Uzzu : brûlure ou genêt ?

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Cet espace est un vrai miracle. Il faut avoir traversé la ville de bout en bout pour réaliser l’immensité du bonheur de se retrouver dans l’enceinte de la Maison de la culture de Tizi Ouzou. Tellement immense que l’on se surprend à rêver que le temps se fige, que cette bâtisse referme sur vous des murs éternels rien que pour échapper à la sortie qui vous précipite sans transition et sans autre forme de procès dans les bras de l’enfer. Tizi est l’anti-cité et pour garder son statut, elle a renoncé à la vie et exclu le beau. Une ville sans centre-ville, ni centre d’intérêt, défoncée dans la haine et recousue avec l’esthétique de boucher. La Maison de la culture Mouloud-Mammeri est une miraculée, « la » miraculée d’un naufrage urbain dévastateur. Alors, une fois sur les pavés de « la maison » on lève la tête au ciel comme on le fait généralement au lendemain de catastrophes pour constater que le ciel est finalement resté à sa place parce qu’il a fini par éviter de tomber sur nos têtes. Une sorte de jour d’après, un « day after » où tout hagard qu’on est, on se rend quand même à l’évidence que la vie peut recommencer. Ce soir, devant le batiment administratif, puis un peu plus tard devant la Grande salle où le spectacle allait avoir lieu, il était précisément beaucoup question de miracle. Dans la bouche de Omar Fetmouche, le miracle a déjà un nom : Rêve. Un vieux rêve d’artiste qui se réalise. Hadjira Oubachir offre le texte où la poésie prend nettement le dessus sur une trame émouvante de naïveté. Un drame amoureux où la guerre n’est jamais très loin, comme dans beaucoup de situations du théâtre algérien. On ne sait pas trop si Djamel Abdelli qui a signé la mise en scène a été handicapé ou aidé par les chorégraphies qui ont constitué l’essentiel du mouvement sur les planches, mais le spectacle est resté alerte, sans lourdeur. Hadjira, qui veut à tout prix contourner le mot pompeux de comédie musicale pour désigner cette expérience, ne pense pas moins que c’en est une. Et qu’est-ce donc une comédie musicale,si ce n’est une histoire chantée ? Bien chanter l’histoire, les filles et les garçons du Théâtre régional de Béjaïa l’ont fait. Contre ces voix cascadant entre mont et mer et ces scènes impressionnantes de décontraction, même l’humilité de Hadjira n’y peut rien. Et puis, mon dieu, le théâtre en kabyle, pour plein de choses, on n’y va pas « normalement », du même pas que pour un spectacle ordinaire. Il faut d’autres yeux et d’autres oreilles pour voir et éouter. « La générale » d’Uzzu n’tayri ne nous a pas seulement arrachés à l’effroyable laideur de la ville, elle nous a placés une heure durant face à l’esthétique de nos entrailles. Et les petits clichés à la peau dure ? Et le jeu parfois hésitant ? On s’en moque. Ce soir comme pour encore un temps, il s’agit surtout d’ameuter le village pour que la fête du jour soit entière, et surtout pour que la fête de toujours soit.

S. L.

Du coq à l’âne : Ami de longue date, je n’ai pas vu Omar Fetmouche,directeur du Théâtre régional de Béjaïa, depuis plus d’une décennie.Toujours aussi enthousiaste, plein d’idées et de projets, pas une ride en dépit de l’embonpoint et, ce qui m’a agréablement surpris, son kabyle jadis sommaire, s’est amélioré jusqu’à la perfection.

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