En quête d’un nouveau contrat social

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A travers les élections législatives qui emballent, depuis quelques semaines, partis et administration, est-on fondé à croire que l’Algérie couverait une révolution politique qui la projetterait dans ce que certains appellent la « deuxième République » ? Ou serait-elle appelée à maintenir le statu quo, où même l’hypothèse islamiste, colportée ça et là serait diluée dans la pernicieuse et diabolique logique du système bâti sur le clientélisme rentier ? Pourtant, au vu des signes extérieurs – malaise social, émeutes,…etc- et de la logique interne à ce même système, les accès d’essoufflement ne font plus mystère. Peut-on, par la seule magie de l’aisance financière, se permettre des rallonges d’incertitudes et d’autres retards de modernisation politique que l’on risque de chèrement payer par la suite ? De ces grandes interrogations et d’autres préoccupations subséquentes, des segments majeurs du pouvoir politique actuel sont probablement conscients. Toute la difficulté est de savoir comment sortir de l’impasse politique et de la « prise d’otage » économique opérée par les barons de l’informel et de l’importation. Cette dernière situation a été officiellement reconnue en tant que telle à la télévision nationale par le Premier ministre, lui-même, au lendemain des émeutes de janvier 2011. Dans le « grenouillage » affectant une large partie du spectre politique algérien depuis quelques mois, le déficit de visibilité est nourri aussi bien par des acteurs versatiles et protéiformes des camps islamistes et conservateurs, que par une prégnante et pénalisante immobilisation qui grèvent les potentialités réelles du pays. Ces dernières ne bénéficient guère des organes et des ressources humaines censés en porter les nobles idéaux. Imparablement, entre les ahans et les tergiversations d’une lente et imprécise transition économique, d’une part, et l’opportunisme politique qui tarde à faire émerger une nouvelle classe qui travaillerait pour l’avenir démocratique du pays, d’autre part, une étrange similitude semble régner. C’est, il est vrai, une situation qui trouve son explication dans la profonde dialectique qui fait que le second – l’opportunisme politique – se nourrit nécessairement de ce que certains analystes ont qualifié de « non économie ». En effet, l’économie parallèle qui emploie presque deux millions de personnes dans le pays et qui a banalisé la concurrence déloyale, l’évasion fiscale et les risques pour la santé des citoyens, étend de plus en plus son hégémonie sur l’ensemble de l’appareil économique et met à mal les efforts, déployés dans un environnement hostile, par une poignée de capitaines d’industrie. Concomitamment, dans la sphère politique, hormis certains porteurs d’idées et de projets nouveaux pour la société le reste des formations tient de la « génération spontanée » où la spontanéité est, bien entendu, n’a pas droit de cité. L’inanité et le galimatias de certaines structures et formations légales, y compris l’ancienne alliance présidentielle et les différentes instances élues, ont laissé place, au cours des cinq dernières années, à une grande agitation périphérique qui alimente journellement les « éditorialistes potins » de la rue. C’est comme dans le cas de loi des sciences physiques qui régit la dynamique des gaz, les acteurs et les nébuleuses politiques informelles de tous bords tendent, par expansion infinie, à prendre tout l’espace qui leur est octroyé. Les groupes d’intérêts, les associations satellitaires (comme au temps des organisations de masse), les notabilités, tous ces fatras informels, ont joué souvent des rôles et disposé d’influences autrement plus étendues que certains appareils ou organisations officiels. L’administration publique, elle-même, à ses différents niveaux de responsabilité a été parfois neutralisée au profit de groupes ou lobbies qui évoluent sur les deux axes de l’économie et de la politique. Il n’est pas rare d’assister à des prises de décision dans la « clandestinité », lorsqu’il s’agit de gros intérêts liés à des marchés publics ou à une ascension politique « recommandée ».

Dans un contexte aussi peu rassurant, il faudrait sans doute être frappé d’une naïveté rédhibitoire pour penser que les règlements et les textes officiels, aussi généreux et aussi modernistes qu’ils puissent être, soient, à eux seuls, capables de redresser une situation de déliquescence avancée sur les plans économique, politique, social et culturel. Sept ans après la promulgation de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, votée par référendum en septembre 2005, et qui a bien balisé la voie de la réconciliation, l’on continue, dans de ténébreux cercles politiciens, à faire circuler l’idée d’une amnistie générale pour les terroristes. La rumeur est revenue encore cette semaine et l’on « jure » que le dossier est sur le bureau du Président de la République. N’a-t-on pas un cadeau, autrement plus noble, à offrir aux Algériens à l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance du pays et des élections législatives du 10 mai prochain ?

Amar Naït Messaoud

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