«On a près de 50 milliards de créances»

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Le directeur de l’Algérienne des eaux de la wilaya de Bouira, M. Haouchene Ramdane, à travers cet entretien, revient sur le taux de raccordement dans la wilaya en matière d’eau potable, sur le problème des créances impayées, sur les oppositions qui bloquent des projets dans certaines communes, mais aussi sur les efforts consentis pour l’amélioration du service…

La Dépêche de Kabylie : En premier lieu, pouvez-vous présenter l’ADE de Bouira, son champ d’action et sa mission ?

M. Haouchene Ramdane : L’ADE de Bouira gère 38 sur les 45 communes que compte la wilaya. Deux de ces communes (Ath Laâziz et Aïn Turk) sont gérées par gros, c’est-à-dire, nous alimentons les châteaux d’eau et les mairies s’occupent de la distribution. Nous allons, cependant, récupérer d’ici la fin de l’année la gestion de ces deux communes, avec les projets qui sont en cours et l’installation des compteurs. Il s’agit d’une question d’équité car, en gros, les abonnés ne payent pas mais surtout c’est pour l’amélioration de nos services et la réduction du gaspillage. Pour les communes que nous gérons entièrement, nous nous occupons de l’approvisionnement, la distribution de l’eau potable ainsi que l’entretien et la modernisation des réseaux existants. Le nombre d’abonnés à travers toute la wilaya dépasse les 101.000 clients, dont des particuliers, des établissements publics et des entreprises.

En janvier dernier, vous avez déclaré que l’ADE de Bouira accumule des créances de plus de 43 milliards de centimes. La situation s’est-elle améliorée ?

Malheureusement ce n’est pas le cas. La situation de nos créances actuellement, représente presque 50 milliards de centimes. Elles augmentent en raison de plusieurs éléments. En premier lieu, nous avons le nombre de clients qui augmente sensiblement, donc automatiquement la première quittance du client, comporte tous les frais du raccordement et de la consommation au préalable. Pour les nouveaux branchements, on est souvent obligé de mettre en place des échéanciers pour espérer récupérer nos dus. Ensuite nous avons les clients récalcitrants que nous sommes obligés d’ester en justice. Actuellement nous avons plus de 500 affaires en justice pour ce genre de cas. C’est devenu une opération quotidienne, au niveau de chaque centre. D’ailleurs, nous avons un chargé du contentieux au niveau de toutes nos antennes. C’est dommage de le dire, mais on doit récupérer une bonne partie de nos créances par cette méthode. Le gros de nos créances est concentré au niveau des ménages, dont la somme dépasse les 30,3 milliards, donc près de 68 %. Viennent ensuite les administrations avec 9,8 milliards de centimes, les créances de vente en gros estimées à hauteur de 7,4 milliards de centimes et les APC avec 3 milliards. Pour les créances des APC et des administrations publiques, nous avons enregistré une baisse nette des sommes globales, et ce, en raison de la mise en place, au niveau de la wilaya, d’une commission de suivi et d’organisation. Actuellement, la majorité des dettes sont des factures de consommation du trimestre. Le seul problème qu’on a rencontré est celui de l’APC d’El-Khabouzia, où le maire ne veut pas payer les créances. Après plusieurs tentatives de rappel et propositions pour l’élaboration d’un échéancier, nous n’avons pas eu d’autres choix que de poursuivre l’APC en justice. Donc l’affaire est actuellement entre les mains de la cour administrative de Bouira.

Vous avez entamé depuis 2014, une large opération de réhabilitation des réseaux AEP. Où en êtes-vous actuellement ?

Il faut préciser en premier lieu, que d’autres opérations de réhabilitation ont précédé celles-ci. Il s’agit des opérations de renouvèlement des grands ouvrages et d’installation de station de traitement, lancées par la direction de l’hydraulique dans le cadre des grands transferts d’eau. La première opération était celle du transfert d’eau du barrage de Tilesdit vers la ville de Bouira. Un programme qui touche plus de 16 communes de l’est et du nord de la wilaya. Ensuite, c’était celui du transfert du barrage Koudiat Acerdoun, qui a touché la majorité des communes du sud et de l’ouest de la wilaya. Donc, après la mise en fonction de ces deux nouveaux ouvrages, la réhabilitation et la rénovation des anciens réseaux AEP s’imposaient de fait, non-seulement parce que ces anciens réseaux sont vétustes, mais aussi parce qu’ils ne pourront pas supporter la pression forte de l’eau. Certains ont été achevés comme c’est le cas, à Lakhdaria, Aïn-Bessem, Aïn-Hdjar, Aïn-Laloui, Bechloul, Sour El-Ghozlane et une grande partie de la ville de Bouira, pour laquelle un bureau d’étude suisse est actuellement à pied d’œuvre. Nous avons prévu de mettre en place un système de vanne et de procéder au découpage de la ville en plusieurs zones, et ce, afin de faciliter les interventions en cas de panne. Mais il faut préciser que nous enregistrons toujours énormément de fuites, à titre d’exemple et rien que durant le troisième trimestre, nous avons réparé 1345 fuites. Il s’agit d’un phénomène récurrent dans les anciens réseaux et parfois même dans les nouveaux réseaux quand il y a des entreprises qui interviennent et agressent nos réseaux. Donc, notre objectif est de réhabiliter la totalité de nos réseaux, avec la participation des services de la wilaya, des autorités locales et de la direction de l’hydraulique, et ce, en fonction de la situation financière.

Quel est le taux actuel de raccordement en eau potable dans la wilaya de Bouira ?

Actuellement et comme je l’ai précisé avant, l’ADE gère 38 sur les 45 communes de la wilaya. Vers la fin de l’année, nous allons mettre en exploitation les réseaux des deux communes, gérées par la vente en gros. Au cours de l’année 2017, et dans le cadre du programme de la direction des ressources en eau, nous allons continuer à raccorder d’autres communes et surtout des villages. A l’image des communes de Ridan, Maâmoura, Hadjra Zargua et Dirah au sud de la wilaya, qui vont être prochainement raccordées au barrage de «Koudiat Acerdoun» et celles du versant nord pour les communes de Bouderbala et Boukram, dont les projets comportent la réalisation de nouveau réseau. La commune d’Aghbalou à l’extrême Est, va être raccordée à partir de la source de «Tiksiriden» une fois que les stations d’eau seront électrifiées.

Et pour la commune de Saharidj ?

Oui effectivement, au niveau de Sahardij, nous avons signé une convention avec l’APC pour le transfert de gestion de la commune. L’ADE a donc procédé à l’installation de 381 compteurs, mais malheureusement la population a rejeté le payement de ces compteurs et des factures du consommable. La population a aussi refusé la réalisation d’un réseau de transfert de l’eau de la source «Aïnsar Averkan» pour alimenter d’autres localités voisines, c’est vraiment pénalisant d’autant plus que le problème persiste encore. Personnellement je lance un appel à la population pour revenir à la raison et faire preuve de sagesse, car il s’agit avant tout d’un service. Pour que l’eau parvienne aux robinets, il y a tout un processus, souvent très coûteux, en plus l’ADE garantit un meilleur service avec de l’eau de qualité. Le temps de l’eau gratuite est terminé, le service à un coût et les citoyens de notre wilaya doivent contribuer au maintien de ce service.

Beaucoup de citoyens ne consomment plus l’eau du robinet, certains même parlent d’eau douteuse en raison d’une certaine odeur et couleur que comporte l’eau du robinet…

La qualité que l’ADE distribue à l’échelle nationale est strictement contrôlée, c’est une eau qui a toutes les normes de potabilité, mais toutes les eaux diffèrent, comme c’est le cas des eaux de sources et des eaux de barrages, qui sont plus traitées. Par exemple et pour la saison hivernale, on a tendance à utiliser du charbon dans le traitement des eaux de barrage, ce qui donne de temps en temps, une certaine odeur. Mais je rassure nos clients que l’eau a toutes les normes de potabilité et je conseille à tous les citoyens, d’utiliser l’eau de l’ADE, car elle est contrôlée au quotidien. Les équipes de l’ADE veillent au contrôle strict et minutieux de notre produit et d’ailleurs, nous sommes pénalement responsables de cette qualité, alors que l’eau commercialisée n’est certainement pas contrôlée régulièrement. En somme, nous ne pouvons pas distribuer de l’eau non-conforme à la consommation.

Comment l’ADE de Bouira gère-t-elle le problème des branchements illicites et du gaspillage ?

Il est vrai qu’une grande partie de l’eau perdue est due au gaspillage ou aux piquages illicites. Pour combattre ces fléaux, nous avons adopté plusieurs méthodes. A commencer par les indices des compteurs qui sont soigneusement traités par nos agents. Ensuite, nous avons des brigades spécialisées pour surveiller les cas douteux. D’ailleurs, c’est devenu quotidien et il n’y a pas un jour où l’on ne découvre pas un branchement illicite. Pour chaque cas confirmé, nous saisissons automatiquement la justice.

Un dernier mot pour conclure ?

Mon dernier mot sera un appel pour toute la population de la wilaya. Payer sa facture est avant tout un geste civique qui contribue au maintien du service et son amélioration. Alors, je demande à tout le monde d’adhérer et de régler leur d&ucirc,; car l’entreprise a besoin de cet argent pour survivre, particulièrement dans cette situation économique difficile que traverse le pays. L’unité de Bouira a plus de 500 travailleurs et ouvriers que nous devons rémunérer chaque mois, et ça devient de plus en plus difficile de garantir la masse salariale. Ce n’est pas de gaité de cœur qu’on coupe l’eau à quelqu’un, mais malheureusement, certains gens nous poussent à le faire. Nous avons aussi un numéro vert qui est le 15-93 que tout le monde peut utiliser pour réclamer sur la prestation de service, sur les coupures ou même sur une facture. Toutes les propositions et préoccupations sont toujours les bienvenues.

Entretien réalisé par Oussama Khitouche

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