Les termes de l'équation

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Par Amar Naït Messaoud

Le gouvernement de Abdelmalek Sellal, par la voix du ministre du Commerce, Amara Benyounès, fait état de son engagement à ne pas toucher aux subventions publiques accordées à titre de soutien au prix de certains produits alimentaires ou énergétiques, jugés stratégiques. Si la question a plusieurs fois été soulevée lorsque l’embellie financière était à son sommet, avec un baril de pétrole à plus de 120 dollars, il est logique qu’elle le soit davantage aujourd’hui. Le débat sur une telle problématique a été effleuré au début de l’année 2011, lorsque l’air putride du Printemps arabe avait tenté son entrée sur le territoire algérien. Ce fut la semaine des barricades et de pneus enflammés. Des troubles que la presse et la vox populi avaient dénommés « émeutes de l’huile et du sucre ». Les relais de la déstabilisation avaient actionné les moyens les plus efficaces pour agir sur le segment le plus sensible de la vie des citoyens. Le gouvernement Ouyahia avait alors reconnu que les jeunes protestataires avaient été « manipulés » par de grands spéculateurs qui ont investi tous les rouages du système. Leur capacité de nuisance avait même contraint le gouvernement à reporter sine die l’obligation de l’utilisation de chèque pour les opérations ou transactions dépassant les 500 000 dinars. Les experts algériens et même les institutions financières internationales qui regardent sous la loupe l’économie de notre pays, n’ont jamais remis en cause la nécessité de soutenir les prix de certains produits, particulièrement dans un contexte de transition économique difficile, qui n’arrive pas encore à trouver ses marques. En revanche, ils contestent l’uniformisation et la généralisation de ces subventions, lesquelles touchent tous les ménages, quelle que soit leur condition sociale. Mathématiquement, cela équivaut à une neutralisation des effets attendus de telles subventions, à savoir l’assistance de l’État aux catégories les plus défavorisées. Les experts et instances internationales préconisent un ciblage rationnel des franges qui devraient bénéficier des subventions de l’État. Cependant, dans l’état actuel où est signalée l’urgence de trouver des alternatives au recul des recettes extérieures du pays, il serait politiquement aventureux de s’en prendre de but en blanc aux subventions des produits de première nécessité. Sans doute, du temps devrait être accordé à la revitalisation de la machine économique du pays à travers les nouveaux investissements prévus dans des créneaux hors hydrocarbures. Cela, il est vrai, a pris beaucoup de temps; l’économie rentière ayant joué de mauvais tours aux Algériens. Pour éviter un réveil brutal, qui a valu au pays des pics de violence comme en octobre 1988, l’Algérie est sommée de s’ouvrir sur une économie diversifiée, touchant tous les secteurs en friche (agriculture, tourisme, NTIC) et préparer le terrain qui sied pour une telle ambition. Ce terrain, c’est la révision de la législation relative aux investissements productifs facilitant aux entreprises algériennes et étrangères l’accès au foncier, l’accès au crédit, le traitement administratif des dossiers d’investissements,… etc. Il s’agit de traduire la volonté politique affichée par les autorités du pays sur le terrain de la réalité. La situation sociale de larges franges de la population ne permet pas aujourd’hui le « saut dans l’inconnu » par la suppression, pure et simple, des subventions. On le sait: celles-ci sont mal ciblées du fait de leur généralisation. Mais, pour la stabilité du pays et la cohésion sociale, la modulation de ces soutiens ne pourra être enclenchée qu’à la faveur d’une conjoncture économique où l’Algérie se délesterait de l’informel, qui s’accapare de plus de 40% des activités économiques du pays, où le chômage ne serait pas résolu artificiellement par des dispositifs sociaux, mais par des emplois réels dans des secteurs productifs où, enfin, le secteur des hydrocarbures ne représenterait qu’une partie des gisements de recettes extérieures du pays. Outre les investissements productifs pour lesquels un nouveau code, plus « ambitieux », nous dit-on, est en préparation, les producteurs algériens ont besoin d’être orientés, soutenus et encadrés pour investir le terrain de l’exportation hors hydrocarbures. Des assises dans ce sens sont prévues par le ministère du Commerce pour les journées des 12 et 13 janvier 2015. Il s’agit, comme le déclarait le ministre en octobre dernier, d’ «identifier l’ensemble des problèmes qui contrecarrent l’acte d’exportation et de dégager, en conséquence, les procédures et les techniques permettant de faciliter les ventes à l’extérieur», en ajoutant: «Nous avons des entreprises algériennes qui exportent, actuellement, avec leurs propres moyens alors que la quasi-totalité des entreprises mondiales exportatrices bénéficient des aides de leur gouvernement». Si l’Algérie arrive à enclencher le mouvement de la diversification économique, qui sortira graduellement le pays du système de la rente et à accompagner ses entreprises dans l’acte d’exportation, la notion même de subvention pourra être révisée, destinée prioritairement à la production. 

A. N. M

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