Une journée d’étude sur un thème d’actualité, à savoir : «De la violence au pacifisme, entre transformation et transition», a été organisée la semaine dernière par des psychologues au niveau de la bibliothèque principale de Bouira.
Le débat a été l’occasion d’aborder les différents aspects de la violence, du pacifisme mais aussi de la transition entre ces deux facteurs. Pour Mme Ould Mohand Lamia, psychologue clinicienne, docteur en psychologie et présidente l’association «Savoir et bien-être» des psychologues de la wilaya de Bouira, le thème a été choisi depuis plusieurs semaines suite au mouvement populaire apparu en date du 22 février dernier.
«Nous avons pensé de contribuer en proposant ce thème qui coïncide avec les événements que connait notre pays.» Dr Boudarene, médecin psychiatre dira : «Au début, j’avais envie d’aborder ce thème avec l’aspect «Violence et droits de l’homme» mais je me suis rétracté en me disant que ce n’était peut-être pas le bon endroit et j’ai choisi de vous parler de la violence et du traumatisme psychique.» C’est ainsi que l’orateur s’attellera à expliquer les chocs traumatiques engendrés par la violence et l’agression « lorsqu’elle est unique, intense, de brève durée, hors du commun mettant le sujet dans une situation d’effroi comme c’est le cas lors d’accident de circulation ou de prise d’otage».
La rencontre avec la mort est également une des facettes abordée par le docteur Boudarene qui dira que l’individu ayant frôlé la mort peut être affecté par un stress aigu. Un stress aigu qui peut également engendrer des psychoses ou encore la perte du sens de la réalité. «Qu’est ce que la violence ? Si on doit définir la violence, il faut savoir que ce n’est pas un concept facile à définir ni encore à cerner.
Sa définition est un caractère de ce qui se manifeste de manière intense et brutale voir extrême. L’expression miroir de la violence désigne l’agression soit physique soit psychologique », expliquera le psychiatre. Le médecin détaillera ensuite les angles d’approches de la violence avec la sociologie, la psychologie, l’éthologie, la biologie, l’anthropologie, la politique et le religieux, le juridique et la psychiatrie. Il abordera les facteurs de prédiction de la violence sous ses différentes facettes avant de démontrer que le sentiment de contrôle dépend essentiellement de la personnalité.
Le Docteur Mekiri Karim, lors de son intervention, s’est posé la question de savoir comment un être humain peut devenir violent et comme il peut devenir pacifique. « C’est la question qui se pose et si on arrive à répondre à cette question, nous aurons peut-être une idée pour pouvoir gérer ce qui se passe actuellement. Quels sont les outils qui peuvent permettre à un être humain de garder son pacifisme en sachant qu’à n’importe quel moment ça peut basculer. La violence est en nous, elle guette en cherchant des voies pour sortir.
En ce qui nous concerne pour le moment c’est bon que ça tienne le cap du pacifisme, mais nous ignorons à quel moment cela peut perdre le contrôle sur nos émotions et sur nos pulsions. Je ne me permettrais pas de faire une analyse sauvage de la situation, car je demeure avant tout un homme de sciences et je m’y réfère. Je garde mes marques scientifiques et je n’accepte pas de me fondre dans l’analyse groupale’’ indiquera le docteur Mekiri.
L’orateur fera dans son exposé le descriptif d’un corpus avec un plan théorique à partir duquel il interprétera la situation. Il abordera la violence, sa nature, ses origines et son destin pour comprendre comment elle se présente actuellement : « C’est une fois qu’on comprend comment la violence se présente aujourd’hui que l’on pourra comprendre et cerner son devenir. Nous pourrons également empêcher de voir cette violence s’emparer des rues à travers ces jeunes qui sont en proie à cette violence.
«C’est en se référant à la théorie psychanalytique qu’il révélera que la violence dans la société algérienne est intrinsèquement liée à la violence universelle : «la violence existe partout, pas uniquement chez l’humain mais partout où il y a la vie. Toutefois, chaque société a une manière de l’exprimer. La culture est un moyen de canaliser cette violence et peut différer d’une culture à une autre. Les outils qui se présentent dans une culture sont plus probants que d’autres dans des cultures différentes.
Il y a des sociétés qui ont essayé de contenir cette violence, d’autres non. Des sociétés où la créativité est permise avec l’intellect, la pensée, l’art, le théâtre. EN canalisant ainsi cette violence, on peut la sublimer. Par contre dans des sociétés où la créativité est absente, la violence n’a qu’un seul moyen : c’est de se donner à voir d’une manière brutale dans la société. » Pour l’orateur, la société algérienne n’était pourtant pas prédisposée à devenir pacifique du jour au lendemain : «Il ne faut pas se leurrer, ce pacifisme est peut être momentané et jusqu’à présent, on tient le coup, mais il faut faire preuve de prudence. Inutile de dramatiser, mais inutile également d’être laxiste en même temps.
Actuellement tous le monde dit que nous sommes les meilleurs, les plus pacifiques mais il faut toujours garder un peu une certaine réticence par rapport à ce genre de propos et rester sages et prudents. Nous devons connaître quels sont les outils qui ont permis jusqu’à présent de garder ce pacifisme afin de les développer davantage. Comme il faut identifier les outils qui font apparaître la violence d’une manière brutale et les bannir de notre société. Il ne faut pas se plonger dans cette euphorie et dire voila, ça y est, tout va bien car ceci n’est pas l’avis d’un scientifique», expliquera le docteur Mekiri. Au terme de leurs interventions, les présents ont pu questionner de manière pertinente les conférenciers en enrichissant ainsi les débats et en approfondissant également certains aspects liés au fossé existant entre la violence et le pacifisme, notamment avec la transformation et la transition entre ces deux manifestations.
Hafidh Bessaoudi