“L’argent et les hommes existent”

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Abdelaziz Bouteflika a tenu son meeting en Kabylie. Il a réussi son pari au même titre que l’événement lui-même qui a tenu ses promesses. Tizi Ouzou a reçu son invité dans les pures traditions de la région. A l’accueil chaleureux des uns, et ils étaient majoritaires, d’autres ont lancé leurs slogans habituels pour tenter de saborder l’événement.Il n’en était rien, puisque le président de la République a fait son apparition dans le stade de 1er-Novembre de Tizi Ouzou sous les acclamations de milliers de personnes venues des quatre wilayas environnantes, à savoir Bouira, Béjaïa et Boumerdès, en plus de Tizi Ouzou.La symbolique du lieu et l’histoire de la région ont constitué le prélude du discours de Bouteflika qui n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé aux martyrs de la région en citant Krim Belkacem, Mira, Mohand Oulhadj et d’autres encore. Il n’y a pas que cela, puisque comme attendu, la crise de Kabylie et la spécificité même de la région ont eu leur part dans le discours présidentiel. A commencer par les retards constatés sur le plan économique. « Vous avez un retard immense par rapport à d’autres régions du pays », a dit le Président avant de préciser que « l’argent et les hommes existent, et on peut rattraper le terrain ». Aux cris de quelques dizaines de jeunes qui se sont mis à scander « Ulac smah Ulac », Bouteflika a indiqué que « le developpement se fait par le travail et non par des slogans et du grabuge ». « ous êtes le cœur palpitant de l’Algérie », a crié le président Bouteflika à trois reprises sous des tonnerres d’applaudissements et des cris de joie qui ont réussi à camoufler les quelques voix opposantes que l’orateur invitera à faire leurs preuves « dans les urnes ». C’est parce que le pouvoir et la Kabylie entretiennent des relations tumultueuses depuis l’indépendance, que Bouteflika appelle à « briser l’obstacle psychologique qui nous sépare », et que « nous sommes des Amazighs arabisés par l’Islam ». Il fera à l’occasion un clin d’œil aux étapes franchies dans la reconnaissance de la langue et l’identité amazighes en rappelant que « personne depuis l’indépendance de l’Algérie, personne n’a fait pour cette langue ce qu’on a fait ». Plus précis, le chef de l’Etat rappellera encore que « l’introduction de la langue amazighe dans la constitution comme langue nationale est un acte de courage qu’il faut prendre à sa juste mesure ». Cela n’a pas été fait facilement, selon toujours Abdelaziz Bouteflika, qui croit savoir que si la question était soumise à référendum populaire, le « peuple pouvait ne pas accepter ». Enfonçant encore les partis de la région, Bouteflika dira que « tamazight n’est la propriété ni des partis politiques ni des personnes » et son introduction dans la constitution « est un acquis pour toute l’Algérie ». Mais contrairement aux attentes de certains, le chef de l’Etat n’a soufflé mot sur l’officialisation de la langue berbère, ni d’ailleurs sur le dialogue en cours entre le gouvernement et le mouvement des archs. Juste cette récurrente référence au « dialogue » pour régler tous les problèmes. Le Président n’a aussi parlé des événements du Printemps noir que pour lier le retard dans le développement économique aux « événements du terrorisme » mais aussi aux évènements qui “se sont déroulés ces dernières années et que vous connaissez tous ». Ce n’est pas tout. Bouteflika invite également les Kabyles à la réconciliation. « En dehors du terrorisme », a-t-il précisé avant de clarifier que « les choses ne se règlent pas sur une chaise de l’opposition ». concernant l’autonomie, Sans être vraiment explicite, Bouteflika avancera qu’il est « certain que les habitants de la région ne veulent pas un autre pays que l’Algérie (…) Nous avons un seul drapeau et il est en vert, rouge et blanc. C’est notre seul emblème et nous n’accepterons pas un autre ». Et il a beaucoup insisté sur le plan économique en disant que « l’argent dort. Il faut plus de volonté et d’honnêteté pour rattraper le train de la mondialisation qui nous a trop dépassé ». Pour le reste des problèmes, notamment sociaux, Abdelaziz Bouteflika a dit qu’il est conscient du problème. « Il y aura du travail pour tous. Nous allons régler les problèmes du chômage, du logement, de l’eau… il n’y a pas un qui ne sera pas réglé », a-t-il promis. poursuivantt son discours il fait savoir « ceux qui ne sont pas d’accord n’ont qu’à voter contre la charte ». Peuvent-ils le faire ? Bouteflika répond que oui puisque « l’ère du parti unique est révolue » et que « le multipartisme est irrévocable ». Ceci dit, le Président n’a pas apprécié « ceux qui appellent les étrangers à trouver les solutions à nos problèmes ». Référence à Saint Egidio ? Peut-être, Mais le Président s’interroge sur le fait que « nous sommes dans une région qui a reçu le plus d’ambassadeurs étrangers ». Revenant au sujet de l’heure, la charte pour la paix et la réconciliation nationale, Abdelaziz Bouteflika, a déclaré qu’il « savait que la concorde civile n’allait pas régler tous les problèmes. Ce n’était qu’un vaccin suffisant à l’époque et la réconciliation nationale d’aujourd’hui n’est en fait qu’un rappel ». Le président de la République a prononcé cette phrase en français, qu’il a d’ailleurs souvent utilisé. « Les résultats de cette politique sont là », a-t-il encore clamé avant de préciser que cela est le fait « d’abord d’hommes sincères, de militaires, de patriotes et des services de sécurité ». Le calme retrouvé est le fait de ces gens-là, d’après lui. « Quinze ans barakat », a clamé encore le président Bouteflika non sans préciser qu’ »il n’y a pas meilleure solution actuellement que la réconciliation nationale ». Se disant incapable de donner le nombre de morts, ni les responsables des disparitions, il a par contre annoncé qu’il « est obligé de gérer la situation telle qu’elle est”, mais refuse qu’on impute les disparus au seul fait « des services de sécurité ». Abdelaziz Bouteflika dira qu’il est conscient que le projet de charte « peut ne pas plaire à certains », mais « il faut payer un autre tribut pour parvenir à la paix ». Une paix qui fera de l’Algérie le dragon de l’Afrique et même du monde » dans les dix prochaines années. Entre tout cela, Bouteflika a rectifié une phrase historique. Désormais on dit que « L’Algérie est mon pays, l’arabe et tamazight sont mes langues et l’islam ma religion ». Le Président fini son meeting en beauté. En saluant une dernière fois la foule sous un air de musique classique.

Ali Boukhlef

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