Un vestige historique en dégradation

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Située en périphérie nord du chef-lieu de la commune de Saharidj, la source Tala Larevaa a subi une série de dégradations suite à la réalisation de nombreux ouvrages hydrauliques sur le site.

Ces ouvrages ont nécessité des travaux de terrassements et de décapage qui ont défiguré le site abritant la source. Il s’agit de deux réservoirs de 100 m3 chacun, une chambre de répartition et un tronçon du réseau du transport d’AEP du captage El Ainser Averkan (source noire). À chacune de ces opérations, les godilles des engins de travaux publics déterrèrent des pierres et autres pièces archéologiques qui, soit disparaissaient, soit étaient ensevelies de nouveau dans les déblais. Cette source millénaire est l’un des plus anciens points de la région de M’chedallah. En effet, c’est la plus connue aussi en raison de sa fameuse eau thérapeutique et riche en sels minéraux, un patrimoine qui n’est pas tombé dans l’oubli dans la mémoire collective du fait de son emplacement au centre du village du vieux Saharidj, ce qui fait qu’elle est utilisée depuis des siècles par les villageois. Lors de la première opération d’aménagement de cette source dans les années 90, l’engin qui intervenait sur le site a déterré des restes d’anciennes poteries datant de l’ère romaine, soit des « jarres et des amphores », ainsi que plusieurs briques pleines bien connues comme étant un produit purement romain. La population présente lors de cette opération d’aménagement parle de la découverte d’une canalisation souterraine réalisée à l’aide de ces briques ; ce qui laisse supposer que cette source a été ramenée de loin par les romains. Le gisement de terre rouge d’où a été tirée la matière ayant servi à la fabrication des briques, jarres en argile et amphores est à peine à 200 mètres de la source au lieu dit « Ifri Aïcha » ainsi qu’un autre gisement d’argile, celui de « Thafza ». L’endroit d’où est extraite cette terre, une grotte, existe toujours, ainsi que les vestiges du four où sont cuits ces produits. Ce village du vieux Saharidj situé en périphérie de l’actuel Saharidj centre garde encore le qualificatif du village romain « Thaddarth na roumane ». L’histoire populaire raconte que cette source baptisée « Thala Larvaâ » tire son nom de l’endroit ou elle fut érigée : au marché hebdomadaire durant la période romaine et qui se tient tous les mercredis, un marché déplacé par les Français vers M’chedallah immédiatement après leur arrivée aux environs de 1860 et qui se tient à l’heure actuelle tous les mardis. D’autres découvertes récentes renforcent cette thèse de la présence romaine dans ce village. En 2006, lors de la réalisation d’un réseau d’assainissement à l’autre extrémité du vieux-Saharidj (sud-est), une pierre plate d’environ 1,50 m de diamètre a été ramenée à la surface par un engin des services des travaux publics (DTP) qui intervenaient sur les fouilles. Le lieu de la découverte de cette importante pièce archéologique est appelée « Lemhela » soit « bataillon » dans l’ancienne langue kabyle. Sur cette pierre est gravée un dessin rupestre d’un homme à côté d’une potence et en dessous des inscriptions en tifinagh où l’on peut lire « romane, thametsant » soit « les romains, la mort ». Le dessin dans son ensemble montre un prisonnier berbère, condamné à mort, que les romains s’apprêtent à pendre. Le nom de cette parcelle de terrain Lemhela ajouté à la pierre découverte aux traces romaines de Tala Larvaâ, et l’ancien qualificatif de ce village (thaddarth n romane) confirment de façon claire que les romains ont vécu longtemps en ces lieux. De grosses pierres façonnées et éparpillées sur les lieux de découverte de la pierre laissent supposer qu’il s’agit d’une caserne ou d’une prison. Le choix de cet endroit par les romains répond à plusieurs critères : d’abord, Saharidj est un grand terrain plat en haute montagne, une position stratégique facile à défendre et qui offre ensuite toutes les conditions nécessaires pour un long séjour, de l’eau à profusion, des terrains cultivables et fertiles et enfin ceinturés par plusieurs villages berbères qu’il faut tenir à l’œil et surveiller de près. Une position hautement stratégique qui n’a pas échappé à l’armée française qui a installé le premier poste avancé de toute la région de M’chedallah renforcée par une caserne des célèbres S.A.S avec leurs centres de renseignements et de torture.

Menace sur l’Histoire

Tous ces vestiges qui traduisent un important parcours historique de la région sont à l’heure actuelle en phase d’effacement et voués à disparaître à jamais dans un proche avenir faute de leur prise en charge par les organismes concernés. Il y a lieu de noter que la source elle même a été sauvée de justesse par une opération d’aménagement lancée dans les années 1990 par le DEC de l’époque. Mais le reste de la surface qui frôle les deux hectares qui renferment ces vestiges est complètement saccagée par ces ouvrages évoqués.

Oulaid Soualah

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