Un événement historique et pacifique

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La goutte qui a fait déborder le vase a été l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri qui devait avoir lieu le 10 mars 1980. L’auteur de « Poèmes kabyles anciens » se voit « stoppé » dans son chemin vers l’université de Tizi-Ouzou au niveau de la ville de Draâ Ben Khedda par des policiers qui le conduisent vers le siège de la wilaya, où le chef de cabinet l’informe que sa conférence est interdite.

L’information se propage comme une traînée de poudre. La colère gagne vite la population et le lendemain, la rue enregistre les premières manifestations. Le 12 mars, une lettre ouverte est adressée au président de la République, Chadli Benjedid, à l’issue d’une assemblée générale des étudiants. Après l’université, de nombreux lycées adhèrent au mouvement de protestation.

À l’université, les événements s’accélèrent. Puis, un article paru dans le journal « El Moudjahid » et s’en prenant à Mouloud Mammeri met le feu aux poudres. Le texte est intitulé : « Les donneurs de leçons ». El Moudjahid refuse de publier la réponse de Mouloud Mammeri même après que ce dernier eut été reçu par Abdelhamid Mehri, qui était ministre de l’Information.

Une semaine après l’interdiction de la conférence, les étudiants manifestent à Tizi Ouzou. Le rassemblement des étudiants à Alger, le 1 er mai 1980, est réprimé alors que l’université de Tizi Ouzou entame une grève illimitée. Une contre-manifestation est organisée à Tizi Ouzou par le FLN. Le 13 avril, les travailleurs de l’hôpital s’impliquent dans le mouvement et trois jours plus tard, toute la Kabylie est paralysée par une grève générale.

Cette journée est décisive puisque le mouvement atteindra plusieurs secteurs d’activités dont les usines de Sonelec (Eniem), Sonelgaz, Sonitex (cotonnière de Draâ Ben Khedda), en plus des étudiants, des enseignants, des lycéens… Mais pourquoi c’est la journée du 20 avril qui est restée dans les annales ?

Et bien tout simplement parce que c’est en cette journée que l’assaut avait été donné par les forces de répression notamment dans les résidences universitaires. Une intervention qui s’est déroulée sans qu’il n’y ait aucune victime. En revanche, on déplore des centaines d’arrestations. Une grève générale touche de nouveau toute la Kabylie.

À partir de ce 20 avril, des actions de protestations, des grèves et des heurts marqueront quotidiennement plusieurs villes de Kabylie. Ce n’est que le 25 avril que le calme est, un tant soit peu, revenu. Entre-temps, vingt quatre militants de premier plan du mouvement berbère sont arrêtés et déférés devant la cour de la sûreté de l’Etat de Médéa. Afin d’exercer une pression pour leur libération, une grève générale paralyse de nouveau la Kabylie le 18 mai puis, le lendemain, une manifestation a eu lieu à Alger pour dénoncer la répression. Ce n’est que le 25 juin 1980 que les 24 détenus sont libérés et accueillis dans un climat de liesse par les citoyens dans la ville de Tizi Ouzou.

Aomar M.

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