Dans cet entretien, la directrice de l’Agence nationale de gestion du microcrédit de Béjaïa nous parle du rôle de l’Angem, des résultats obtenus et des perspectives d’avenir de l’agence qu’elle dirige.
La Dépêche de Kabylie : Quels sont les types de crédit qu’octroie l’Angem ?
Ouachek Lila : L’Angem gère dans le cadre du microcrédit deux types de financement : un prêt non rémunéré financé à 100 %, au titre de l’achat de matières premières dont le coût ne dépasse pas 100 000,00 DA mais qui peut atteindre 250 000,00 DA dans les wilayas du Sud. Il est destiné au financement de ceux ou celles disposant d’un petit équipement et d’outillage mais qui sont dépourvus de moyens financiers pour l’achat de matières premières afin d’entreprendre et/ou relancer une activité. Son délai de remboursement peut aller jusqu’à 36 mois. Il y a aussi un crédit sans intérêt destiné aux projets dont le coût ne dépasse pas 1 000 000, 00 DA, faisant appel à un montage financier avec une banque, au titre de la création d’une activité par l’acquisition de petits matériels, de matières premières de démarrage et le paiement des frais nécessaires au lancement de l’activité.
Le financement se présente comme suit : un prêt bancaire de 70 %, bonifié à 100 %, un prêt Angem non rémunéré de 29 % et un apport personnel de 1 %. Son délai de remboursement peut aller jusqu’à huit (8) années avec un différé de trois (3) années pour le remboursement du crédit bancaire. Ces crédits concernent l’aspect ou les services financiers de l’agence, car nous proposons aussi des services non financiers. Accompagnement, conseil, soutien et assistance technique des promoteurs, l’Angem assure un accueil et un accompagnement gracieux et personnalisé des populations, compte tenu de leurs spécificités. Il existe également un suivi de proximité régulier, visant la pérennisation et la rentabilité sociale et économique des activités créées.
Des formations sont dispensées aux bénéficiaires. Elles sont adaptées au niveau d’instruction des promoteurs et à la taille des activités créées. Une formation à la gestion des très petites entreprises (GTPE), avec différents modules, tels le management, le calcul des coûts, la comptabilité, la gestion du stock est aussi dispensée. Une autre formation à l’éducation financière, assurée aux bénéficiaires des crédits non rémunérés allant jusqu’à 100 00, 00 DA, a trait à l’épargne, aux institutions financières, aux tests de validation des acquis professionnels. Une grande partie des populations ciblées est dépourvue de diplômes pour prétendre à des crédits bancaires bien qu’elle jouisse d’un savoir-faire.
L’Angem l’accompagne auprès des institutions et organismes, dont les centres de l’enseignement et de la formation professionnelle ou la Chambre de l’artisanat et des métiers pour valider et attester ces savoir-faire. Sans oublier l’organisation de Salons d’exposition/vente, de Salons d’exposition et de vente des produits issus des activités développées dans le cadre du microcrédit, notamment au profit des femmes travaillant à domicile, la mise en ligne d’un site web dédié aux annonces gratuites des promoteurs et la création de réseaux de promoteurs.
Le site, ou annuaire, a pour finalité l’aide à la commercialisation. Il permettra aux promoteurs bénéficiaires de faire la promotion de leurs produits et des services réalisés. Aussi, nous avons créé des réseaux de promoteurs, selon le domaine d’activité, le but étant de susciter des échanges dans le domaine du savoir-faire entre les bénéficiaires.
On parle de plus en plus de l’extension de l’activité, après remboursement. Pouvez-vous expliquer un peu plus dans le détail les avantages accordés aux promoteurs ?
L’Angem essaie au maximum de maintenir une attractivité du dispositif du microcrédit, en adaptant régulièrement et autant que possible les besoins exprimés par les demandeurs de microcrédits ou les promoteurs en activité. Ainsi, en vertu du décret exécutif n°19-137 du 29 avril 2019, complétant le décret exécutif n° 04-15 du 22 janvier 2004, qui fixe les conditions et le niveau d’aide accordé aux bénéficiaires du microcrédit, il est mentionné qu’il est accordé aux promoteurs ayant bénéficié d’un prêt pour l’achat de la matière première et ayant déjà remboursé la totalité du montant du premier prêt, un nouveau prêt non rémunéré, au titre de l’achat de matière première. Celui-ci ne dépasse pas 100 000,00 DA. Un nouveau prêt non rémunéré, au titre de la création d’activités, destiné à l’acquisition de petits matériels et de matières premières nécessaires au démarrage du projet, complétant l’apport personnel du bénéficiaire et le crédit bancaire. Le montant de ce prêt est fixé à 29 % du coût global de l’activité, qui ne dépasse pas 1 000 000, 00 DA.
Pouvez-vous dresser un bilan du nombre de crédits octroyés et de projets financés depuis le début de l’année dans la wilaya ?
Les réalisations de la direction de l’Angem de la wilaya de Béjaïa sont satisfaisantes. Au titre de l’année en cours et jusqu’au 31 mai 2019, nous avons financé 158 prêts non rémunérés pour l’achat de la matière première, dont 108 femmes ont bénéficié (soit un taux de 68,35 %). La tranche d’âge intéressée par ce type de financement se situe entre 30 et 39 ans. Concernant le financement triangulaire, allant jusqu’à 1 000 000, 00 DA, nous avons financé 57 projets au total, avec une participation de 45, 61 % de femmes. Les personnes âgées entre 18 et 29 ans sont les plus demandeuses de ce genre de crédits.
Plusieurs conventions ont été signées avec d’autres organismes. Quels sont les objectifs de ces accords ?
Effectivement, de nombreuses conventions ont été signées par l’Angem avec différents organismes et administrations. Concernant les conventions locales, la direction de la wilaya de Béjaïa a signé une convention tripartite (direction de l’emploi-Angem de Béjaïa-DEFP de Béjaïa), en date du 12/05/2005. L’objectif de cette convention étant d’arrêter les conditions et les modalités de partenariat entre les différentes parties sur la promotion du microcrédit, au niveau des établissements de l’enseignement et de la formation professionnelle, par l’accompagnement des stagiaires et l’organisation de journées d’information et de vulgarisation aux sections sortantes.
Une autre convention locale a été signée entre l’Angem de Béjaïa et le CFPA de Sidi Aïch, en mai 2007. Elle porte sur la formation et les tests de qualification des promoteurs. Ainsi, le CFPA de Sidi Aïch a convenu d’accueillir des chômeurs promoteurs de la wilaya de Béjaïa, en vue d’une formation et/ou de test de qualification. D’autres partenariats ont fait l’objet de convenions : convention de partenariat sur la promotion du microcrédit, au niveau des établissements de l’enseignement et de la formation professionnelle, signée le 15/03/2005 ; convention de partenariat entre le ministère de la Solidarité et le ministère de la Justice sur la réinsertion sociale, suivi et accompagnement des détenus, en vue de la mise en place de leurs activités pour bénéficier des programmes et des dispositifs de réintégration proposés par le ministère de la Solidarité, signée le 21/10/2009.
Les servies décentralisés du de la tutelle coordonne son travail avec le juge d’application des peines, en vue de l’organisation de journées d’information et de sensibilisation destinées aux détenus ayant suivi une formation professionnelle et ayant un savoir-faire ; convention de partenariat avec le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales et le ministère de la Solidarité. Elle doit prendre en charge les gardes communaux à la retraite et les ayants droit des employés décédés, afin de bénéficier des programmes dans le cadre de la convention signée en mai 2015. Mais aussi, une convention de partenariat, signée en novembre 2017, entre l’Angem et la CNAM (Chambre nationale de l’artisanat et des métiers), ayant pour objectif la promotion et la création d’activités dans le secteur de l’artisanat et l’insertion professionnelle des porteurs de projets.
La dernière convention date du 10/02/2019. Elle a été signée entre l’Angem et l’ADS (Agence du développement social), dont l’objectif est d’accompagner les populations vulnérables sans revenus ou disposant de petits revenus instables et irréguliers. Sont concernées, en particulier, celles résidant dans les zones rurales, pour leur réinsertion économique et sociale.
Quels sont vos engagements à l’effet d’assurer l’insertion sociale des détenus et de ceux sortis des centres de rééducation ?
Dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de partenariat conclue entre l’Agence nationale de gestion du microcrédit et la Direction de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion (ministère de la Justice), en date du 21/10/2009, notre direction, en collaboration avec le juge d’application des peines, organise des journées de vulgarisation et de sensibilisation avec ces centres pour la réintégration des ex-détenus de la wilaya. Son but : faire connaître les possibilités qu’offre notre agence aux personnes ayant accompli leur peine de prison et leur réintégration dans la société afin de leur éviter toute récidive. Des journées de sensibilisation organisées au niveau des quatre (04) établissements pénitenciers que compte la wilaya, à savoir : Oued Ghir, Béjaïa, Kherrata et Akbou. Une réunion trimestrielle est organisée avec les différentes parties afin de rendre compte de l’avancement et de l’application de cette convention.
L’Angem a des cellules d’accompagnement dans presque toutes les daïras. Sont-elles au diapason ?
Afin d’assurer les missions qui lui sont confiées, notre dispositif est soutenu par des cellules d’accompagnement étalées sur les 19 daïras, couvrant presque toute la wilaya, ainsi que les communes à forte densité démographique. Les cellules de l’Angem sont dirigées par des accompagnateurs de daïra, ayant pour mission le soutien, le conseil, le suivi et l’assistance techniques des promoteurs demandeurs de crédits. Un travail de coordination est assuré entre toutes les cellules. Cette organisation représente un modèle idoine pour le travail de proximité et la réduction des délais nécessaires pour des prises de décisions rapides et adéquates.
Quelle évaluation faites-vous du dispositif Angem dans la wilaya de Béjaïa ?
Presque 15 ans après la mise en place de ce dispositif d’aide à la création d’entreprises par l’état, qui a permis de redonner espoir à des jeunes chômeurs d’intégrer le monde du travail, conformément aux statistiques cités, nous pouvons estimer que l’impact de ce dispositif (microcrédit) est assez positif sur le développement économique et social des bénéficiaires de notre wilaya.
Notre agence finance tous les secteurs d’activités : agriculture, artisanat, services, pêche, BTP, même le commerce. Nos crédits contribuent à la lutte contre le chômage et la précarité dans les zones urbaines et rurales, en favorisant l’auto-emploi, le travail à domicile et les activités artisanales et de métiers, en particulier chez les populations féminines.
Entretien réalisé par Achour Hammouche