Cher, cher le sacrifice !

Partager

À quelques jours de la fête de l’Aïd, il y a peu d’engouement sur les points de vente de moutons, le marché reste timide mais les prix ne baissent pas pour autant.

L’accalmie n’est pas encore au rendez-vous au marché aux bestiaux. «Le mouton tout juste moyen n’est accessible qu’à partir de 40 000 DA. Un mouton plus ou moins potable, qui pèse environ 20 kilos, frôle les 60 000 DA alors qu’un bélier n’est accessible qu’à partir de 75 000 DA. Nous aurions bien aimé respecter la sunna, mais les prix sont trop élevés. Il ne faut pas s’attendre qu’un ouvrier, qui gagne un peu plus que le SMIG, respecte ce rite religieux», regrette un père de famille rencontré au niveau de l’Aârch de Boghni.

À Maâtkas, la situation est quelque peu spéciale, puisque quasiment toutes les familles sont comme tenues d’honorer la sunna d’Ibrahim, quitte à s’endetter à défaut de trouver des facilités de paiement. Pour épargner leurs portefeuille, beaucoup préfèrent acheter un agneau en dehors de la période de l’Aïd et l’engraisser, eux-mêmes, jusqu’au jour de son immolation. «Chez nous, tous les chefs de famille respectent la Sunna, même ceux qui ne disposent pas de moyens financiers pour acquérir une bête. Ceux-ci ont souvent recourt à l’emprunt et aux facilités de payement quand, bien sûr, ils trouvent le moyen. Pour être franc, j’ai dû moi-même emprunter 40 000 DA afin d’observer ce rite et faire plaisir à mes enfants. Ce qui me coûtera, bien sûr, une année d’économies pour rembourser ma dette.

En principe, c’est halal, d’après l’imam de notre village», dira un habitant de Souk El-Tenine. Dans beaucoup de cas, le mari et l’épouse se débrouillent comme ils peuvent pour acheter le mouton de l’Aïd, l’essentiel étant de ne pas faillir à la tradition. Certains vont jusqu’à vendre leur biens et leurs bijoux «pour être à la hauteur» le jour «J». Au marché des Ouadhias, tenu mardi dernier, les moutons occupaient la majorité des espaces. Le bétail en vente ne manquait pas, mais, là encore, les prix rebutent : pas de mouton au-dessous de 45 000 DA ! Pis, les prix peuvent aller jusqu’à 80 000 DA pour les béliers.

Questionné à propos de cette flambée, un ancien éleveur de la région et propriétaire d’une boucherie explique : «En effet, les prix sont élevés mais pour faire d’un agneau un mouton ou un bélier il faut au moins deux années d’élevage et de travail quotidien. A cela s’ajoute les frais de l’aliment, du foin et du son qui sont également trop chers. Un quintal d’aliment de bétail coûte, par exemple, 4 000 DA, une botte de foin se vend à 700 DA et un quintal de son à 2 400 DA. Il y a aussi la prise en charge vétérinaire (médicaments, vaccins et vitamines) qui coûte aux éleveurs les yeux de la tête.

La hausse des prix du mouton s’explique aussi par la hausse des frais de son élevage. Pour ramener de l’accalmie, il faut commencer par réduire le prix de l’alimentation destinée au bétail et celui des médicaments». Cependant, bien qu’on se plaigne de la cherté du mouton, des gens en achètent, est-il constaté. Certains diront attendre «le bon moment» pour acquérir une bête «à moindre prix». Par «bon moment» ils entendent les tous derniers jours précédant l’Aïd. Or, il n’est dit nulle part que les prix baisseront au fur et à mesure que l’Aïd approche.

A l’occasion de cette fête, qui se perpétue depuis des siècles pour créer de la joie et renfoncer l’union, la fraternité et d’autres valeurs ancestrales, les plus sages ne cessent de rappeler qu’une grande partie de la viande de l’animal immolé doit surtout profiter aux nécessiteux, au lieu d’être conservée pour la seule consommation familiale, dans les congélateurs ou séchée à la traditionnelle. Du temps du prophète Mohammed, notamment en période de disette, il était demandé aux gens aisés de ne prendre qu’un seul repas de viande de mouton pour leurs familles. Le reste devait être réparti sur les pauvres. Autre temps, autres mœurs !

Hocine T.

Partager