Chronique du temps du sommeil et des yeux plus gros que le ventre

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Par S. Aït Hamouda

Dès l’apparition du croissant, annonçant l’avènement du mois sacré une boulimie frénétique, insurmontable, irrépressible s’empare des Algériens. Les yeux plus gros que le ventre entraînant de facto une surconsommation de produits alimentaires. Viandes de toutes sortes, pains de diverses formes, sucreries, fruits, légumes, et cette demande effrénée n’est pas sans incidence sur les prix. En effet, à chaque ramadhan les mercuriales grimpent ostensiblement pour atteindre des niveaux inimaginables faisant le bonheur des spéculateurs de tous bords. Et ce n’est pas ça qui effraie outre mesure le consommateur. Il dépense sans compter, quitte à emprunter, à se sur-endetter, à se ruiner. Il y a même ceux qui mettent leurs objets de valeur au clou. Pourvu qu’ils passent le mois de carême comme il se doit, c’est-à-dire une ‘’meïda’’ richement garnie de mets variés pour flatter les papilles du plus intransigeantes des «fines gueules». Et pourtant, l’appétit, qui semblait avant la rupture du jeûne, insatiable, s’avère, aux premières cuillères de chorba et premiers verres de soda, ingurgités à la va vite, facile à calmer. D’où nous viennent ces habitudes qui n’ont absolument rien à voir avec le dogme. Car celui-ci recommande la retenue, la pondération, la prière, la piété et le recueillement plutôt que l’empiffrement, la goinfrerie, la gloutonnerie, la voracité avec, au bout, le gaspillage. Et c’est justement là que le bas blesse, parce qu’une bonne partie de ces provisions gargantuesques finissent fatalement dans la poubelle. Il y a certes des gens, et ils sont plus nombreux qu’on ne le pense, qui se contentent d’une datte, pour la bonne raison que ce fruit bien de chez nous n’est pas à la portée de la bourse d’un smicard, d’un verre de lait et d’un plat de chorba pour se rassasier. Ce mois, pour ainsi dire de vacances où tout fonctionne au ralenti, où l’on dort jusqu’à l’appel du muezzin, pour certains, où l’on veille jusqu’au «shor», où l’on joue au loto, aux cartes, avec pour enjeu de la « zlabia » ou du « qalb el louz » et quelquefois même pour de l’argent, où l’on somnole au travail quand on s’y rend, est loin d’être le reflet d’une obligation religieuse, celui d’un des cinq piliers de l’Islam, mais bien celui de l’honneur rendu au sommeil et à l’œsophage, pas à autre chose. Ceci écrit, Saha ramdhane nwen !

S.A.H

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