Ce fruit sauvage à la couleur rouge écarlate, appelé asisnu ou arbouse, a fait son apparition, ces dernières semaines, sur les étals de certains marchés. Très apprécié, des vendeurs à la sauvette le proposent dans des barquettes ou des petits gobelets. Attirés, voire intrigués par ce fruit charnu, les consommateurs s’arrêtent souvent devant les étals et l’achètent avec un plaisir non dissimulé, en dépit de son prix des fois un peu cher.
Et comme cela arrive souvent, des curieux et des badauds n’hésitent pas à demander de quoi il s’agit, car on le confond souvent avec les fraises. Asisnu, un fruit succulent, tendre, exquis, rafraîchissant et charnu, quand il est à point, est méconnu sachant qu’il ne reste pas longtemps sur les étals, car sa durée de vie est très limitée. Pour rappel, cette baie au goût délicieux et aux vertus sur la santé avérées se développe dans les zones proches des montagnes et des forêts. Sur les hauteurs des Ath Waghlis (Semaoun, Takhlidjt, Sidi Hadj Hseyen…) et des Ath Mansour (At Allouane, Mezouara, Imaghdacène…), elle se trouve en grande quantité.
Cueillie, l’arbouse, d’un diamètre de un à trois centimètres, est mise dans des petits sachets en cellophane, des barquettes, ou carrément dans des gobelets pour être proposée entre 40 et 50 DA. Les vendeurs ambulants écument alors les places publiques et les trottoirs de la ville de Sidi Aïch pour y écouler ce fruit appelé aussi «arbre à fraises». Très apprécié par les randonneurs, Arbutus unedo a un feuillage persistant. Il est à signaler qu’Arbutus en latin signifie «arbre» et selon d’autres sources, Arbutus viendrait du celte arbois, traduction de «bois austère». Ses feuilles sont ovales, vert foncé, luisant sur le dessus et vert pâle en dessous, ses fleurs blanches en forme de clochettes pendent en grappes et apparaissent en septembre, en même temps que les fruits.
Ces derniers mettent un an pour arriver à maturité. Et il n’est pas rare de voir un rameau porter les fleurs de l’année et les fruits mûrs nés des fleurs de l’année précédente. Cet arbre de croissance lente est rustique et résiste à -15 °. Il fleurit à la fin de l’été, ses fleurs sont petites, blanches ou légèrement rosées et disposées en grappes pendantes. Cependant, il est peu valorisé, voire négligé. Dans ce sens, il est rare de voir des personnes le planter dans leur jardin ou leur champ. D’ailleurs, parmi l’olivier et le figuier, qui sont de loin les arbres mythiques des Kabyles, l’arbousier fait figure «d’outsider».
L’arbouse est certes une baie charnue et sucrée, mais elle a l’inconvénient, pour beaucoup, d’avoir la peau rugueuse avec de petites pointes, sans oublier sa chaire orangée qui contient de minuscules pépins. Le plaisir de déguster ce fruit sucré à la texture très moelleuse est souvent stoppé à cause de ces petits grains qui restent en bouche. Mais étant donné qu’il contient de l’acide oxalique, il est préférable de ne pas s’en gaver et surtout de le déguster lorsqu’il est bien mûr, d’un rouge bien prononcé et prêt à se détacher de la branche.
Le fruit, particulièrement riche en vitamine C, peut être consommé cru, être utilisé pour la confection des confitures et pâtisseries, ou fermenté pour produire une boisson alcoolisée. Pour rappel, dans les pays de la rive nord de la Méditerranée (Portugal, France, Italie, Espagne…), l’arbouse est utilisée dans la fabrication des gelées, des confitures, marmelades, yaourts et autres desserts traditionnels. Les baies sont également utilisées dans la médecine traditionnelle comme antiseptiques, diurétiques et laxatives.
Bachir Djaider