Le 5 juillet, notre mémoire

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L’indépendance acquise, nous l’avons fêtée comme nous n’avions jamais célébré une telle occasion. Nous étions trop jeunes pour comprendre ce qui se manigançait sur notre dos. Nous chantions «Ikhwani la tansaou chouhadakoum» avec la sincérité de l’enfant d’alors. Les villes comme les villages étaient saouls, la population dansait, chantait et criait à tue-tête.

Après coup, bien plus tard, nous nous sommes rendu compte que c’était normal, nous célébrions notre liberté retrouvée, nous fêtions notre indépendance, nous exaltions nos martyrs et nos vivants, les moudjahidine étaient notre étendard. Pour cette opportunité, nous avions tous les droits d’exulter, d’exprimer notre joie, notre délire, notre allégresse, en nous laissant emporter par cette liesse incomparable.

Aujourd’hui, quand on regarde cette période, nous nous laissons entendre que ce n’était rien qu’une fête, pas plus. Ce qui nous avait amené à festoyer à perdre haleine, ce jour-là, n’était que la partie visible de l’iceberg, que la partie palpable d’une arène, où se jouaient tous les tours de passe-passe. Ce jour que nous évoquons avec délectation, avec ferveur, avec une pensée pour ceux qui ont donné leur vie pour que vive notre pays, avec une pincée de regret pour ses martyrs. Ne voilà-t-il pas qu’on nous remet en place, pour nous montrer la voie à ne pas prendre, à ne pas suivre, à ne pas cheminer quoi qu’il advienne.

Ne sachant pas dans quel sens donner à notre regard, donner de l’importance à ce qui nous parait tout à fait plausible est en fait faux et exagéré. Qu’à cela ne tienne, nous irons par monts et par vaux

parcourir toutes nos montagnes, du Djurdjura au Hoggar, des Aurès à l’Ouarsenis, de Zbarbar au Djebel Ammour, pour les interroger de ce qu’ils ont vécu, de ce qu’ils ont subi durant l’occupation. Ils nous répondront d’une seule voix qu’ils ont connu le napalm, le phosphore et toutes les horreurs mais qu’ils étaient défendus par des héros à nuls autres pareils. Nous sommes la veille du 5 juillet, cette date qui nous marque, comme le fer, qui nous poinçonne le front, comme un cheval qu’on ferre, pour le souvenir. Et celui-ci est le plus beau.

S. A. H.

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