»Le deuil et la consternation sont aujourd’hui encore dans le cœur de chacun des citoyens »

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La Dépêche de Kabylie : 29 ans après le Printemps berbère, 9 ans après les douloureux événements du Printemps noir, quel bilan tiriez-vous de ces années de combat pour l’amazighité ?

Mohand Loukad : Je vous remercie de votre obligeance. J’ai été parmi les premiers à venir apporter mon soutien et ma modeste expérience à la Dépêche de Kabylie naissante. Malheureusemen des vents contraires ont brisé cet élan spontané et désintéressé. Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur ce sujet ici et maintenant.

Comme vous le dites si bien, il y a 29 ans que la question de tamaziht s’est posée publiquement. Depuis, elle est réitérée pacifiquement à chacun de ses anniversaires. Le pouvoir algérien se complaît dans cette situation qui lui paraît normal et gérable. De notre côté, nous estimons insuffisante la prise en charge par l’Etat de tamaziht. Il n’y pas d’autre statut pour notre langue que celui de langue nationale et officielle. Pour ce qui est des événements du Printemps noir, j’habite Azazga, une ville qui a payé le vendredi 26 avril 2001 un tribut de chair de 6 jeunes. La ville entière était atterrée, la solidarité s’est organisée et nous avons enterré seuls nos morts. Il n’y a eu aucun officiel pour tendre la main ou apporter un quelconque soutien. Le deuil et la consternation sont aujourd’hui encore dans le cœur de chacun des citoyens.

Dans de telles conditions, le deuil persiste, la rancœur aussi tant que justice n’est pas rendue pour apaiser les peines et refouler tous les ressentiments.

Sur le plan des acquis, tamazight a-t-il gagné du terrain depuis ?

Non. Il en a perdu. Si on considère que la création du HCA est une avancée, je dirai oui tout en laissant la parole aux cadres sincères qui l’animent et qui sont muselés. Comment peut-on croire un seul instant que cet établissement qui relève théoriquement de la présidence de la République puisse fonctionner ? Puisque c’est de là que tous les blocages émanent.

Les anciens militants berbéristes ont, dans leur majorité, rejoint les partis politiques juste après l’ouverture démocratique de 1989, ces partis ont-ils porté la revendication de toute la Kabylie ou l’ont-ils instrumentalisé pour d’autres fins, autres que celles recherchées avant par les animateurs du mouvement ?

Personnellement, je suis fier d’avoir été un membre fondateur du RCD. Je souhaite à ce parti une longue vie.

Oui, notre éparpillement dans les partis ne signifie pas une extinction. Bien au contraire. Nous sommes agissants au MAK, au RCD, au FFS et dans d’autres structures.

Je salue à cette occasion tous nos militants qui ne peuvent s’exprimer et qui ont le sentiment d’être abandonnés.

Je sais qu’ils sont là, qu’ils ne demandent qu’à agir et nous nous sommes donné rendez-vous pour le 20 avril.

Bouteflika a promis un haut conseil et une académie pour la langue et culture amazighes, selon vous, ces deux acquis constituent-ils une avancée pour le combat ?

Avant de vous répondre, je m’excuse auprès de vous, M. Mouloudj. Il n’y a qu’une réponse à votre question. M. Bouteflika a donné sa parole pour recevoir Enrico Macias qui en a exprimé le désir ardent de revoir sa terre natale. Q’en est-il aujourd’hui ?

Vous avez chanté avec Ferhat Imazighen Imula dans la célèbre chanson aâettar, racontez-nous, un peu, cette période ?

Cette chanson de Ferhat ou de Imazighen Imula, a été une production spontanée au service de notre patrimoine culturel. Elle date de 1973. Je vous remercie de l’avoir évoquée. Nos militants et tous les Kabyles savent qu’elle leur est dédiée, assa d uzekka. Elle reste une preuve supplémentaire que Ferhat Mehenni et le MAK ont dévolu leur existence pour la paix et à la solidarité de notre Algérie et de à notre Kabylie que nous portons dans nos cœurs indéfiniment.

Propos recueillis par Mohamed Mouloudj

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