«Sellal a débloqué la situation»

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La Dépêche de Kabylie : Pour commencer, peut-être un mot sur la situation dont vous avez hérité à votre arrivée à la tête de l’APW ?

M. Hocine Haroun : A mon arrivée à la tête de cette structure, j’ai trouvé beaucoup de projets. Certains à lancer, d’autres en plein chantier, d’autres à inaugurer… et plusieurs en souffrance. Ca fonctionnait dans le désordre. Il fallait donc recadrer, intervenir et proposer certaines orientations. Je crois qu’avec le temps, les choses commencent à se dessiner. Le fonctionnement de l’APW a lui aussi changé. Nous avons un exécutif qui se réunit tous les quinze jours, ainsi qu’un bureau qui se réunit une fois par semaine et neuf commissions qui travaillent d’arrache-pied.

Pouvez-vous nous citer quelques projets sur lesquels vous travaillez en ce moment ?

Nous nous sommes surtout intéressés au secteur de la santé. La commission de santé de l’APW a fait un travail qui a abouti à un vrai changement au niveau de la direction de la santé. Cela se traduit par des visites périodiques dans les différents établissements, notamment la clinique Tassadit Sbihi et le CHU Mohamed Nedir de Tizi-Ouzou, ainsi que la majorité des polycliniques et les salles de soins de la wilaya. D’ailleurs, suite au constat fait sur les différents problèmes enregistrés dans les différentes structures de santé de la wilaya, le DSP de Tizi-Ouzou est interpellé.

Quels genres de problèmes avez-vous constatés ?

Ces problèmes consistent, notamment, en le manque de médicaments, de spécialistes et d’ambulances. Parfois c’est l’infrastructure elle-même qui pose problème. Au niveau de certaines polycliniques, c’est la misère! Le nouveau DSP, lors de sa visite à l’APW nous a rassurés quant à la prise en charge effective des problèmes des salles de soins. Quant au CHU, la surcharge des urgences, le manque de radiologues et l’affluence accrue des malades, venant de plusieurs wilayas, compliquent la tâche de la direction qui fournit pourtant un effort considérable pour la prise en charge des patients. La construction en cours d’un nouveau bloc des urgences donnera un nouveau souffle à l’établissement.

Et pour ce qui est de l’établissement cardio-infantile?

J’ai effectué une visite au niveau de cet établissement, avant la venue du Premier ministre. J’ai remarqué que les équipements n’étaient toujours pas mis en place. De plus, c’est la direction de la santé qui s’est engagée à prendre ce volet en charge. Le directeur et le DSP nous avaient assuré que le personnel était dans sa globalité prêt. Ce qui retarde encore son ouverture c’est la mise en place des équipements. Nous n’avons pas voulu l’ouvrir provisoirement.

Donc pour la confirmation de son ouverture, la réponse est à chercher au niveau de la DSP ?

La réponse est toujours au niveau de la DSP. Nous pouvons toujours imputer le retard de son ouverture au directeur de la structure. Mais il a affaire à des supérieurs qui sont tout aussi responsables que lui. Il est logique que l’on ne puisse pas ouvrir un établissement vide d’équipement spécialisé. Le Directeur de la structure est interpellé pour dépenser son budget dans l’achat des équipements de fonction autant que le DSP est interpellé pour achever la livraison du matériel médical. L’établissement ne peut plus souffrir de retard dû à la gestion des uns et des autres. Il faut procéder à son ouverture dans les délais les plus courts.

Y a-t-il un autre secteur qui enregistre autant de problèmes ?

Le secteur qui me rend malade est celui de l’environnement. J’ai constaté qu’il souffre d’une certaine paralysie. Certes, les discussions n’ont pas cessé : colloques, séminaires, sessions… mais sur le terrain, il y a un certain laxisme, de l’irresponsabilité et un laisser aller flagrant. Je me dis que si j’étais responsable de l’environnement je ne dormirais pas. Certes, il y a le problème d’incivisme, et le citoyen a bon dos. Mais certains responsables en abusent. Mais le vrai problème est que le directeur de l’environnement, comme tous les autres d’ailleurs, est noté sur le taux de réalisation des projets et pas sur la gestion de leur secteur, j’allais dire, le fonctionnement, la pédagogie. Je m’explique : si le directeur de l’environnement a, par exemple, un projet à construire à Ath-Yenni, pour l’inspecter, il emprunte une route nationale pleine de décharges à ciel ouvert et des ordures qui jonchent même la chaussée. Mais le directeur ne semble pas les voir, il est obnubilé par le taux d’avancement de son chantier car le temps lui est compté. Le directeur de l’environnement est le premier concerné par l’état de dégradation de l’environnement, qui touche les routes nationales, les chemins de wilaya, nos forêts et nos rivières… Le DTP, le directeur des forêts, l’ensemble des directeurs ont chacun leur part de responsabilité. Le maire, quant à lui, il s’occupe de sa circonscription. Il n’est redevable que de sa commune. 

Et qu’en est-il de ce chamboulement dans le secteur des transports ?

La gare multimodale ne répond pas aux normes d’une grande gare. Les gares intermédiaires sont mal conçues et mal organisées. Dans ce secteur, il y a un sérieux problème. Mais qui est responsable de ce méli mélo? Nous avons la direction du transport certes, mais également l’ancienne APC de Tizi-Ouzou et l’ancienne APW. Car tout a été décidé à leur niveau dans la précipitation. Aujourd’hui, la situation s’aggrave avec l’intensification du trafic. Il faut impérativement repenser ce travail. La commission APW de l’aménagement du territoire est en constante concertation avec la nouvelle direction du transport. 

Les maires se plaignent d’avoir du mal à exécuter leurs programmes…

Il y a des problèmes, notamment avec les contrôleurs financiers. La sagesse recommanderait pourtant qu’il y ait concertation entre le maire et les CF. Il faut arriver à débloquer les situations. Les maires se plaignent également de l’insuffisance des PCD. J’ajoute que sur les 67 maires, nous pouvons toujours avoir quelques-uns qui soient en retard dans la consommation des crédits ou en manque de performance. Mais si nous avons un responsable de wilaya défaillant, ce sont les 67 communes qui payent. C’est pour cette raison que j’ai toujours dit qu’il faut responsabiliser, au maximum, les maires en leur laissant la libre initiative.

L’APC d’Agouni Gueghrane n’est toujours pas installée, pourquoi ?

Vous savez que la commune d’Agouni Gueghrane a toujours été une commune bloquée. Je ne comprends pas comment, les citoyens réélisent la même assemblée et le même maire, source du même blocage. J’ai moi-même participé à certaines de leurs réunions, mais l’entêtement partisan l’emporte sur l’intérêt du citoyen. Je les appelle à plus de sagesse.

Depuis votre installation, les visites ministérielles se sont enchaînées, notamment celle du Premier ministre, qu’a-t-elle apporté à la wilaya ?

Il faut souligner que nous n’avons pas eu de visites officielles depuis plusieurs années. Je crois que la visite de Sellal est un peu comme la visite du président de la République. Elle a apporté des enveloppes consistantes sur le plan infrastructurel et de développement. Personnellement, je me suis entretenu avec lui et les ministres qui l’ont accompagnés et j’ai eu satisfaction concernant la plupart des projets qui me tenaient à cœur, notamment celui de l’express Aïn El Hammam / Draâ El-Mizan que j’avais proposé au ministre. Une enveloppe a été dégagée pour l’étude. Une fois l’étude terminée, l’argent sera mis à disposition pour la suite de la réalisation. Nous avons aussi toutes ces trémies qui se construisent pour désengorger et fluidifier le trafic, notamment la trémie qui sera lancée incessamment à Oued-Aissi sur la route menant à Ouadhias, ainsi que la pénétrante de Tizi-Ouzou vers Draâ El-Mizan qui nous permettra de toucher directement l’autoroute Est-Ouest. Il ne faut surtout pas oublier le CHU et la rapidité avec laquelle ses crédits ont été mis en place. A mon arrivée, nous parlions de ce projet de CHU comme d’un rêve. Le wali m’a dit qu’il avait lutté pour avoir un CHU lorsqu’il était wali à Batna. Mais il l’aura finalement à Tizi-Ouzou. Donc, la visite du Premier ministre et l’intervention de l’APW ont fait que des projets pareils soient inscrits. Et comme l’étude est déjà faite, et comme c’est un projet type, la réalisation est prévue pour le début janvier.

Ces derniers temps, on parle souvent de la relance du tourisme en Kabylie, qu’en pensez-vous ?

Malheureusement, l’Etat n’inscrit pas de grands projets de tourisme. C’est plus le privé qui investit dans ce domaine. Pour l’Etat ce qui est inscrit, ce sont les ZET, des zones organisées pour le tourisme. La réhabilitation de Tala Guilef est en cours et des budgets pour la réhabilitation de nos hôtels sont mis en place, mais nous sommes loin de parler d’une réelle performance dans ce domaine.

Dans le secteur de la pêche, ne pensez-vous pas que la Kabylie a besoin d’un port digne de ce nom ?

Nous avons demandé l’inscription d’un port sec à Oued-Aissi au Premier ministre. Nous n’avons pas pu obtenir son inscription dans l’immédiat, mais ce projet reste une de nos revendications récurrentes. C’est vrai que nous avons également besoin que le port d’Azeffoun devienne un port pas seulement de pêche mais de voyageurs et d’échanges commerciaux. Ce sont des points qu’il faut repenser. 

Il se dit que les investisseurs fuient la région…

Quand nous voyons le nombre d’investisseurs qui ont des demandes, en instance, au niveau du CALPIREF, je m’étonne de tels propos. Le CALPIREF a récemment étudié 250 dossiers, mais il n’a fait passer qu’une trentaine. Quand je reçois ces investisseurs, je promets de les accompagner dans leurs démarches. Quant au problème sécuritaire, il relève du domaine de l’Etat.

Est-ce que vous parlez du terrorisme ou de l’instabilité générale dans la région ?

Pour moi le problème sécuritaire tel qu’il est traité par les services de sécurité vise plus le terrorisme que les autres délits. Le banditisme étant en soi une facette du terrorisme, sinon, je ne vois pas où est l’instabilité de la région. Notre wilaya est vivante, avec son ordre et son désordre… L’Etat doit intervenir avec célérité sur le désordre pour ramener la stabilité condition sine qua non pour tout investisseur. Certes, il y a eu cette période noire des arouch qui fut pour moi une véritable ineptie. C’était une préparation à la banalisation de l’anarchie. Les séquelles sont toujours visibles. Ceux qui ont créé cette anarchie n’assument plus aujourd’hui. Ils ne sont plus là. Nous n’avons pas le droit de tout renier et d’abandonner puis partir en disant : « j’ai fait ce que j’ai pu, le reste c’est à vous de vous en charger».

Que faut-il faire pour relancer la machine économique dans la région ?

Les différents dispositifs, notamment l’ANSEJ CNAC, ANGEM, l’ANDI… sont des placébos. Ces dispositifs visent plus la paix que le règlement du problème de l’emploi. Ils ont le mérite d’exister, alors nous en usons. Cependant, ce qu’il faut, et on n’est pas obligé de sortir de Saint-cyr pour le savoir, c’est l’investissement. Le CALPIREF doit se réunir le plus vite possible et accorder les autorisations nécessaires à l’implantation d’unités de production. De plus, il faut disponibilité le foncier. J’en reviens justement au geste du Premier ministre qui a répondu à notre demande de subvention pour l’acquisition d’assiettes foncières. Ajoutez que c’est inconcevable que des bars aient été autorisés à s’installer sur des zones d’activités et industrielles destinées normalement à recevoir des projets d’investissement. Il faut aussi un assainissement financier pour viabiliser ces zones. Si tout le monde fait sa part d’effort, ces problèmes seront vite réglés.

Entretien réalisé par Samira Bouabdellah

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