Oued Soummam à l’agonie

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Le tableau édénique brossé jadis de la vallée de la Soummam n’est plus qu’un lointain souvenir.

Et pour cause, le cours d’eau qui faisait le charme de toute la vallée agonise lentement et sûrement. Le mot Soummam vient du mot kabyle «Asemmem», qui signifie acide. Cette acidité est à l’origine du tamaris, un arbuste poussant le long des fleuves, dont les feuilles une fois tombées donnent aux eaux du fleuve ce léger goût amer. Les ressources naturelles en eau de la région, déjà fortement mises à contribution bien avant le développement que connaît le secteur industriel à travers des zones d’activités implantées à proximité du lit de la Soummam, n’ont cessé de s’amenuiser. Et cet appauvrissement est désormais encore plus rapide sous l’effet de l’accroissement de la demande, provoqué par l’expansion des villes et des agglomérations. En outre, les cours d’eau, où sont déversées d’énormes quantités d’eaux usées, ont déjà dans bien des cas, dépassé le «seuil d’irréversibilité», c’est à dire le degré de pollution au-delà duquel le processus naturel d’autoépuration ne suffit plus. Ce qui a mis, depuis longtemps déjà en péril la situation primitive d’équilibre, seule garantie de la permanence de ces ressources. Les agressions que subit le fleuve Soummam sont légion. Les villages greffés tout le long des contreforts de chaînes montagneuses, ainsi que les villes juxtaposant le cours ne cessent de déverser, quotidiennement, leurs eaux usées dans les différents affluents qui l’alimentent. Diverses sablières participent sans vergogne à cette catastrophe écologique en mettant à nu le ventre du fleuve. Ceci au vu et au su des autorités locales. Le crime est commis à coups d’excavation effrénée de sable, dans le seul objectif est le gain. En saison d’étiages, ledit fleuve est réduit à un mince filet d’eau saumâtre. Au rythme où vont les choses, ce fleuve est voué à la disparition, au grand dam des riverains, impuissants devant l’ampleur des dégâts. Autrefois, l’eau cristalline de la Soummam faisait le bonheur de toute une région. A présent, l’utilisation de cette eau devenue impropre réserve un sort funeste à la santé des riverains. Idem pour son utilisation à des fins d’irrigation ou plus fréquemment pour l’élevage de bétail. Le fond de ce fleuve, intimement lié à l’histoire de la région, est devenu le réceptacle de toutes sortes de débris et gravats. Un autre facteur de pollution est à ne pas négliger. Ce sont les différentes usines qui abreuvent son lit de toutes sortes de déchets. Par ailleurs, et à la sortie de la ville de Sidi-Aïch, au lieudit Chett, une décharge publique implantée aux abords de la route RN 26 cause elle aussi d’énormes désagréments aux riverains, aux usagers de cette route et à l’environnement. Une fumée noire et nauséabonde agresse les narines et les yeux. Chaque jour, une noria de camions poubelles déverse des tonnes de déchets dans ladite décharge. Et comme l’écologie ne semble pas être au programme des autorités locales, des monticules de détritus sont refoulés directement dans le lit du cours de la Soummam.

Le cœur de Dame nature est agressé à coups de poignard !

En outre, les polluants se présentent sous une forme toujours plus difficile à combattre, essentiellement due au fait que, de nos jours, les techniciens de l’industrie mettent en usage des composés chimiques nouveaux, toujours plus complexes et plus agressifs. Et les autorités responsables de la santé publique ne font face qu’aux tâches pressantes chaque fois qu’il s’agit d’utiliser des eaux ainsi polluées pour répondre aux besoins croissants de la consommation domestique. Ces difficultés nouvelles en se greffant sur les problèmes déjà connus d’économie des eaux n’ont fait qu’aggraver la situation. L’on entend par pollution toute modification des propriétés physiques, chimiques, ou biologiques d’une étendue d’eau quelconque. C’est également tout rejet de substances liquides, gazeuses ou solides dans cette étendue d’eau. Et la combinaison des deux crée une nuisance et rend l’eau dangereuse, quel que soit l’usage qu’on en fait. Que celui-ci soit domestique, commerciales, agricoles ou industriel, il met en péril la santé et la vie des personnes, de la faune et de la flore. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), de concert avec d’autres institutions internationales, n’a de cesse d’organiser ou de patronner un nombre très élevé d’enquêtes, d’études et de réunions dans l’intention d’inciter les différents États à poursuivre ou à entreprendre l’exécution de programmes nationaux de lutte contre la pollution des eaux. Mais le constat reste le même partout. Les hommes considèrent que la plus précieuse des ressources naturelles, l’eau, est à leur entière disposition et, dans leur ardeur à constituer et à développer leurs collectivités et leurs industries, ils vont jusqu’à tolérer qu’elle soit polluée, dilapidée. Tôt ou tard, cette façon de faire nuira à toute la planète. La nuisance a même déjà commencé depuis longtemps. Le développement effréné débridé et irraisonné entraine une destruction de la vie sur terre et dans la mer. La santé publique, l’agriculture, la pêche et tous les secteurs en pâtissent. Les autorités sanitaires, les exploitants et les industriels commencent à peine à prendre conscience des préjudices irréversibles de cette terrible conception du développement de la société. Bon nombre de populations locales sont déjà nostalgiques des années où les eaux des cours d’eaux, dont le fleuve Soummam, étaient limpides et ruisselaient en longueur d’année, même en saison d’étiage. Aujourd’hui, le décor n’est plus le même. Il suffit de longer ce fleuve exhalant des miasmes pestilentiels répugnants pour avoir mal au cœur, au propre comme au figuré. Le fleuve, à l’instar de beaucoup d’autres, n’est plus qu’un gigantesque égout à ciel ouvert. Des mesures très urgentes doivent être prises, afin de remédier à la situation, tant que ceci est encore possible. Un très grand danger guettant notre rivière la Soummam. Il faut à tout prix protéger ce cours d’eau, car il y va de l’avenir de toute une région et plus encore. La société civile est également appelée à s’impliquer dans cette ultime tentative de survie. L’incivisme et le non-respect de l’écosystème n’ont que trop duré. Il est temps d’essayer de se rattraper.

Bachir Djaider

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