Il y a 58 ans, la bataille de Vougarfène

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Le 58e anniversaire de la grande bataille du 6 janvier 1959, dite «La bataille de Vougarfène», a été célébrée à Tizi-Ouzou et à Aït Yahia Moussa qui en fut le théâtre.

La bataille, qui a vu tomber pas moins de 385 valeureux combattants de l’ALN, a été commémoré cette année, tout d’abord, la veille, au niveau du musée régional du moudjahid de M’Douha (Tizi-Ouzou). Une rencontre animée par des rescapés de cette bataille, tels Rabah Bendif, Hocine Chettabi, Abdellah Dellys, Sana Ramdane, Challal Med Saïd et Naili Ali, dont les souvenirs restent vivaces. «Ayant eu vent de la réunion qui devait se dérouler à Tizra Aissa, le village natal de Feu Krim Belkacem, entre les chefs des wilayas III, IV et VI, en l’occurrence les colonels Si Amirouche, Si M’Hamed Bouguerra et Si El Haouès, l’armée française mobilisa toutes ses forces dans la région, pour mettre en échec cette rencontre et capturer ces valeureux chefs. Feu colonel Si M’Hamed Bouguerra était le premier arrivé sur les lieux suivi du colonel Si El Houès. Le commandant Azzedine était également attendu, venant par la localité de M’Kira, escorté par une compagnie de l’ALN qui prendra part aux combats», racontera le premier intervenant. Selon les témoignages des rescapés, bien qu’un mouvement inhabituel des forces françaises fût perceptible la veille, on était loin d’imaginer que la mèche eut été vendue. «C’est tôt, dans la matinée de ce 6 janvier 1959, avant les premières lueurs de l’aube, que, parti pour une mission de reconnaissance dans les environs immédiats d’Aït Yahia Moussa, notre groupe tomba presque nez à nez avec des soldats français qui avaient profité de la nuit pour s’approcher, à pieds, en venant du côté de Draâ Ben Khedda. Et c’est à partir de ce moment que débuta le combat qui allait prendre une ampleur inimaginable pour devenir un véritable enfer. Très vite en effet, les armes légères laissèrent place à l’artillerie, aux bombardements au napalm. Et quand les munitions furent épuisées, il y eut un intense combats de corps à corps», témoignera le moudjahid Rabah Bendif, qui était dans la Compagnie de la région II sous le commandement de feu Hamraoui Akli, dit Chemchem, un adjudant de l’armée française d’Indochine. Pour sa part, M. Hocine Chettabi, qui était chef de front à Aït Yahia Moussa et actuellement chef de la Kasma locale des moudjahidine de ladite localité, blessé au napalm lors de cette bataille, soulignera le courage des combattants, la clairvoyance et le sang froid de leurs chefs : «Notre chef militaire, le lieutenant Si Moh Oulhadj Belaouche de Tafoughalt (zone IV), en constatant que les troupes françaises commençaient à reculer pour laisser place à l’artillerie et à l’aviation, nous a ordonné de poursuivre les soldats français et de les harceler afin de les pousser au combat au corps à corps pour nous éviter les bombes de l’artillerie et de l’aviation si nous restions à découvert». L’armée coloniale, qui avait enregistré de nombreux morts et blessés, évacués par un incessant va et vient des hélicoptères, ne se remettra pas de la capture et de la mort du lieutenant Chassin et de son sinistre capitaine des parachutistes, son héros d’Indochine et non moins tortionnaire, le fameux Grazziani, à qui seront réservées des funérailles officielles. M. Sana Ramdane quant à lui se souviendra : «Lors de la cérémonie d’inhumation des martyrs tombés au cours de cette grande bataille, le colonel Amirouche, dans son oraison funèbre n’avait pas hésité à déclarer que c’est le sang de ces martyrs-là qui allait arracher l’indépendance de l’Algérie».

Transfert des ossements du chahid Hocine Chentouf au carré des martyrs

Avec ses 385 martyrs tombés les armes à la main, originaires de presque tout le territoire national, la commémoration annuelle de cette bataille du 6 janvier 1959, dite la bataille de «Vougarfène» du nom de ce versant Nord de la colline d’Ighil L’vir, n’est pas exclusive à la localité, mais appartient à l’Algérie entière. Et comme à chaque commémoration, de nombreux citoyens sont venus se recueillir sur les lieux. Pour cette année, outre le traditionnel dépôt de gerbes de fleurs au niveau du carré des martyrs érigé à Ighil L’Vir, en présence des autorités civiles et militaires, à leur tête M. Abdelmadjid Thabet, du chef de la daïra de Draâ El-Mizan, de M. Saïd Boughedda le P/APC d’Aït Yahia Moussa, ainsi que de MM. Hocine Chettabi et Ali Iabadène, respectivement chefs des kasmas de l’ONM d’Aït Yahia Moussa et Draâ El-Mizan, des associations d’enfants de chouhads, d’anciens moudjahidine de nombreuses régions, ce carré des martyrs a accueilli une nouvelle tombe, celle de feu Hocine Chentouf tombé au cours de cette bataille et qui fut enterré à Imezoughène, un village voisin, dans un buisson. Et c’est après le retour du cortège du haut de Bougarfène, à la maison de jeunes Frères Cherchar du chef-lieu où s’est tenue également une exposition de photos et d’écrits sur cette bataille, que les rescapés de cette bataille ont livré leurs témoignages. «Nous sommes fiers de l’histoire de notre localité, un des berceaux de la glorieuse révolution, qui a vu naître l’un des signataires des accords d’Evian, Krim Belkacem. Elle fut également et surtout un grand point de ralliement de l’armée de libération, ayant accueilli presque tous les chefs de la révolution», nous déclare l’un des membres de l’association «Tarwa n’Krim Belkacem» coorganisatrice de cette commémoration, en collaboration avec la maison de jeunes, l’APC et la kasma de l’ONM.

Essaïd Mouas.

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