec des feuilles d’asphodèle, et tente de grimper. La corde ne supportant pas son poids se brise. Il tombe comme une souche et s’étale de tout son long au bas de la falaise. Ne pouvant parvenir à ses fins, il détale et s’en va rechercher de quoi se confectionner une corde plus solide pour pouvoir grimper. L’alouette le regarde partir, mais elle sait qu’il va revenir. En attendant son retour, qui lui sera peut-être fatal, elle regarde avec amour son dernier petit. Ne pouvant se retenir, elle se met à pleurer. C’est à ce moment qu’un aigle vient à passer. Fatigué, il se pose sur l’abrisseau où se trouve le nid de l’alouette. Etonné de la voir pleurer il lui dit :«Achou ikem youghen a thaqouvaâthAchou ghar akka imet’t’i ?»- Que t’arrive-t-il dame alouette pourquoi pleures-tu ainsi ?- Ats rough af saâd iou iâoujen«araou iou aok metchen !iqim iyi-d ala yiouen ivgha ayi-th ieth ouchen»- Je pleure sur mon sort funesteTous mes petits ont été dévorésIl ne me reste plus que le petit dernierLe chacal veut le manger !- Cesse de pleurer mon amie !- J’aimerai bien si je le pouvais, mais je sais qu’il va encore revenir, et il va finir par dévorer mon petit, et moi aussi !- Occupe-toi de ton petit. Désormais c’est une affaire entre lui est moi. Tu n’as plus rien à craindre de lui à partir d’aujourd’hui. Pour lui montrer qu’il dit vrai, il prend son envol et se met aussitôt à la recherche du chacal amateur d’oisillons au nid. Il ne tarde pas à le trouver, avec sur le dos une corde. Il fond sur lui, le saisit dans ses serres et le fait monter dans les airs.Arrivé au contact de la première couche de nuages, l’aigle lui dit :«Amek’ itsuvan ig’enni a Si Mh’amed’ ?»- Quelle et la couleur du ciel Si Mh’amed’ ?- D’amellal ay ig’id’er !- Elle est blanche ô aigle !- C’est la couleur des pauvres agneaux que tu as dévorés !L’aigle tournoie quelques instants, s’élève encore un peu plus et demande de nouveau au chacal, la couleur du ciel.«- I thikelt agiAmek its van ig’enni»- Et cette fois-ci, quelle est la couleur du ciel ?- D’averk’an ay ig’id’er !- Elle est noire ô aigle !C’est la couleur, des pauvres chevreaux que tu as dévores !L’aigle monte un peu plus haut, le chacal tremble comme une feuille.«- I thoura amek’ itsvan ig’enni ?- Et maintenant qu’elle est la couleur du ciel ?- Tsazougaghthe ay ig’id’er !»- Elle est rougeâtre ô aigle !- C’est la couleur des pauvres oisillons que tu as dévorés !- Pour mettre un terme à tes agissements néfastes, je vais te jeter du haut du ciel et advienne que pourra !L’aigle libère le chacal de ses serres et le laisse choir. Se sachant à deux doigts de la mort, le chacal eu une idée géniale. Pour essayer de sauver sa peau, il appelle à son secours Sidi Abdelkader Djilani (Saint vénéré)«- A sid’i Abdelkader Djilani K’etch ig lan d’elouali f-outhemou megh d’i themd’a seghliyi»- ô Abdelkader Djilani saint vénéré, faites que je tombe dans une meule de foin ou une mare !Le hasard fait que le chacal tombe au milieu d’une mare pleine d’eau. Ne sachant pas nager, sur le point de se noyer, il s’adresse de nouveau à Sidi Abelkader Djilani et lui dit : «A sidi Abdelkader Djilani mayla selk agh thikelt agi f-ouz’ouka-k’ ad’ sedqagh louaâda amoud n naâma !»- Ô sidi Abelkader Djilani si tu me sauves cette fois-ci, je ferai sur ta tombe une offrande, une mesure de céréales, foi de chacal !Comme si le saint l’avait entendu, le chacal arrive à grande peine à se hisser hors de l’eau. Une fois sur la terre ferme, il s’adresse de nouveau à Abdelkader Djilani et lui dit : «A sidi Abdelkader Djilani kel khagh-k a sidi elouali louaâda ik’ qmagh lina our-k’ tskhedmagh ara !»- Ô sidi Abdelkader Djilani je t’ai trompé saint vénéré. L’offrande que je t’ai promise tout à l’heure tu ne verras pas sa couleur !S’étant sorti à si bon compte de toutes les mauvaises passes, le chacal quitte l’endroit et rejoint sa tanière dans la forêt. En attendant de nouvelles péripéties.

Benredjdal Lounès

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