Les explications du P-DG

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Accusé de vouloir « mettre en faillite l’entreprise, » le P-DG de l’ETR de Béjaïa réplique tout de go “le secrétaire général de l’union de wilaya UGTA est très mal placé pour apporter le moindre jugement sur ma personne”

Le SG de l’union de wilaya vous accuse de vouloir mettre en faillite l’ETR dont vous êtes P-DG. Comment répliquez-vous à cette accusation ?

Kebiche Bachir: C’est une grave accusation. J’ai un engagement et une responsabilité envers cette entreprise pour laquelle nous avons consenti beaucoup de sacrifices pour la rendre viable et enviable. Je suis, actuellement, à ma treizième année à la tête de l’ETR et les progrès, qu’elle a faits, sont reconnus par tout le monde, à commencer par les travailleurs. Les entreprises sœurs du portefeuille ont coulé et ont été liquidées. La seule entreprise, qui reste en activité et qui a pris une dimension importante à travers son implication dans le marché des travaux publics et qui a investi dans d’autres créneaux, est l’ETR. Donc, m’accuser de vouloir mettre en faillite cette entreprise est fort grave. M. Hamlaoui, SG de l’union de wilaya, est très loin et mal placé pour pouvoir apporter un jugement pareil sur ma personne. Il y a un conseil d’administration qui veille sur la gestion. Moi, je suis là pour le développement de l’entreprise et pour m’opposer à ceux qui, pendant onze mois, ont tenté de la mettre à genou  par un mouvement de grève illégal.

On vous reproche la non-application de l’accord de réconciliation signé le 2 avril dernier en présence de la SGP et du partenaire social ?

D’abord, ils demandent à être payé pour les onze mois de grève illégale. Je ne payerai jamais ces salaires. Je confirme qu’il y a un PV de négociation qui a été signé par la SGP, l’UGTA (Fédération) et l’union de wilaya. Il n’a pas été question de payer les salaires, mais plutôt d’arrêter un programme de récupération des onze mois de grève illégale. Après acquisition d’un plan de charge conséquent, à ce moment là nous allons programmer des journées et des semaines de récupération. Une fois c’est acquis, nous allons installer une commission, à cet effet, avec la participation de l’UGTA (union locale). 

M. Hamlaoui vous accuse aussi de « procéder au recrutement de travailleurs, alors que vous ne disposez pas d’un plan de charge » ? Cela ne vous semble-t-il pas contradictoire ?

J’ai recruté un ingénieur en électromécanique pour la maintenance. J’ai fait un seul recrutement et je le défie de me prouver le contraire. J’avoue, par ailleurs, que nous avons un besoin avec le conseil d’administration de renforcer l’encadrement de cette entreprise, parce que nous sommes en phase de demander le renouvellement du certificat de qualification et le manque d’encadrement pénalise l’entreprise. Il faut avoir un encadrement universitaire. Cela concerne aussi l’administration, parce qu’il y a des fonctions importantes, telles que l’audit, le contrôle de gestion, les finances qui ont besoin de la compétence. 

 Il vous reproche aussi votre refus de retirer les plaintes déposées à l’encontre des travailleurs grévistes ?

Je confirme que je ne retirerai pas les plaintes qui ont été déposées à l’encontre des travailleurs grévistes. Je gère une entreprise publique et lorsqu’on touche aux biens publics, ma responsabilité est de réagir. J’ai, en effet, déposé trois plaintes auprès de la juridiction compétente. Elles concernent, respectivement, un effectif de dix travailleurs, un autre de six, alors que l’autre plainte a été déposée contre l’ensemble des grévistes lorsqu’ils ont fermé le portail. Il y a un PV d’un huissier de justice qui est venu constater cette fermeture et ses auteurs. Après l’intervention des forces publiques, les travailleurs ont refermé de nouveau, le portail de l’entreprise. Les auteurs auront à se défendre devant le tribunal. Maintenant, si les travailleurs se remettent au travail et qu’ils évitent d’occuper et d’envahir illégalement les bureaux de la direction et de prendre les véhicules de l’entreprise sans autorisation, le propriétaire avec le conseil d’administration peuvent demander  au P-DG de ne pas se constituer partie civile. Et si la SGP et le conseil d’administration me le demandent, j’exécuterai. 

Qu’en est-il du point lié au licenciement des quatre contractuels ?

Je vous confirme qu’il n’y a eu aucun licenciement. Les quatre contractuels, dont M. Hamlaoui parle, avaient un contrat en cours jusqu’à fin mars 2012. Le premier avril, leurs contrats ont expirés et ne leurs ont pas été renouvelés. Ils se sont mis en grève à partir du 1er avril. Nous avons déposé plainte contre eux parce qu’ils ont occupé les lieux, alors qu’ils ne font pas partie de l’effectif de l’entreprise. Pour calmer le jeu, il a été demandé dans le contrat, après la reprise du travail, de réintégrer ces contractuels. J’ai consenti à les reprendre, car la carrière de Boulimat va être relancée et nous avons besoin de cet effectif. Nous leur avons demandé de se présenter à l’administration, de fournir des dossiers et de rejoindre leurs postes de travail. À ma connaissance, ils n’ont jamais ramené leurs dossiers, à ce jour. Ils demandent à ce que l’on leur fasse un contrat à partir du 1er avril 2012. Ce qui j’ai refusé car je ne peux pas signer un contrat pour quelqu’un qui se trouve en pleine grève. 

Vous êtes également accusé de n’avoir rien fait  pour obtenir l’exploitation de la carrière Loubar

Je signale que la carrière en question se situe au niveau du parc national de Gouraya (PNG). Sa direction nous a poursuivi en justice depuis 2003, nous et deux autres entreprises,  à savoir l’Enof et la SNTP, pour cesser d’exploiter cette carrière. Donc, il y a eu des actions judicaires qui ont été engagées contre nous pour quitter les lieux, parce qu’il est situé dans un parc protégé. Le PNG a eu gain de cause en première instance. Nous avons fait appel au niveau de la cour suprême et nous avons perdu. Nous avons constitué un dossier avec des bureaux d’études et adopté la même démarche avec les autres entreprises. Ensuite, nous avons fait appel auprès du conseil d’Etat. Ce dernier a rendu son verdict en dernière instance en défaveur de l’ETR. M. Hamlaoui me demande-t-il d’aller couper la route pour avoir gain de cause ? Est-ce que c’est de ma faute si le conseil d’Etat a donné raison à l’Enof et à la SNTP et pas à l’ERT ? Nous avons pourtant fourni les mêmes dossiers. Seulement, il y a certains éléments qui diffèrent d’un dossier à un autre. Aussi, semble-t-il que ce ne sont pas les mêmes magistrats qui ont siégé pour les trois entreprises. En tous les cas, j’ai fait toutes les démarches et j’ai une décision de justice qui m’a été remise par le conseil d’Etat. Je signale, que pendant que l’affaire était en justice, nous avons continué à exploiter cette carrière. En outre, j’ai introduit un recours administratif au niveau de la wilaya et des ministères des Mines et de l’Intérieur pour une dérogation à titre transitoire, en attendant de trouver une autre carrière. La loi minière m’interdit d’exploiter une carrière si je n’ai pas les autorisations requises. J’ai fait mon travail et je n’ai pas attendu les écrits de Hamlaoui ou quelqu’un d’autres pour agir. Nous avons également une autre carrière à Kherrata qui a été fermée par des citoyens depuis 2009. Pourquoi M. Hamlaoui ne se pose pas des questions à ce sujet ? Nous avons effectué des travaux d’aménagement de la route donnant accès à cette carrière et nous avons mis un camion pour arroser quotidiennement la chaussée. En plus, nous avons aménagé les heures du travail de 6 h à 14 h, mais cela n’a pas convaincu les citoyens qui s’opposent à l’exploitation de la carrière. Nous demandons, à ce jour, le renouvellement du titre minier de cette carrière pour la réactiver. 

L’on parle d’un terrain qui vous a été affecté pour installer une station d’enrobée, mais le projet est tombé à l’eau…

M. Hamlaoui parle d’un terrain qui nous a été affecté pour une station d’enrobée ? C’est un autre mensonge. Je n’ai pas cessé de me battre pour avoir un terrain depuis mon arrivée à cette entreprise en vue d’y installer une station d’enrobée. Car, une entreprise de travaux publics sans station d’enrobée est pénalisée. Je confirme qu’il n’y a jamais eu d’affectation de terrain pour l’installation d’une station d’enrobée. C’est vrai il y avait un terrain, mais il a été affecté pour une autre entreprise. L’argument, qui a été avancé par le wali d’alors, est que cette entreprise privée avait une station d’enrobée prête à être installée et que les démarches de l’ETR, en tant qu’entreprise publique, pour acquérir une station d’enrobée va traîner en longueur. Il parle aussi des 62 millions DA que l’ETR a bénéficié des pouvoirs publics pour l’installation d’une station d’enrobée. Là encore c’est un mensonge. Les pouvoirs publics n’ont pas mis un dinar à la disposition de l’entreprise. Ce sont les fonds propres de l’entreprise. Cet argent a été mis de côté avec les investissements et les projets que nous avons réalisés. Nous avons mis 10 milliards de centimes de côté dans un compte bloqué qui nous rapporte des intérêts. Notre objectif est d’acheter une station d’enrobée avec le matériel annexe, une fois un terrain est disponible. Je souligne que cet argent est le bénéficie que nous avons réalisé au niveau de l’entreprise et mis de côté pour l’investissement. Ce n’est qu’en 2010, avec l’avènement de l’assainissement des entreprises, que nous avons fourni un dossier où nous avons exposé les besoins de l’ETR. On nous a donné 106 milliards de centimes pour le développement de cette entreprise et pour la rendre performante et moderniser son potentiel de production. Donc, M. Hamlaoui est mal inspiré pour donner des informations pareilles, qui, de surcroît, ne sont pas vérifiées. Je m’inscris en faux par rapport à ses déclarations. Et je m’inscris contre l’idée qu’il se fait du PDG qui veut la faillite de l’entreprise. Vous pouvez demander aux travailleurs et ils vous diront comment le PDG se comporte au niveau de cette entreprise. Ma formation, mon éthique et mon héritage ne me permettent pas d’agir comme on m’accuse. 

Pourquoi alors les travailleurs se sont-ils révoltés ?

Il y a eu un mouvement de contestation qui revendique le départ du PDG parce qu’il est autoritaire et sévère. Dans la gestion, il n’y a pas de sévérité mais un règlement. Si la direction de l’entreprise a commis des dépassements, il y a un moyen de s’exprimer, sans toucher au matériel de l’entreprise ou à son personnel. Je veux qu’on ferme cette parenthèse et qu’on passe à autre chose, car l’entreprise a les moyens de se développer et de multiplier ses capacités par trois ou quatre fois. Aussi, elle est capable d’élargir son créneau. Il y a ceux qui disent que nous ne faisons pas assez pour cette entreprise. Ces gens ont, apparemment, une courte mémoire. Il n’y a qu’à comparer la situation de l’entreprise avant et après que j’en prenne les commandes. Durant les douze ans, la gestion s’est beaucoup améliorée. Lorsque je suis arrivé à cette entreprise, il y avait un déficit de plus de 7 milliards. Depuis 2002, la date de mon premier exercice, j’ai réalisé des bénéfices et un chiffre d’affaire de 4 milliards. Actuellement, nous faisons un chiffre d’affaire avoisinant les 30 milliards. Nous avons distribué des bénéfices au titre de l’exercice 2011 de l’ordre de 13 millions pour chaque travailleur. Aucune autre entreprise dans le portefeuille du groupe n’a distribué autant de bénéfice à ses travailleurs. Mes organes de gestion et l’AG ont reconnu les performances et la gestion saine de cette entreprise. Qu’on ne vienne pas aujourd’hui me dire que la direction veut mettre en faillite cette entreprise. Les déclarations de Hamlaoui s’inscrivent dans un cadre qui est très loin de chercher l’apaisement. Cette entreprise a un propriétaire, un organe de gestion et une direction qui la contrôlent au quotidien. S’il y a une tendance vers une  quelconque dérive, ces organes et bien d’autres personnes vont se manifester avant Hamlaoui. Aussi, il y a des individus extérieurs à l’entreprise qui manipulent les travailleurs pour pouvoir déstabiliser encore l’ETR. Ces gens ont participé activement au mouvement de protestation des travailleurs et continuent à le faire par des manières tendancieuses. J’irai plus loin: Nous avons entendu, sur les ondes de la radio locale, des gens que nous ne connaissons pas parler au nom de l’ETR. Je citerai la fameuse députée du RND qui a volé au soutien des grévistes. 

Quel a été l’objectif de ceux que vous accusez de manipulation ?

C’est à eux de poser la question. Ce que je peux dire c’est que c’était une période électorale et on voulait récupérer d’une manière malsaine l’ignorance des travailleurs. Je comprends les travailleurs qui ont des revendications socioprofessionnelles légitimes et qui veulent s’asseoir à la table du dialogue. Mais que des députés du RND, du FFS ou la ligue des droits de l’homme se mêlent des affaires de l’entreprise, je pense que ce n’est pas louable. Ces gens seraient, par ailleurs, les bienvenus dans la mesure où ils contribueront au rétablissement du calme et de la sérénité. 

Entretien réalisé par Boualem Slimani 

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