Hormis quelques administrations…

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Tamazight, langue nationale et officielle, peut se targuer désormais d’avoir sa place dans la constitution certes, mais demeure timidement, pour ne pas dire rarement, utilisée dans un environnement ayant fait de cette langue une revendication majeure au cours d’un combat mené par plusieurs générations.

Dans les années 1990, juste après l’avènement du multipartisme, les rues des villes de la wilaya de Bouira, et même celles du chef-lieu étaient dotées de pancartes sur les devantures des magasins et échoppes en tamazight.

Seulement au fil du temps, force est de constater que l’engouement pour cette langue a disparu auprès des propriétaires de ces commerces qui ont migré vers la langue arabe ou française pour décliner le nom de leurs boutiques. Même si parfois la baptisation du local est à consonance kabyle, le nom est transcrit… en caractère arabe.

Les cafés «Lalla Khedidja», «Massinissa», «Jugurtha» affichent désormais leurs pancartes sur leurs devantures mais autrement qu’en tamazight et cela est un bien triste constat. Même topo au niveau des appellations des bus et autocars qui auparavant effectuaient les dessertes à travers d’autres wilayas, notamment vers la Capitale et dont la simple lecture des noms ne pouvait laisser indifférents, à l’image de «El vaz N’swahel», «Amsedrar», «Levraq» qui sont tous devenus aujourd’hui des SARL de transports en affichant juste le nom de leurs propriétaires.

Les rues, avenues et boulevards, eux, demeurent tous en attente de transcription en langue amazighe, même si les administrations ont pris les devants en incluant le tifinagh sur les frontons des institutions publiques, tels le siège de la wilaya, de daïras ou d’APC ou encore les différentes directions de wilaya.

Ceci dit, ces frontons en tifinagh sont tout de même un acquis reconnaissable adopté également par Algérie Poste et autres services publics, contrairement au secteur privé où l’on ne voit jamais des panneaux en tamazight pour les écoles de langues privées, les crèches, ou encore les agences de voyage qui pullulent dans l’ensemble des villes. Même les salles des fêtes qui auraient pu miser sur des accroches en tamazight ont préféré s’abstenir.

Les conjonctures actuelles se prêtant pourtant parfaitement à cette réalisation de pancartes en tamazight, il est pour le moins incongru que son officialisation puisse avoir l’effet inverse auprès d’une population qui n’a eu de cesse de se sacrifier pour la survie de cette langue mère. Le rôle des politiques et du mouvement associatif est-il encore à souligner dans cette carence remarquée ?

Apparemment oui, car la semaine dernière et pour des raisons que l’on ignore, le carré des martyrs de la ville d’El-Esnam, à 13 kilomètres à l’Est de la ville de Bouira, a vu remplacer son ancien fronton en tamazight, usé par les intempéries, changé en un fronton neuf où seules figurent les langues française et arabe ! Même les panneaux d’indication en tamazight font défaut hormis quelques localités de la région Est de la wilaya qui arborent courageusement un «Ansuf yeswen» avec le nom de la ville dont elle dépend.

Dans la région berbérophone, l’enseignement de cette langue se maintient contre vents et marées, contrairement au reste du territoire de la wilaya où son caractère facultatif l’empêche de prendre correctement son essor. Tamazight est une langue pour laquelle la frilosité de certains la confine tout bonnement dans une inextricable cacophonie.

Hafidh Bessaoudi

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