À Aghribs, chez Hayet, la boulangère continentale…

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Avant-hier, vendredi. En fin d’après-midi. Hayet se démenait chez elle à Aghribs pour réussir le dîner qu’elle tenait à offrir aux habitants de son village d’origine, après l’accueil grandiose qui lui fut réservé à son retour de Côte d’Ivoire. Alerte et souriante, elle veillait à ce que rien ne manquât pour remercier tous ceux qui l’ont applaudie et versé une larme de joie à l’annonce du résultat du concours. Hayet Aït Lounis, toute belle dans sa robe kabyle, venait de se voir remettre, en terre ivoirienne, le premier prix de la meilleure boulangère d’Afrique.

Qui eût cru qu’une fille des nôtres, que tout prédestinait à traire une chèvre et à ramasser une à une les olives dans les champs, allait ouvrir une boulangerie pour faire du bon pain, un pain que les hommes n’avaient réussi que sur dalle ou grâce à l’améliorant. Quels sont les sources et les secrets de la réussite de celle qui vient d’honorer sa région et son pays et qui vient de donner beaucoup de joie et une immense fierté à toutes celles qui aspirent à se délester des entraves que l’ignorance et l’obscurantisme ont fait peser sur leurs articulations et amoindri leurs membres, pourtant nantis de force ?

Hayet est née à Alger où sa famille venait de s’installer. Elle avait six ans quand elle perdit son père. Sa mère l’inscrivit à l’école primaire Réda Houhou. Quand elle quitta l’école, elle se prit à faire marcher la machine à coudre de sa mère qui lui trouva tant d’adresse qu’elle voulut faire d’elle une couturière. Mais voilà que c’est cette même mère qui finira par l’orienter faire un stage de gâteaux traditionnels. Elle avait 24 ans. En 2002, elle quitta Alger pour venir à Tizi Ouzou afin de suivre un stage d’une année en pâtisserie viennoise.

Elle retourna à Alger pour rejoindre l’INBP, l’Institut national de boulangerie et pâtisserie, pendant trois mois. Suite à cela, elle travailla dans plusieurs boulangeries avant de se perfectionner au Baking Lessaffre, toujours à Alger, jusqu’à 2008. Elle revint à Azazga où elle acquit une boulangerie. Quand elle se fit confier par son frère unique, il y a à peine six mois, un local récemment construit au lieu-dit «Sraqa», sur la RN24, certainement qu’elles étaient rares les personnes qui pouvaient l’encourager, tant la tâche semblait ardue pour une femme dans ce métier exercé seulement par les hommes.

Mais ne voilà-t-il pas que ses galettes se vendent comme des petits pains, tant elles ne ressemblent ni par la forme, ni par le goût aux autres, même à celles qui se faisaient désirer durant le mois de jeûne ! «Car, confie-t-elle, ma mère ne m’ayant jamais souri quand ma galette ressemblait à une crêpe, je me suis juré d’en faire mieux que celles qu’elle trouait, en plein milieu, de son index, après les avoir garnies de quelques graines de sésame».

Ali Boudjelil.

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