L'autre fondement de la bonne gouvernance

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Amar Naït Messaoud

Les inondations qu’a connues une grande partie du pays à la fin du mois de mai, les secousses sismiques qui se sont produites, à la même période, à Béjaïa (deux fois)  et dans d’autres villes du pays, le spectre de l’invasion acridienne qui s’est manifesté depuis le début du mois dans quelques wilayas du Sud, les réunions sur les maladies à transmission hydriques initiées par les exécutifs de wilaya au cours de ces derniers jours, et enfin, la préparation, depuis le 1er juin, de la campagne de lutte contre les incendies de forêts, donnent une certaine image de ce à quoi sont exposés les Algériens en matière de risques majeurs et de catastrophes. Ainsi, le nouveau mode de vie, avec le nouveau régime alimentaire qu’il induit, la position géologique des grandes agglomérations algériennes (situées dans des zones de failles et de télescopage de plaques tectoniques), les changements climatiques, n’ont pas manqué de montrer les dangers que les Algériens sont censés diagnostiquer et connaître, et qu’ils sont appelés à domestiquer. Notre pays est supposé être instruit par une kyrielle de « mésaventures » et de catastrophes vécues au cours des vingt dernières années. Les inondations de Bab El Oued, les séismes de Aïn Temouchent et de Boumerdès, outre les mini séismes qui avaient frappé Beni Maouche et Tamridjt au milieu des années 2000, les grands accidents sur des sites industriels, à l’image de celui de Skikda en 2004 qui a emporté une quarantaine d’ouvriers, sont, en principe des livres ouverts dans lesquels il importe de lire la faiblesse de l’homme par rapport aux déchaînements de la nature, les erreurs et négligences qui peuvent affecter nos équipements industriels et les leçons de vigilance, de prévention et d’organisation qu’il y a lieu de capitaliser. Notre pays a adopté en 2005, une législation pertinente relative aux catastrophes naturelles et aux risques majeurs, entrant dans le cadre du développement durable, conçue et élaborée par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Ce corpus législatif est censé servir et protéger la communauté tout entière dans l’ensemble des ses activités économiques, domestiques et industrielles. Elle tend aussi à réduire les coûts économiques liés aux dysfonctionnements et dérèglements des processus et dispositifs industriels, ainsi qu’à réduire les conséquences de pathologies pouvant affecter les populations, le bétail et la ressource botanique (arbres fruitiers, maraîchages, grandes cultures,…).  Une carte des risques majeurs et des catastrophes naturelles a été élaborée, avec une mise à jour régulière. Annoncée par l’ancien ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, en 2009, elle est mise à la disposition des administrations et techniciens dans le cadre des travaux d’infrastructures et équipements, de construction de logements,…etc. Ce support cartographique est censé faire connaître les zones du territoire national potentiellement exposées aux différents risques, en définissant la nature exacte; comme il permet une meilleure efficacité dans la stratégie d’intervention et une prise en charge de qualité des conséquences qui découlent de tels phénomènes. L’objectif le plus précieux est que cette carte  des risques majeurs et catastrophes naturelles sera d’une grande utilité pour les gestionnaires et techniciens dans l’établissement d’un schéma de prévention avant que l’événement ne survienne. Une autre carte est spécialement dédiée aux risques sismiques pour la partie nord du pays (de la côté à la steppe). Cet outil a été réalisé par des cadres algériens conjointement avec des ingénieurs et techniciens chinois dans le cadre de la coopération technique. « Aujourd’hui, je peux affirmer que nous disposons d’une carte de risques sismiques, particulièrement dans la partie la plus exposée (à l’activité sismique) au Nord du pays et dans les Hauts-Plateaux. C’est une carte crédible et précise, fruit d’un travail important fait dans l’anonymat », avait déclaré l’ancien ministre lors de la présentation de ce travail en 2009. S’agissant des inondations, une carte des zones inondables est en cours d’élaboration. Elle permet d’identifier les parties d’une commune qui sont exposées à ce risque; d’où des mesures à prendre pour éviter d’y construire des immeubles ou des équipements, en plus de pouvoir y initier des mesures d’atténuation (corrections torrentielles avec gabions, fixation de berges et autres formes d’ouvrages à même de diminuer la vitesse de l’eau. Dans le même sillage, un supercalculateur de prévision météo a été installé pour affiner davantage les prévisions étalées sur plusieurs jours, voire des semaines. La résolution d’observation s’en trouvera bien rehaussée, de sorte à ce que la maille soit ramenée à une dimension 100 fois plus petite, de façon à mieux en analyser la surface S’agissant des incendies de forêt, une coopération étroite est établie entre la direction générale des forêts et l’agence spatiale algérienne, l’ASAL, domiciliée à Arzew, afin de produire des photos satellites, des massifs forestiers, analysées selon leur sensibilité au feu. De même, après la survenue des incendies, les moyens de cette agence permettent d’identifier et de calculer les superficies incendiées avec une marge d’erreur la plus infime qui soit. Gérer c’est prévoir; c’est là une vieille maxime développée par les gestionnaires de l’économie et des territoires. De même, la prévision suppose un travail de prévention dans le but de réduire au maximum les conséquences des phénomènes que sont appelées à vivre ou à subir les populations. Même dans le cas, comme les séismes, où la prévision n’est pas encore possible, la connaissance cartographique des failles et zones à risques permet d’éviter les constructions sur ces zones, ou bien encore d’imaginer des méthodes spécifiques de construction (parasismique). La bonne gouvernance, c’est aussi cela.

A. N. M

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